Droits des salariés

Wilson Cordier (Secafi) : « la prévention des risques psychosociaux prend de nombreuses formes »

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Dans le cadre de leurs prérogatives, les représentants du personnel sont mobilisés sur une approche préventive des risques psychosociaux (RPS). Wilson Cordier, expert pour Secafi, fait le point sur l’identification des RPS, ainsi que sur leur prévention par les élus de CSE.

Wilson Cordier (Secafi) - © D.R.
Wilson Cordier (Secafi) - © D.R.

Quels sont les différents facteurs de risques psychosociaux ?

Les RPS ont des incidences sur la santé physique et mentale des salariés.

Les facteurs de risques psychosociaux sont variés. Ils ont des incidences sur la santé physique et mentale des salariés. Les facteurs organisationnels vont potentiellement alimenter des difficultés dans la réalisation du travail.

Ces difficultés peuvent être en lien avec une intensité de travail importante, une charge excessive, des moyens matériels ou humains insuffisants pour effectuer les tâches et les missions dans de bonnes conditions, des objectifs quantitatifs liés à l’activité qui sont difficilement atteignables, des difficultés à concilier vie professionnelle et vie privée, etc.

Par ailleurs, les facteurs de risques psychosociaux sont aussi en lien avec les relations au travail, à savoir, les relations avec la hiérarchie, avec les collègues et acteurs externes à l’entreprise (clients, usagers), les problématiques de conflits entre personnes, etc.

Le rapport du collège d’expertise Gollac (sur le suivi des risques psychosociaux au travail, publié en 2011) offre une grille de lecture des RPS dans les organisations que nous utilisons dans nos expertises sur les risques psychosociaux. Ce rapport fixe un cadre d’analyse de référence sur ce sujet difficile.

Quels sont les modes de prévention des RPS ?

Ce travail d’élaboration des actions de prévention est du ressort de l’employeur.

Avant de s’engager dans une démarche de prévention, il faut poser un état des lieux de la situation psychosociale au sein de l’organisation, afin d’identifier les facteurs prédominants de RPS au sein de l’organisation.

Sur la base de cet état des lieux, l’employeur a la responsabilité de mettre en place des actions de prévention. Il s’agira d’éliminer les RPS ou de les limiter au maximum, à travers des possibilités d’action très variées.

Il peut s’agir concrètement de travailler sur des actions qui permettent de limiter les situations de surcharge de travail, de favoriser la conciliation vie professionnelle vie privée, de renforcer l’entraide entre collègue de travail et le soutien hiérarchique.

Ce travail d’élaboration des actions de prévention est du ressort de l’employeur mais doit mobiliser l’ensemble des partenaires sociaux et des acteurs de la prévention au sein de l’entreprise (CSE, Préventeurs, services de santé au travail etc.). La contribution des salariés est également importante.

Quelles sont les actions possibles du CSE ?

Ces expertises contribuent à l’élaboration d’actions de prévention des RPS.

Il faut rappeler que les CSE ont un rôle d’alerte sur les situations à risque identifiées par les représentants du personnel (article L2312-59 du Code du travail).

  • Le CSE dispose de différents moyens qui peuvent lui permettre de détecter les situations à risque et d’agir sur ces situations.
    • Nous pouvons citer les inspections et visites de service qui sont une prérogative des représentants du personnel, qui permettent aux représentants du personnel de recueillir les ressentis des salariés sur leurs conditions de travail.
    • Dans tous les cas, il est important que les représentants du personnel puissent accéder au terrain. La présence de représentants de proximité, lorsqu’ils sont présents dans l’entreprise, facilite fortement cette proximité au terrain mais elle est beaucoup plus fragile depuis la suppression des CHSCT et Délégués du personnel

En matière de prévention des RPS, d’autres outils sont très utiles quand les situations sont compliquées et qu’elles ne sont pas entendues par l’employeur.

  • La procédure de danger grave et imminent (article L4131-2 du Code du travail) peut être utilisée sur certaines situations de tensions importantes et non traitées par l’employeur ou insuffisamment (burn out d’un ou plusieurs salariés dans un service, conflits entre salariés non résolu etc. ) L’usage de cette procédure doit être fait avec certaines précautions d’usage mais peut accélérer la réalisation d’enquête sur ces situations et la mise en place d’actions de prévention.
  • Le CSE peut également faire appel à un expert habilité (article L2315-94 du Code du travail), notamment lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement. Ces expertises donnent lieu à la réalisation de diagnostic sur les risques psychosociaux et contribuent à l’élaboration d’actions de prévention des RPS.

Sur le terrain, qu’observez-vous sur le plan des RPS ?

Le travail hybride génère de nouveaux risques.

Lorsque nous intervenons sur nos expertises RPS, les situations que nous retrouvons sont déjà très fragilisées et les tensions existantes atteignent bien souvent un haut niveau.

Au sein des organisations, nous retrouvons souvent certaines problématiques communes, qui viennent fragiliser la réalisation du travail et les rapports sociaux de travail.

  • Des salariés exposés à des intensités de travail importantes, à des charges de travail parfois excessives et insuffisamment régulées dans l’entreprise
  • Des salariés exposés à des changements fréquents, qui doivent s’adapter en permanence à ces changements. Ce qui est naturellement source de difficultés.
  • Des conflits interpersonnels (entre collègues ou avec la hiérarchie), qui n’ont pas été suffisamment maitrisés et qui finissent par générer d’importantes tensions pour les personnes et du mal-être. Ces problèmes ont toujours existé mais il semblerait qu’on en parle davantage aujourd’hui.
  • Dans une période plus récente, le développement du travail hybride, qui allie présentiel et télétravail, est une opportunité pour de nombreux salariés mais génère également de nouveaux risques (développement du management à distance, fragilisation du collectif de travail, isolement etc.).

Les représentants du personnel sont également exposés aux RPS. Comment peuvent-ils agir ?

En effet, les représentants du personnel doivent accumuler des connaissances dans de nombreux domaines et je les encourage à se former aux RPS, y compris pour eux-mêmes.

Ils ont un rôle d’orientation, d’accompagnement des salariés qu’ils doivent écouter de manière neutre et bienveillante, tout en gardant une forme de distance nécessaire pour se préserver. C’est un enjeu qui n’est pas simple.

Concepts clés et définitions : #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail