CSE : les 5 enjeux de l’intelligence artificielle (focus Miroir Social - Technologia)
Par Agnès Redon | Le | Logiciels de gestion
Les intelligences artificielles sont-elles déjà capables de répondre aux questions que se posent les salariés sur leur droit au travail, mieux que ne peuvent le faire les représentants du personnel ? Le webinaire, organisé le 6 juillet 2023 par Miroir Social et Groupe Technologia, donne des pistes aux représentants du personnel pour s’approprier les usages.
Gagner du temps tout en gardant les relations humaines
Selon Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale CFDT cadres :
- « Les travailleurs sont de plus en plus isolés et que par conséquent, le contact humain est fragilisé. Or il constitue la base du syndicalisme et des représentants du personnel.
Même si le passage aux CSE a réduit le temps des élus, il est important de maximiser les points de contact.
- Cependant, pour les tâches administratives, comme les comptes-rendus de réunion, les outils de l’intelligence artificielle (IA), tels que ChatGPT développé par OpenAI et spécialisé dans le dialogue, peuvent faire gagner du temps. »
Selon Matthieu Trubert, co-animateur du collectif numérique UGICT-CGT :
« L’IA permet de gagner du temps sur certaines tâches pour en consacrer davantage à l’accompagnement des salariés. »
Se former au bon usage de l’outil
Selon Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale CFDT cadres :
- « Pour recourir à ces outils et pour comprendre à la fois leurs atouts et leurs limites, la formation est la grande absente de ces questions.
- Aujourd’hui, on improvise et il faut faire attention aux mauvaises utilisations.
- L’outil ChatGPT se base sur un Internet à plus de 80 % anglophone. cela réduit la teneur de l’information transmise, ce qui constitue une limite. »
Selon Sébastien Crozier, président CFE-CGC Orange, qui analyse la question de l’IA depuis 30 ans en tant qu’expert technique et ancien entrepreneur de l’économie numérique :
- « Les choses n’ont pas vraiment changé. A part la puissance de calcul, la capacité des réseaux et la mise à disposition des données. »
- « Il n’y a pas eu de rupture conceptuelle sur le sujet mais la formation est une nécessité. »
Il observe des difficultés sur :
- La nature des données qui alimentent la capacité de l’outil à donner une réponse pertinente. « En effet, de nombreuses informations sont erronées ou obsolètes. »
- Le nombre restreint de données. « Par exemple, chez Orange, il y a des fonctionnaires et des salariés relevant du droit privé. L’outil ChatGPT mélange les deux statuts. Ces limites obligent à enrichir la base documentaire et à effectuer une réécriture intelligible pour que le système puisse agréger les données. »
« La formation sur ces outils est donc indispensable. Elle n’a pas pour but de comprendre l’outil mais de savoir comment :
- poser correctement la question pour avoir la réponse la plus pertinente possible ;
- détecter les incohérences de la réponse. »
Analyser efficacement des accords d’entreprise
Selon Matthieu Trubert :
- « Il serait pertinent que ces outils permettent d’analyser les accords d’entreprise et même de les comparer en cours de négociation par rapport à un panel d’accords. Par exemple sur le télétravail.
- C’est d’ailleurs ce que font déjà des cabinets d’expertise. Le principal fondamental doit être que ces outils soient des outils de décision et non un oracle décisionnaire.
- Un contrôle est ainsi nécessaire, pour la prise de recul et la confrontation au contexte de l’entreprise. »
Questionner la finalité de l’usage
Selon Eric Peres, secrétaire général de FO cadres :
- « un enjeu se pose sur les données personnelles dans le domaine du travail, dès lors qu’on évoque la gestion des compétences et le suivi des salariés.
- Concernant l’introduction de ces nouvelles technologies dans les entreprises et surtout leurs finalités, il est important de bien comprendre l’usage qui en est fait par l’entreprise, s’il s’agit notamment :
- D’une rationalisation économique visant à supprimer des emplois ;
- D’une surveillance des salariés ou d’un management basé sur un algorithme
- Même si ces outils peuvent bouleverser les usages, leur acceptabilité dépendra du service rendu aux élus comme aux salariés, par exemple en terme de qualité de service juridique.
- Pour les organisations syndicales, l’enjeu est très important sur la capacité à s’approprier la réglementation et l’encadrement de la collecte des données, notamment sur les droits d’auteur. »
Selon Matthieu Trubert :
- « La plus grande difficulté du recours à ces outils est la prise en compte du contexte.
- Par exemple sur le sujet du droit du travail, l’information est changeante. Il y a une élasticité du droit avec la jurisprudence. »
Instaurer un processus de confiance
Selon Marc Chenais, directeur général du Groupe Technologia :
- « Certaines informations transmises par les outils conversationnels comme ChatGPT posent la question de leur fiabilité.
- La fonction initiale d’un représentant du personnel est de répondre aux attentes des salariés, de les représenter, mais dans quelle mesure vont-ils accorder plus de confiance aux réponses d’un élu que celles d’un outil ?
- L’utilisation de l’IA doit se faire dans un processus de confiance. Or le réflexe d’un salarié qui s’interroge est davantage de se renseigner sur Google que par le biais des organisations syndicales ;
- Les salariés ont besoin de réponses instantanées, simples et en rapport avec leur contexte de travail. Comme il est difficile de former tous les salariés sur la manière de poser leurs questions, il faudrait leur mettre à disposition un outil interactif pré-paramétré avec le bon contexte. »