Dialogue social

Élisabeth Borne à l’Ajis : « Pour un dialogue social intense, chacun doit prendre ses responsabilités »

Par Agnès Redon | Le | Gouvernement

Lors d’une conférence de presse organisée par l’Ajis le 27 avril 2023, la Première ministre Élisabeth Borne s’est exprimée sur la feuille de route du Gouvernement, les sujets du nouvel agenda social, le rôle des partenaires sociaux et les minima branches.

Feuille de route du Gouvernement et dialogue social : les précisions d’Élisabeth Borne  - © D.R.
Feuille de route du Gouvernement et dialogue social : les précisions d’Élisabeth Borne - © D.R.

Feuille de route du Gouvernement

Élisabeth Borne a dévoilé la feuille de route de son gouvernement le 26 avril 2023, à l’issue du Conseil des ministres. 

« D’ici le 14 juillet 2023, nous souhaitons bâtir avec les organisations syndicales et les organisations patronales un agenda social pour un nouveau pacte de la vie au travail », a-t-elle déclaré lors de la présentation, souhaitant « renouer un dialogue apaisé et constructif avec les partenaires sociaux et leur laisser plus d’initiatives et de responsabilités ».

Au programme de cet agenda social :

• Perspectives de carrière et reconversion ;

• Prévention de l’usure professionnelle ;

• Emploi des seniors ;

• CET (compte épargne temps) universel ;

• Suite de la réforme de l’assurance chômage.

« Tous les sujets sont sur la table avec les partenaires sociaux pour améliorer la vie au travail », a déclaré la Première ministre.

Lors d’une conférence de presse organisée par l’Ajis le 27 avril 2023, Élisabeth Borne a explicité certains sujets de la feuille de route du Gouvernement présentée la veille :

  • « La mise en œuvre de la réforme des retraites, avec une trentaine de décrets qui doivent encore être pris et sur lesquels les partenaires sociaux seront consultés ;
  • Parmi les sujets annulés par le Conseil constitutionnel, ceux à remettre en discussion ;
  • La pénibilité, dont les dispositions sont inscrites dans la loi. Il faut voir maintenant comment les partenaires sociaux s’en emparent. Le principe de ce qui a été voté, c’est l’identification des métiers qui génèrent de l’usure professionnelle, branche par branche. Je souhaite qu’il y ait rapidement des discussions sur ce sujet entre les organisations patronales et syndicales.
    • On dénombre 100 000 personnes qui arrivent chaque année à l’âge de départ en retraite avec des problèmes de santé, soit 1 nouveau retraité sur 8, un chiffre beaucoup trop important. Il nous faut donc prendre ce sujet à bras-le-corps, notamment à travers la possibilité de se reconvertir en fin de carrière lorsqu’on a exercé un métier pénible pendant une partie de sa carrière. La réforme des retraites permettra aux titulaires d’un C2P d’utiliser leurs points pour financer une formation, un bilan de compétences ou une VAE dans le cadre d’un projet de reconversion.
    • Il faudra également un suivi médical renforcé en fin de carrière. Nous avons souhaité intégrer dans la réforme des retraites un suivi individuel spécifique, avec une visite médicale à 60 ans, au cours de laquelle le salarié serait informé de la possibilité d’être reconnu inapte au travail si son état de santé le justifie. Cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel mais nous souhaitons instaurer ce suivi médical renforcé via un autre véhicule législatif ;
  • L’emploi des seniors est un sujet figurant dans 2 mesures portées par le projet de réforme des retraites : l’index senior et le CDI senior. Mais ces dernières ont été considérées comme des cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel et donc censurées. Je souhaite que la discussion reprenne pour trouver la meilleure façon de progresser sur l’emploi des seniors ;
  • A propos du chantier sur la transposition de l’ANI sur le partage de la valeur, nous nous engageons à reprendre intégralement dans la loi tous les accords qui peuvent être trouvés par les partenaires sociaux. Ce sera donc le cas pour cet ANI sur le partage de la valeur. Il peut parfois y avoir un écart entre une mesure telle qu’elle est décrite dans un accord et sa transcription législative. »
  • A propos des minima de branches, les branches dont les salaires minimums sont inférieurs au Smic ont l’obligation de lancer des négociations de revalorisation de leurs grilles de classification. Nous avons même réduit le délai d’obligation pour les organisations patronales de lancer des négociations de 90 à 45 jours.
    • Avec les augmentations successives du Smic, les branches en infraction doivent prendre leurs responsabilités pour lancer au plus vite des négociations. Les négociations doivent porter sur la revalorisation des minima, mais également sur l’ensemble de la grille de classification, pour permettre aux salariés de faire évoluer leur carrière. Il y a 30 ans, on pouvait espérer, terminer sa carrière en tant que cadre en ayant démarré sans qualification. C’est aujourd’hui beaucoup plus complexe, à cause notamment du tassement des grilles. Ce sujet des perspectives d’évolution est essentiel dans notre pays.

Interrogée sur la pertinence des exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires, Élisabeth Borne a répondu :

  • « Si elles peuvent avoir des effets bénéfiques sur l’emploi, elles provoquent un tassement des rémunérations autour du Smic. Si un salarié rémunéré autour du Smic est augmenté, l’entreprise devra financer cette hausse de salaire mais aussi supporter une réduction des allègements de cotisations patronales, puisque ceux-ci sont plus faibles quand le salaire augmente », a-t-elle expliqué.
  • « Le risque est donc que les salariés rémunérés à un niveau proche du Smic le restent longtemps. C’est une vraie problématique à laquelle nous n’avons à ce stade pas de solution et qui devra faire l’objet d’une réflexion avec les partenaires sociaux. »

Vers une reprise du dialogue avec les organisations syndicales ? 

  • « Sur ces sujets, l’objectif du Gouvernement est que les partenaires sociaux puissent s’en emparer pleinement de ces sujets et fassent des propositions concrètes. Nous avons déjà reçu les organisations patronales et je souhaite que le travail avec les organisations syndicales commence le plus tôt possible ;
  • Les propositions issues de ces travaux paritaires seront transposées dans la loi début 2024;
  • Les partenaires sociaux ont toute légitimité sur de nombreux sujets liés au travail alors que l’État intervient encore trop sur ces sujets.
  • Le Gouvernement doit cependant s’assurer que chacun assume ses responsabilités jusqu’au bout.
  • J’ai en tête la réforme de la gouvernance de l’assurance chômage. Les partenaires sociaux n’ont pas voulu y prendre part », déclare la Première ministre.

« Je souhaite un dialogue social intense et que chacun prenne ses responsabilités. »

Organisations syndicales : reprise du dialogue difficile

• « La page sera compliquée à tourner s’il n’y a pas de retrait de cette réforme des retraites. La défiance reste très forte vis-à-vis de l’exécutif. Il n’y aura pas de retour à la normale si la réforme n’est pas retirée », a indiqué Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT sur RTL, le 27 avril 2023, au lendemain de la présentation de la feuille de route du gouvernement par la Première ministre.
• « Il nous sera difficile de discuter, travailler et faire des propositions avec des gens qui nous ont trahis et mal considérés », a déclaré de son côté François Hommeril, président de la CFE-CGC.

Concepts clés et définitions : #Smic ou Salaire minimum interprofessionnel de croissance