Cour de cassation : un salarié peut être licencié pour faute grave après une blague sexiste
Le | Jurisprudence des salariés
Le licenciement pour faute grave d’un animateur salarié, après une « blague » qui reflétait la banalisation des violences à l’égard des femmes lors d’une émission TV en direct, n’est pas disproportionné. Elle ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié, juge la Cour de cassation dans un arrêt du 20 avril 2022.
Le contexte
Un humoriste est embauché en septembre 2000 en qualité d’animateur par de multiples CDD d’usage. Le salarié est mis à pied et convoqué à un entretien préalable le 6 décembre 2017 et il est licencié pour faute grave le 14 décembre 2017.
Le salarié saisit le CPH afin de contester son licenciement, notamment. Cependant, la Cour d’appel rejette sa demande et rappelle que le salarié s’est engagé, dans son contrat de travail, à respecter une charte relative au respect des droits de la personne. Il était précisé que toute atteinte à cette charte constituerait une faute grave.
La Cour constate que le salarié a fait une « blague » relative à une femme battue pendant une émission diffusée en direct et à une heure de grande écoute, le 30 novembre 2017.
Cette « blague » est survenue alors que :
- l’actualité médiatique était mobilisée autour de la création de blogs d’expression de la parole de femmes tels que « #metoo » et « #balancetonporc ».
- le Président de la République Emmanuel Macron avait adressé deux jours auparavant un discours à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat.
- le salarié concerné s’est vanté « d’avoir fait le buzz » puis a adopté vis-à-vis d’une spectatrice une attitude déplacée dans les jours suivant l’incident.
Ce comportement renforce la banalisation de la violence vis-à-vis des femmes résultant des termes de la « blague ». La Cour juge donc que le licenciement du salarié, justifié par la lutte contre les discriminations et par la protection de la réputation de l’employeur, ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel du 3 décembre 2019 et rappelle l’article L1121-1 du Code du Travail, selon lequel seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché peuvent être apportées à la liberté d’expression d’un salarié.
Elle constate que le salarié a fait une « blague » sur les femmes battues et juge que le licenciement du salarié poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l’employeur.
Compte tenu de l’impact potentiel des propos réitérés par le salarié, reflétant une banalisation des violences à l’égard des femmes, le licenciement n’est pas disproportionné et ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié.
(Article adapté de News Tank RH)