A. Rémond (Groupe Alpha) : « L’accompagnement des salariés en télétravail mérite d’être renforcé »
Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé
La pandémie de Covid-19 a entraîné une explosion de la pratique du télétravail en France, une façon de travailler que le CSE peut accompagner.
Antoine Rémond, Responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha, livre son analyse sur les différentes formes d’accompagnement des salariés en télétravail et sur ses insuffisances encore courantes.
Quel peut être l’accompagnement des salariés en télétravail par le CSE ?
L’accompagnement du CSE intervient à différents moments.
- Soit le télétravail est mis en place par une charte : le CSE doit être consulté ;
- Soit il est mis en place par accord et doit être négocié avec les délégués syndicaux : le CSE n’intervient pas.
En cas de circonstances exceptionnelles comme la crise sanitaire, l'ANI (Accord national interprofessionnel) télétravail rappelle que sa mise en place est considérée comme un aménagement du poste de travail qui assure la continuité de l’activité. Dans ce contexte, l’employeur peut décider de la mise en place le télétravail de manière unilatérale.
Après un accord, le télétravail devient un thème récurrent de consultation du CSE, dans le cadre :
- De la politique sociale sur la santé, la sécurité et les conditions de travail ;
- Des orientations stratégiques de l’entreprise sur l’organisation globale du travail.
Par ailleurs, le CSE peut être consulté dans le cadre du suivi de l’accord.
Certains accords prévoient qu’un représentant de la direction et un représentant du personnel aient la possibilité de vérifier l’espace de travail des salariés à distance.
Dans votre étude intitulée « Covid-19 et télétravail. Un nouveau modèle ? » (Groupe Alpha) publiée en février 2022, vous constatez que les mesures en matière de formation, de prévention et d’accompagnement au télétravail sont insuffisantes. En quoi le sont-elles ?
Par rapport aux accords antérieurs à la crise sanitaire, nous avons constaté que l’accompagnement des salariés n’avait pas augmenté. Seuls 42 % des accords prévoient des mesures pour développer ou entretenir une culture d’équipe avec les salariés en télétravail, contre 60 % avant la crise sanitaire. C’est surprenant après le sentiment d’isolement qu’ont pu connaître certains salariés en télétravail lors de la crise sanitaire. Nous pouvions supposer qu’il y aurait une meilleure prise en compte des collectifs de travail. Ce n’est pas le cas. Par ailleurs, 44 % des accords ne prévoient aucune formation ou sensibilisation des salariés en télétravail. Il se peut que certaines entreprises aient considéré que le télétravail en confinement a constitué une période d’apprentissage et que les salariés n’avaient pas besoin d’être formés.
De même, la formation des managers est insuffisante. Seul un tiers des accords prévoit des mesures en la matière. Dans 73 % des cas, elles se limitent à un guide. Il n’est pas inutile de pouvoir se référer à un guide mais c’est moins engageant que des formations spécifiques ou des réunions d’échanges sur le management à distance.
Cependant, lors du renouvellement des accords, l’accompagnement des salariés et des managers est mieux pris en compte, comme si les entreprises sous-estimaient ce sujet à l’occasion d’un premier accord de télétravail et qu’elles prenaient conscience, par la suite, de son importance sur l’organisation du travail.
En quoi le rôle des managers a-t-il été changé par le télétravail ?
Tout d’abord, le télétravail modifie le contrôle du travail. Les managers doivent faire davantage confiance aux salariés en privilégiant la fixation d’objectifs et l’évaluation des résultats plutôt que la supervision directe.
Ensuite, en plus de leurs tâches habituelles, ils doivent garantir le lien social dans l’entreprise et prévenir le risque d’isolement. Ils doivent veiller à ce qu’il y ait des temps collectifs d’échanges et de rencontres réguliers et gérer le calendrier de télétravail des salariés qu’ils supervisent. Dans le cas des formules variables, où les jours de télétravail ne sont pas fixes, cela peut devenir un vrai casse-tête, a fortiori lorsque le télétravail devient majoritaire dans le temps de travail hebdomadaire.
Enfin, le télétravail modifie le temps de travail. 62 % des accords fixent les mêmes horaires de travail qu’au bureau, lesquels sont relativement rigides. Si ces horaires ne sont pas contrôlés, le temps de travail risque de déborder. Or seuls 45 % des accords prévoient des modalités de contrôle du temps de travail et dans 70 % de ces cas, le contrôle se limite à une déclaration de son temps de travail par le salarié. Une régulation du temps de travail pourrait passer par les mécanismes de droit à la déconnexion et de gestion de la charge de travail qui sont aujourd’hui insuffisants. Sur ce point, les managers de proximité auraient un rôle déterminant à jouer et seraient encore plus sollicités.