Droits des salariés

Égalité professionnelle : les avancées et les limites de l’Index selon le Haut conseil à l'égalité

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

« L’Index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n’a pas tenu toutes ses promesses, malgré des avancées indéniables », selon un rapport publié le 7 mars 2024 par le Haut conseil à l'égalité (HCE).

Avancées et limites de l’index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - © D.R.
Avancées et limites de l’index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes - © D.R.

Une meilleure visibilité des inégalités 

L’Index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, instauré par la loi du 5 septembre 2018 pour la Liberté de choisir son avenir professionnel, a contribué à rendre visible l’existence d’écarts de salaire entre les femmes et les hommes, estimés par l’Insee à 24 % au total, et à 15 % à temps de travail égal.

Il a mis en lumière certaines de leurs causes. Il a permis in fine une meilleure prise de conscience des inégalités salariales.

Le Gouvernement lui a donné un objectif de réduction de ces inégalités, en souhaitant passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.

La France peine à réduire les inégalités et à faire appliquer le principe juridique international d’un « salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale » malgré un riche arsenal juridique qui remonte à la première loi sur l’égalité salariale de 1972.

Le système choisi en 2018 présente des avantages :

  • Une méthode commune à toutes les entreprises de plus de 50 salariés, qui facilite les comparaisons, dans un format lisible et accessible ;
  • Un instrument multifactoriel qui permet de saisir certaines causes des inégalités salariales qui contribuent à les creuser ;
  • Un effet « label » qui valorise les actions positives des entreprises et incite les moins-disantes à améliorer leur performance ;
  • Un outil de pilotage qui se veut tendu vers des résultats, leur absence étant sanctionnable.

Les limites méthodologiques de l’Index

Malgré ces avancées, l’Index présente certains inconvénients :

  • Un périmètre limité : 1 % seulement des entreprises sont assujetties à l’index. Seul un quart des salariés est couvert par les index publiés après application d’une méthode de calcul qui exclut plusieurs catégories.
  • Une méthodologie discutable : elle neutralise les  écarts de rémunération jusqu’à 5 %, omet le facteur du « temps partiel » et écarte des éléments de rémunérations variables,
  • Un effet « bonne note » supérieure au seuil sanctionnable de 75/100 : cela laisse penser que la question des inégalités salariales est résolue, alors même que des écarts sont constatés dans la BDESE et parfois condamnés par les tribunaux,
  • Une non prise en compte du concept légal de « valeur égale » : l’index s’est limité au principe d’une égalité de rémunération à « postes équivalents » et n’a pas intégré la sous-valorisation systématique des métiers féminisés.

Les pistes d’amélioration de l’Index égalité professionnelle

Face au constat de la persistance des inégalités salariales entre femmes et hommes, la nouvelle directive européenne du 10 mai 2023 vise à renforcer l’application du principe d’une même rémunération « pour un même travail ou un travail de valeur égale », grâce à la transparence des rémunérations et à des sanctions dites « dissuasives ».

La France était plutôt à l’avance à l’échelle européenne avec la loi Roudy qui impose, depuis 1983, de mesurer les écarts de rémunération en entreprise.

Mais, en dépit des outils de mesure, on constate, comme dans la plupart des pays européens, que les inégalités ne se réduisent que lentement.

La transposition de cette Directive offre l’opportunité de revoir l’Index égalité professionnelle pour le rendre plus efficace.

Les pistes consensuelles chez les membres du HCE

  • Maintenir un outil de mesure multifactoriel des inégalités salariales et conserver une méthode universelle pour toute entreprise assujettie ;
  • Anticiper la directive, en intégrant l’ensemble des éléments variables de la rémunération ; uniformiser les périodes de références et comparer des emplois de « valeur égale » ;
  • Proposer une automatisation du calcul de l’index par les pouvoirs publics, accessible aux entreprises par un logiciel gratuit en ligne, à partir de la DSN ;
  • Recentrer la communication des pouvoirs publics sur les résultats de l’Index en indiquant les progrès qui restent à réaliser, en rappelant notamment que l’objectif est d’atteindre la note de 100;
  • Définir de manière homogène les indicateurs de l’index et ceux de la BDESE, lier la publication de l’index et celle des accords ou plans d’action égalité professionnelle, remplacer les obligations de négociations sociales de l’index par celles définies par la directive.

Les autres pistes en vue

Elles ne font pas l’objet d’un consensus mais suscitent l’adhésion d’une majorité des membres du HCE :

  • Introduire de nouveaux indicateurs sur le temps partiel et les bas salaires ;
  • Supprimer toutes les règles d’exclusion du calcul du périmètre et du « seuil de tolérance » de 5 % d’écart de rémunération ;
  • Examiner  le  nombre  et  le  montant des augmentations et l’importance des promotions ;
  • Augmenter le degré d’exigence en matière de résultats, en élevant la note minimale au-dessus de 75 et en conditionnant l’accès aux marchés publics des entreprises à un résultat satisfaisant à l’index (principe de l’éga-conditionnalité) ;
  • Afficher la note de l’index dans les offres d’emploi ;
  • Définir des  modalités  d’implication des branches professionnelles pour les  actions sur les   inégalités de rémunération, la mixité des métiers, la classification des emplois.

Pour consulter l’intégralité du bilan du Haut conseil à l'égalité (mars 2024) : « Salaires : 5 ans après l’Index, toujours pas d’égalité »

Cadre d’exploitation de l’Index égalité professionnelle

La loi du 5 septembre 2018 pour La liberté de choisir son avenir professionnel fixe un objectif de résultat et non plus seulement de moyens pour résorber les inégalités de salaire entre les femmes et les hommes dans un délai de 3 à 4 ans selon la taille de l’entreprise.

L’employeur doit évaluer son entreprise chaque année selon les 5 indicateurs de l’Index égalité d’un total de 100 points :

• La suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, à poste et âge comparables (40 points) ;
• La même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes (20 points) ;
• La même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes (15 points). Cet indicateur concerne uniquement les entreprises de plus de 250 salariés ;
• Toutes les salariées augmentées à leur retour de congé maternité, dès lors que des augmentations ont été données en leur absence (15 points) ;
• Au moins 4 femmes dans les 10 plus hautes rémunérations (10 points).

Dès que le résultat global est inférieur à 75 points, des mesures correctives et de rattrapage doivent être mises en œuvre.

Les entreprises disposent de 3 ans pour atteindre le niveau de 75 points, faute de quoi elles s’exposent à une sanction financière qui peut atteindre 1 % du chiffre d’affaires.