Harcèlement moral : Comment le CSE peut-il agir pour défendre les salariés ? (JDS Avocats)
Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé
Le harcèlement moral est un processus complexe de destruction mentale contre un individu ou un groupe d’individus. Les conséquences psychologiques et physiques peuvent être lourdes pour les salariés victimes.
A l’occasion du salon Eluceo le 09/03/2022, Jean-Baptiste Merlateau, responsable de la formation chez JDS Avocats, présente le rôle du CSE sur ces questions.
Une définition juridique du harcèlement
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (article L1152-1 du Code du Travail). Cette définition est celle d’une qualification juridique.
Il n’appartient ni à l’employeur, ni aux membres du CSE, de définir la notion de harcèlement moral. Le harcèlement moral est également une infraction pénale punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 222-33-2 du Code pénal).
Repérer le harcèlement moral
Il s’agit plutôt de comprendre en quoi l’organisation du travail et les rapports sociaux provoquent et permettent des phénomènes de harcèlement.
Car dans les plaintes du harcèlement, on retrouve très souvent :
- De nouvelles formes d’organisation du travail à l’œuvre : évaluation individualisée des performances, objectifs individuels, menaces individuelles de licenciement, menaces collectives de démembrement ou de remplacement des services par le recours à la sous-traitance…. Ces formes d’organisation anéantissent les solidarités au sein des collectifs ;
- Des systèmes de gestion basés sur la compétitivité entraînant de la concurrence, de la compétition et, par voie de conséquence, la destruction du collectif de travail (perte de l’entraide et des coopérations au travail). L’isolement devient alors la nouvelle forme d’organisation du travail. Or, le harcèlement moral est une pathologie de l’isolement ;
- Des managers qui n’ont plus besoin de connaître le travail de leur équipe pour pouvoir manager. L’appréciation du travail se fait donc à partir d’indicateurs de gestion, alors que les salariés engagent leur identité professionnelle sur le travail bien fait ;
- Des discriminations à l’œuvre et souvent de nature syndicale, sexiste, ou raciale ;
- L’insécurité de l’emploi ;
- Des restructurations nombreuses de l’entreprise, des équipes, induisant des réorganisations de tâches et de postes de travail.
Mener un entretien
Dans le cadre d’une enquête servant à repérer les signes du harcèlement moral, il est recommandé de préparer ce corpus de questions :
- Quels sont mes objectifs ?
- Quelles sont mes hypothèses ?
Par ailleurs, il est recommandé :
- D’éviter les questions suggestives. Par exemple, au lieu de poser la question en ces termes, est-ce que votre manager vous met la pression au travail ? Il faut préférer des questions ouvertes : comment décririez-vous votre management ?
- D’éviter les termes trop techniques. Par exemple, au lieu de demander : pensez-vous être parfois en conflit de valeurs ? Il faut préférer : Ce qu’on vous demande de faire est-il toujours en accord avec vos valeurs ?
- De donner une structure simple aux questions. Par exemple : Quel est votre niveau d’autonomie ?
- D’éviter les questions qui comportent deux idées. Par exemple : Comment évaluez-vous votre charge de travail et faites-vous des heures supplémentaires ? Il vaut mieux poser 2 questions : Comment évaluez-vous votre charge de travail ? Avez-vous le temps de réaliser vos tâches dans les délais impartis ?
- D’éviter le « pourquoi » car il encourage le salarié à se justifier.
Les outils à disposition du CSE
En cas de harcèlement moral, les moyens d’action du CSE sont les suivants :
- Les réclamations : la délégation du personnel au CSE a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives (article L2312-5 du Code du Travail) ;
- Les inspections : Le CSE procède, à intervalles réguliers, à des inspections en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail (article L2312-13 du Code du Travail) ;
- Les enquêtes : elle est obligatoire en présence d’allégations de harcèlement moral, à défaut l’employeur commet une faute (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-70902) ;
- Le droit d’alerte : en cas d’atteinte aux droits à la santé physique ou mentale des personnes (article L2312-59 du Code du Travail) et en cas danger grave et imminent (article L4131-2 du Code du Travail) ;
- L’expertise : risque grave identifié et actuel (article L2315-94 du Code du Travail), y compris en cas de risques psycho-sociaux (Cass. soc., 25 septembre 2019, n° 18-14110).