Droits des salariés

« L’attribution des titres-restaurant aux télétravailleurs reste encore floue » A. Rémond/Groupe Alpha

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Avec l’essor du télétravail dû à la crise sanitaire, l’attribution des titres-restaurant soulève des questions d’ordre juridique.
Antoine Rémond, Responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha, livre son analyse sur la prise en charge des frais de repas des télétravailleurs.

Antoine Rémond, Responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha - © D.R.
Antoine Rémond, Responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha - © D.R.

La prise en charge des repas diffère selon les entreprises. La seule obligation de l’employeur est de mettre à la disposition des salariés un local de restauration aménagé et équipé dans une entreprise d’au moins 50 salariés.

Il existe 2 types de pratique, à condition que les heures de travail couvrent l’heure des repas :

  • Soit le salarié a accès à un local de restauration de type cantine et dans ce cas, l’entreprise prend à sa charge une partie des frais du repas ;
  • Soit l’entreprise prend en charge une partie des frais de titres-restaurant.

Principe d’égalité de traitement entre les salariés

Le titre restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale

Le titre-restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale. En revanche, l’attribution d’un titre-restaurant est possible si et seulement si le repas du salarié est compris dans son horaire de travail journalier (article R3262-7 du Code du Travail).

Lorsque les salariés sont en télétravail, concernant la prise en charge des repas, le principe que l’employeur doit respecter est l’égalité de traitement

Il s’agit d’une règle d’ordre public rappelée par l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail (art. 4) et reprise dans le code du travail, à l’article L1222-9 du Code du Travail qui dispose : « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ».

Dans un questions/réponses à jour du 25 mars 2021, le Ministère du Travail souligne que si les salariés d’une entreprise bénéficient des titres-restaurant, ses télétravailleurs y ont aussi droit dès lors que leurs conditions de travail sont équivalentes à celles des salariés exerçant leur activité sur site.

Critères de distinction objectifs

A situation équivalente, les télétravailleurs doivent donc bénéficier des mêmes avantages que les salariés sur site. Néanmoins, il peut y avoir des différences dans l’attribution des titres-restaurant, dès lors que celles-ci reposent sur des critères de distinction objectifs.

Ainsi, si seuls les salariés qui n’ont pas la possibilité de prendre leur repas à domicile bénéficient de titres-restaurant, il s’agit bien d’un critère objectif. 

Le « grand flou » dans l’attribution des titres-restaurant

En 2021, deux jugements contradictoires sont venus renforcer ce climat d’incertitude pour les entreprises

L’appréciation de l’équivalence du télétravail et du travail sur site laisse la place à une relative subjectivité dès lors que les critères d’équivalence ne sont pas définis.

En 2021, deux jugements contradictoires sont venus renforcer ce climat d’incertitude pour les entreprises.

Le 10 mars 2021, le Tribunal de Nanterre (10-3-2021 n° 20/09616) a jugé que la situation des télétravailleurs et celle des salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise et auxquels sont remis des titres-restaurant ne sont pas comparables.

Il a considéré que, dans la mesure où les télétravailleurs concernés exercent à leur domicile, ils ne font pas face à un surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile. Dès lors, il a estimé qu’ils ne peuvent prétendre à l’attribution de tickets-restaurant dont l’objectif est de compenser ce surcoût.

Le 30 mars 2021, seulement deux semaines après le jugement rendu par le Tribunal de Nanterre, le Tribunal de Paris a statué sur la question par une décision inverse (30-3-2021 n° 20/09805). 

Il n’évoque pas le fait que le titre-restaurant ait pour objectif de faire face au surcoût lié à la restauration des salariés hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile. Pour le Tribunal de Paris, les conditions d’utilisation des titres-restaurant sont compatibles avec le télétravail. Le salarié se restaure lorsque son travail comprend un repas et par conséquent, les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site. Ces derniers ont donc droit aux titres-restaurant pour chaque jour travaillé durant lequel le repas est compris dans le travail journalier.

Dans l’attente des arrêts d’appel et, le cas échéant, de la position de la Cour de cassation, le cadre juridique reste très incertain.

Les entreprises ne sont que 8 % à réduire les droits des salariés en télétravail, qu’il s’agisse de la prise en charge des frais de repas ou de transports

En pratique, d’après les accords de télétravail observés dans de nombreuses entreprises, il s’avère qu’ils ne sont que 8 % à réduire les droits des salariés en télétravail, qu’il s’agisse de la prise en charge des frais de repas ou de transports. Certaines entreprises se prémunissent contre l’incertitude juridique en la matière en généralisant l’accès aux titres-restaurant à tous les télétravailleurs, y compris à ceux qui, lorsqu’ils travaillent sur site, n’en disposent pas mais ont accès à un restaurant d’entreprise.