Le CSE face à l’entrave : quelles sont les différentes possibilités d’action ?
Par Agnès Redon | Le | Prérogatives
Lorsqu’un employeur fait obstacle à l’action des représentants du personnel dans l’entreprise, il y a un délit d’entrave. A l’occasion d’une conférence au salon Solutions CSE le 20 septembre 2022, le cabinet Atlantes a fait le point sur ce qui caractérise une entrave et sur les possibilités d’actions du CSE.
Qu’est-ce qu’une entrave ?
L’entrave est le non-respect par l’employeur des obligations légales. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7500 € (article L2317-1 du Code du Travail).
Caractériser une entrave
Les éléments suivants caractérisent une entrave :
- La violation d’une règle. Le CSE doit identifier avec précision la ou les règles qui ont été violées par l’employeur et dont la violation créerait aujourd’hui une situation d’entrave ;
- L’élément matériel. Il faut rassembler des preuves tangibles à présenter au juge afin d’emporter sa conviction. Leurs sources peuvent être très variées : PV de CSE, courriels, attestations, relevé du logiciel de contrôle des temps, PV d’huissier, etc.
- L’élément intentionnel. En matière d’entrave, la seule méconnaissance des obligations légales permet de justifier le caractère volontaire de l’acte qui est une condition en procédure pénale ;
- Elaborer une stratégie. Une fois que ces éléments ont été fixés, il convient d’élaborer une stratégie utile pour s’assurer d’obtenir gain de cause. La qualité des éléments recueillis est alors à analyser finement, ainsi que l’urgence dans laquelle est, ou non, placé le CSE.
L’interdiction d’entrave se retrouve à différents moments de la vie du CSE, à savoir :
- Lors de la constitution de l’instance ;
- Le refus d’organisation des élections professionnelles ;
- Le fonctionnement et prérogatives de l’instance ;
- Les prérogatives collectives, par exemple en cas de refus de tenir une réunion du CSE ;
- Les prérogatives individuelles, par exemple s’il y a une impossibilité de poser des heures de délégation.
Obtenir une obligation de faire de l’employeur : les autres voies d’actions judiciaires
L’entrave n’est pas la seule solution pouvant s’ouvrir au CSE lorsque ses prérogatives ne sont pas respectées. Les alternatives sont les suivantes :
- La suspension d’une décision de l’employeur
Le CSE peut demander la suspension de mise en œuvre de projet par l’employeur sans qu’il n’ait été consulté, sauf en cas de licenciements économiques. Pour ce faire, le CSE doit saisir le tribunal judiciaire en procédure en référé.
- L’exécution forcée des obligations de l’employeur
Le CSE peut demander en justice :
- La réponse à des questions dans le cadre d’une info consultation ;
- La tenue d’une réunion ;
- La communication d’informations.
Dans ce cas, le CSE ne peut demander l’octroi de dommages et intérêts qu’à titre provisionnel. Si le CSE souhaite obtenir des dommages et intérêts, il doit passer par la voie de l’entrave.
Si les élus estiment manquer d’éléments suffisants, il leur appartient de saisir le tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond pour obtenir communication des éléments manquants.
Attention : cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis.
Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du CSE, le juge peut décider la prolongation du délai. L’initiative du contentieux relève du CSE qui dispose de délais relativement brefs pour faire valoir ses droits en justice. Il lui appartiendra et à ses frais, de démontrer que des informations essentielles à sa consultation font défaut sans avoir toutefois de garanties que la procédure sera pour autant prolongée.
En plus de cette action, il est possible de saisir le juge pour faire reconnaître une entrave.
Les actions précontentieuses en cas de non-respect des prérogatives du CSE
En cas de non-respect des prérogatives du CSE, le Comité peut solliciter dans le cadre de ses attributions différents acteurs.
En effet, l’inspection du travail est compétente pour adresser un rappel de la législation du travail, voire pour constater des infractions et dresser en conséquence un procès-verbal.
Spécifiquement en matière de santé, sécurité :
- La médecine du travail est un invité « de droit » lors des réunions plénières. En fonction de l’ordre du jour, sa présence peut s’avérer fortement utile pour apprécier les démarches de la direction et des élus. Elle a un rôle de conseil.
- L’agent de contrôle de la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de santé au travail).
- Les avocats, juristes et experts peuvent aider les élus à justifier juridiquement leur demande, à lister les questions à poser dans le cadre de l’examen d’un sujet, à identifier les informations complémentaires à solliciter, etc.
Contacter son avocat, son juriste, ou son expert-comptable avant la réunion a souvent plus de sens et de portée que de le contacter après. En effet, bien souvent un contact « pré-réunion » permet de mieux préparer l’ordre du jour et d’éviter les éventuels risques de contestation voire de contentieux.