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Les prérogatives environnementales du CSE en pratique : analyse d’Emmanuel Gastineau, Secafi

Par Agnès Redon | Le | Prérogatives

Consultant et animateur sur la RSE et les métiers de l’environnement pour Secafi (Groupe Alpha), Emmanuel Gastineau analyse la façon dont les récentes prérogatives environnementales du CSE se concrétisent et les réticences qui les accompagnent dans les entreprises.

Emmanuel Gastineau, consultant et animateur sur la RSE pour Secafi / Groupe Alpha) - © D.R.
Emmanuel Gastineau, consultant et animateur sur la RSE pour Secafi / Groupe Alpha) - © D.R.

La loi Climat et Résilience et ses effets

La loi Climat et résilience du 22 août 2021 modifie les attributions consultatives du CSE. Il s’agit d’assurer la prise en compte des intérêts des salariés dans les décisions de l’entreprise « notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions ». 

Ces nouvelles prérogatives s’inscrivent dans l’agenda déjà bien chargé du CSE, avec de nombreux thèmes d’information et de consultation.

Ce sujet nécessite d’appréhender les enjeux propres à chaque secteur d’activité.

Ainsi, la mission de l’expert-comptable auquel le CSE peut recourir dans le cadre des trois grandes consultations récurrentes porte désormais sur des éléments d’ordre environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise, d’après l’article L2315-87-1 du Code du Travail.

Par ailleurs, la BDES (Base de données économiques et sociales) est devenue BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales) depuis la loi Climat et résilience. Conformément à l’article L2312-36 du Code du Travail, les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise doivent obligatoirement figurer dans la BDESE.

Limites et recommandations

Les réticences à dépasser

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience, on observe que certaines entreprises prennent la loi à la lettre et ne l’appliquent qu’a minima au travers des seules prérogatives du CSE et refusent d’aborder ces thèmes dans des instances de groupe par exemple. D’autres reportent le thème en se référant à l’attente de publication de décrets sur la BDES.

Pour beaucoup, ces thèmes qui n’avaient jusqu’à présent jamais fait l’objet de débats, sont des sujets techniques et ils ne sont pas appréhendés comme un objet du dialogue social. 

Les difficultés à prendre en main les enjeux environnementaux existent du côté des élus du personnel comme de la direction.

Pour certaines entreprises, les enjeux environnementaux interrogent le modèle économique des entreprises et leur durabilité.

De ce fait, les directions préfèrent garder le contrôle et limiter l’information et à la consultation du CSE sur les conséquences des décisions déjà prises pour éviter toute ingérence des représentants des salariés dans les prises de décision. Ceci est regrettable car les risques sur l’emploi et les salariés sont dans certains cas bien réels et mériteraient d’être anticipés.

A l’inverse, une stratégie d’atténuation et d’adaptation partagée, dans le cadre d’un dialogue social construit autour des actions engagées par l’entreprise, a des bénéfices indéniables. Il participe à l’engagement des salariés, à l’image de l’entreprise et à son attractivité.

Au-delà et de façon pratique, il permet de s’assurer d’une mise en mouvement à la hauteur des enjeux notamment en termes :

  • De couverture des nouveaux besoins en formation ;
  • D’évolution des compétences indispensables à la transition dans l’entreprise.

Les entreprises ne peuvent plus poursuivre leur activité en ignorant les considérations environnementales : ce qui était auparavant toléré par les consommateurs et les salariés ne l’est plus aujourd’hui pour certaines et ne le sera plus demain pour les autres.

Les entreprises communiquent fortement et à juste titre sur leurs engagements RSE qui pour mémoire englobent les thèmes de l’environnement et du social. Et c’est bien logique car les contraintes environnementales ont in fine des conséquences sociales.

La proactivité des CSE sur les thèmes de l’environnement et de la RSE est indispensable pour que le dialogue social joue le rôle de garant et de promoteur de la transition tel que souhaité par le législateur.

Ce point doit être inscrit au plus tôt à l’ordre du jour des CSE pour éviter que les salariés ne soient mis devant le fait accompli.

Même si le dialogue est imparfait au début et que les données sont insuffisantes, c’est l’existence même du dialogue qui permettra d’avancer.

L’importance de la formation

Les perceptions de ce thème varient grandement selon les élus. Certains, du fait de leur métier notamment, sont très au fait du sujet. D’autres sont préoccupés par d’autres priorités.

La formation me semble un incontournable pour créer un socle commun de perceptions et de partage des enjeux.

L’article L2315-63 du Code du Travail, relatif à la formation des membres du CSE mentionne que : « cette formation peut notamment porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises ».

L’intérêt de la formation a donc bien été identifié par le législateur. Il n’a malheureusement pas défini de moyens spécifiques pour le faire…

Mais au-delà de la loi, les élus ne sont pas les seuls à avoir besoin d’une formation en la matière. Les directions devraient également s’y mettre car elles ont de leur côté le même besoin de se mettre à jour sur les enjeux que porte notre monde aujourd’hui. 

Même en l’absence de formation, nous préconisons au CSE d’analyser au travers de leurs échanges avec les directions et dans le cadre des informations consultations :

  • Les conséquences actuelles et futures des problématiques environnementales sur leur entreprise en termes de ventes, de coûts, d’investissement, d’emplois et de compétences ;
  • La façon dont l’entreprise agit pour atténuer son impact environnemental et comment elle anticipe les évolutions inévitables des années à venir. 

Ces éléments doivent devenir récurrents dans le dialogue social. Ils sont à prendre en compte et à examiner dès aujourd’hui dans le processus d’information consultation qu’il s’agisse de :

  • l’examen des comptes ;
  • la politique sociale de l’entreprise ;
  • des orientations stratégiques.

La prise de conscience est de plus en plus forte sur les enjeux environnementaux. Dépasser les réticences et les limites est indispensable pour y répondre et pour passer de l’engagement à l’action.