Droits des salariés

Antoine Rémond (Groupe Alpha) : « Améliorer la qualité du travail pour augmenter l’emploi des seniors »

Par Agnès Redon | Le | Protection sociale

C’est un sujet majeur au sein de l’entreprise : le maintien et le suivi des seniors nécessitent une gestion attentive dans les CSE. Antoine Rémond, Responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha, fait le point sur le rôle de la QVCT pour la soutenabilité du travail des seniors.

Antoine Rémond (Groupe Alpha) - © Groupe Alpha.
Antoine Rémond (Groupe Alpha) - © Groupe Alpha.

Comment le sujet de l’emploi des seniors est-il abordé en entreprise ?

La question des seniors est mal traitée.

Premièrement, le sujet des seniors est peu abordé. C’est le constat du Centre Etudes & Data (CED) du Groupe Alpha, qui a examiné 75 000 accords conclus entre le 4ème trimestre 2017 et le 1er trimestre 2023 sur des thèmes de GEPP, mesures d’âge, temps de travail, QVCT, etc. Sur cette base, seuls 2470 accords traitent de l’emploi des seniors.

C’est très peu et cela illustre le sous-investissement des entreprises en la matière. A titre de comparaison, environ 6000 accords d’égalité professionnelle sont signés chaque année.

Deuxièmement, la question des seniors est mal traitée. Lorsqu’elle est abordée, elle l’est sous l’angle des fins de carrière, en instaurant des dispositifs d’allègement du temps de travail ou de cessation anticipée d’activité. Or, ce n’est pas à la fin d’une carrière seulement qu’il faut traiter ce sujet mais en amont. Car il ne se limite pas à une question de rythme de travail.

Il renvoie également à des problématiques de conditions de travail, d’adaptation des compétences et d’accès à la formation. Une enquête récente de la Dares a ainsi montré que 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite et ce n’est pas en fin de carrière que cette insoutenabilité perçue est la plus forte.

Quel est le rôle du CSE sur l’emploi des seniors ?

Il faut déjà que les élus aient une vision claire et documentée du sujet.

Il faut passer d’une approche centrée sur les fins de carrière à une approche basée sur les parcours professionnels. Pour cela, il faut déjà que les élus aient une vision claire et documentée du sujet pour identifier précisément les enjeux et mettre en place des mesures adaptées en vue de réorganiser le travail et la dynamique des parcours professionnels des seniors.

Cela passe par un diagnostic de la situation de l’entreprise qui repose sur un volet quantitatif (indicateurs) et sur un volet qualitatif (enquête). Ce diagnostic doit permettre de définir les objectifs et les mesures à adopter ainsi que les modalités et indicateurs de suivi. Ces éléments devront ensuite être retranscrits dans un accord.

La pertinence du diagnostic quantitatif repose d’abord sur des indicateurs adaptés et disponibles par tranche d’âge, notamment le taux d’embauches, de promotions, de mobilités, de progression salariale, temps moyen de formation, indicateurs relatifs à l’absentéisme, l’accidentologie, etc. Or, ces indicateurs par tranche d’âge sont rarement disponibles. C’est pourquoi ils doivent être suivis dans le bilan social ou dans la BDESE.

Pour compléter ce volet quantitatif, un diagnostic qualitatif apparaît nécessaire. La réforme des retraites a mis en lumière une crise du travail. Celle-ci n’est pas spécifique à la fin de carrière et concerne l’ensemble du parcours professionnel des individus. La réalisation d’une enquête auprès des salariés pour évaluer la qualité du travail permettrait d’objectiver les situations et pourrait constituer un outil susceptible d’adapter les conditions de travail et la dynamique des parcours professionnels.

Dans certains pays européens, comme en Finlande, cette approche par questionnaire auprès des salariés a constitué un outil de premier plan, comme le montre l’expérience du Work Ability Index (WAI, index de capacité de travail).

En quoi consiste le Work Ability Index ?

Le score obtenu permet de qualifier la soutenabilité au travail.

Il s’agit d’un questionnaire anonyme adressé à tous les salariés de l’entreprise, avec 4 facteurs clés pris en compte :

  • La santé ;
  • La formation et les compétences ;
  • Les valeurs ;
  • Le travail.

Ce concept tient compte également de l’environnement de l’individu car celui-ci contribue à renforcer la capacité de travail.

Le score obtenu permet de qualifier la soutenabilité au travail de mauvaise à très bonne. L’objectif recherché est de maintenir cette capacité de travail, quel que soit l’âge des individus. Sa dégradation avec l’âge signifie que les entreprises doivent intervenir afin de la revaloriser.

Que peut apporter le Work Ability Index à l’emploi des seniors ?

  • Pour une entreprise, l’intérêt du WAI est le maintien de sa performance. En effet, une main-d’œuvre essorée n’est jamais un facteur positif de productivité.
    • En Finlande, le WAI a joué un rôle non négligeable dans les entreprises. En prenant des mesures tout au long du parcours professionnel, les entreprises finlandaises ont amélioré la qualité du travail et, en bout de parcours, l’emploi des seniors.
  • Le questionnaire peut être adapté par les acteurs sociaux qui pourraient souhaiter renforcer la dimension compétences ou celle de la synergie entre les âges.
  • Si l’outil est déployé à un niveau suffisamment centralisé, au moins celui de la branche, il permet de comparer les entreprises par rapport à cette référence, voire de les comparer entre elles.
  • Il est en effet tout à fait possible d’adapter le questionnaire par branche pour tenir compte des problématiques qui leur sont spécifiques. Par exemple, dans une branche où la pénibilité au travail est importante, les questions sur le sujet pourraient être renforcées.

Concepts clés et définitions : #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail