Droits des salariés

Télétravail : les 5 enseignements de la Dares sur la pratique du télétravail en 2023 

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Entre 2019 et 2023, la part des personnes salariées pratiquant le télétravail au moins occasionnellement passe de 9 % à 26 %. Sa pratique intensive, trois jours ou plus par semaine, qui concernait 1 % des salariés en 2019, culmine à 18 % en 2021, durant la crise sanitaire, avant de redescendre à 5 % en 2023, d’après une étude publiée par la Dares et présentée le 05 novembre 2024.

QVCT :  la pratique du télétravail en 2023 et ses évolutions  - © Canva
QVCT : la pratique du télétravail en 2023 et ses évolutions - © Canva

1/ Une hausse du télétravail portée par les cadres et les femmes

La nette hausse du télétravail entre 2019 et 2021 (de 9 % à 31 %, +22 points) concerne toutes les catégories socioprofessionnelles de salariés, mais à des degrés très divers.

  • En effet, les cadres et professions intermédiaires y contribuent fortement, pour huit et neuf points respectivement, les employées plus modérément (respectivement, quatre points et un point) .

  • Alors que les femmes sont minoritaires parmi les salariés télétravailleurs en 2019, elles en représentent un peu plus de la moitié en 2023. De même, la part des plus jeunes (moins de 30 ans) et des plus diplômés (bac+5 ou plus) parmi les personnes en télétravail augmente sur la période.

  • Le télétravail se répand surtout parmi les cadres, les personnes en contrat à durée indéterminée (CDI) et les salariés du secteur privé.

2/ Une différence de moyens selon les profils de télétravailleurs

« Comparativement aux autres salariés, les télétravailleurs déplorent moins souvent que les moyens dont ils disposent pour travailler sont insuffisants ou inadaptés. De ce point de vue, leur situation tend même à s’améliorer entre 2021 et 2023 : les salariés en télétravail indiquent être encore mieux pourvus en équipements et moyens de travail en fin de période, dans un contexte où l’usage d’outils numériques pour une durée quotidienne supérieure à sept heures se maintient à un niveau élevé (75 %) », selon la Dares.

  • Par ailleurs, la proportion de salariés qui télétravaillent sans bénéficier d’une compensation financière pour les frais liés à cette pratique passe de 86 % en 2021 à 61 % en 2023.

  • Des différences apparaissent toutefois selon les profils. Les femmes en télétravail signalent un peu plus souvent des moyens insuffisants ou inadaptés que leurs homologues masculins, tout comme les professions intermédiaires relativement aux cadres.

  • Ne pas percevoir une compensation pour frais de télétravail est plus fréquent parmi les plus jeunes, les salariés du secteur privé et les personnes en contrat à durée limitée.

3/ Davantage de télétravail souhaité

La proportion de personnes qui souhaitent télétravailler davantage triple entre 2021 et 2023, passant de 14 % à 44 %.

« Plus la quotité de télétravail est faible, plus les télétravailleurs souhaitent en faire davantage. Parmi les télétravailleurs d’un jour ou moins par semaine, 50 % pratiquent moins que souhaité, contre 20 % parmi les personnes qui télétravaillent trois jours ou plus. Ce souhait d’extension se fait au plus près de la pratique actuelle. Par exemple, les personnes télétravaillant un jour par semaine et désireuses d’en faire plus fréquemment souhaitent majoritairement pouvoir en faire deux jours. »

  • En 2023, l’adéquation entre fréquences de télétravail effective et souhaitée varie suivant la catégorie socioprofessionnelle.

  • Parmi les télétravailleurs, 48 % des cadres en font autant que souhaité, contre 35 % des employés. Ces derniers souhaitent plus souvent télétravailler davantage que les professions intermédiaires, ou encore que les cadres.

  • En 2021, dans un contexte de télétravail plus souvent « subi », la situation est différente : les cadres souhaitent plus fréquemment que les autres catégories socioprofessionnelles diminuer leur fréquence de télétravail.

4/ Plus d’autonomie et un travail moins intense à distance, mais un moindre soutien social que sur site

En moyenne, lorsqu’ils sont à distance, les télétravailleurs déclarent disposer de plus d’autonomie que sur site. En 2023, seulement 3 % d’entre eux peuvent moins facilement organiser leur travail que sur site, tandis que 33 % pensent que c’est plus facile.

« Lorsque les télétravailleurs sont à distance plutôt qu’en présentiel, l’intensité de leur travail est moindre. Ils doivent interrompre moins souvent une tâche pour en effectuer une autre imprévue, et ils travaillent moins fréquemment sous pression. Cette situation peut notamment être due aux moindres interactions en face-à-face avec les collègues, les supérieurs hiérarchiques, mais aussi avec les clients, le public, etc., favorisant un rythme de travail moins saccadé.

  • Les télétravailleurs indiquent que les rapports sociaux au travail sont plus dégradés à distance qu’en présentiel, avec un moindre soutien du supérieur hiérarchique et des collègues pour mener les tâches à bien.

  • L’isolement social et, d’une manière générale, la diminution des discussions formelles ou informelles au sein du collectif de travail sont des risques qui peuvent s’accroître avec le développement du télétravail.

  • Les discussions collectives portant sur l’organisation ou le fonctionnement de l’unité sont jugées moins faciles à distance que sur site par les télétravailleurs. »

5/ Des télétravailleurs globalement en meilleure santé

« Avant la crise sanitaire, les télétravailleurs comptaient une plus forte proportion de salariés à l’état de santé altéré, en situation de handicap ou avec un risque dépressif élevé. Le télétravail était surtout pratiqué afin d’aménager les postes des salariés dont l’état de santé n’était pas - ou était difficilement - compatible avec un travail sur site. »

  • En 2023, la situation change : les télétravailleurs ont moins fréquemment un état de santé altéré que les non-télétravailleurs (31 %, contre 37 %).
  • Ils présentent également moins souvent un risque élevé de dépression (17 %, contre 20 %). Ils sont aussi moins affectés par une maladie chronique (24 %, contre 28 %) et sont moins enclins à ressentir des douleurs fréquentes (51 %, contre 57 %) ou des troubles du sommeil (40 %, contre 44 %).

Méthode de l’étude

Trois enquêtes de la Dares sont mobilisées dans l’étude.

• Les enquêtes « Conditions de travail » sont réalisées périodiquement depuis près de quarante ans. Depuis 2013, l’enquête est conduite tous les trois ans et porte sur l’ensemble des personnes en emploi. Pour l’édition 2019, le volet « Individus » a été collecté d’octobre 2018 à mai 2019. 20 687 salariés dans le champ de l’étude ont répondu.

• L’enquête nationale sur le vécu du travail et du chômage pendant la crise sanitaire liée au Covid-19 a été menée du 27/01 au 07/03/2021. Elle vise à décrire les conséquences concrètes de la crise sanitaire sur les conditions de travail des actifs occupés et le vécu des individus sans emploi. 15 344 salariés dans le champ de l’étude y ont répondu.

• L’enquête sur le vécu du travail et du chômage depuis la crise sanitaire liée au Covid-19 a été réalisée du 12/01 au 10/04/2023. 23 662 salariés dans le champ de l’étude y ont répondu.