Fonctionnement

Les cadres de direction sont désormais électeurs au CSE / Eclairage juridique de C. Davico-Hoarau

Par Agnès Redon | Le | Mandats

Le projet de loi portant sur les mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi révise les règles relatives à l’électorat aux élections du CSE. Il s’agit de permettre aux représentants de l’employeur de participer à ces élections. 
Eclairage juridique de Catherine Davico-Hoarau, avocate associée du cabinet Coblence.

Catherine Davico-Hoarau, avocate associée du cabinet Coblence - © D.R.
Catherine Davico-Hoarau, avocate associée du cabinet Coblence - © D.R.

Rappel du cadre législatif

Le projet de loi révise les règles relatives à l’électorat aux élections du CSE. Cet article du projet de loi fait suite à une décision du Conseil constitutionnel (QPC n° 2021-947 du 19 novembre 2021) ayant jugé que les règles relatives à l’électorat, telles qu’appliquées par la Cour de cassation, excluaient les salariés assimilés à l’employeur, étaient contraires au principe constitutionnel de participation des travailleurs

Qui sont les salariés qui peuvent voter au CSE ? 

L’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017 ratifiée par la loi 2018-217 du 29 mars 2018 a créé le Comité social et économique. Le CSE a remplacé les trois instances représentatives :

  • Délégués du personnel ;
  • Comité d’entreprise ;
  • CHSCT.

Les premières élections du CSE se sont déroulées à partir du 1er janvier 2018 et bon nombre d’entreprises vont devoir organiser son renouvellement à l’échéance de la durée du mandat : rappelons que la durée légale est de quatre années mais que par accord de branche, accord de groupe ou accord d’entreprise, cette durée peut être ramenée à 2 ans ou 3 ans.

L’organisation des élections doit se faire à l’initiative de l’employeur qui doit inviter les organisations syndicales à négocier un protocole d’accord pré-électoral.

Dans ce cadre, il convient d’apprécier les conditions d’électorat et d’éligibilité des salariés qui sont déterminées par les articles L.2314-18 et L2314-19 du Code du Travail.

L’article L.2314-18 du Code du Travail dispose :

« Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis 3 mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques. »

L’article L.2314-19 du Code du Travail dispose :

« Sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l’entreprise depuis un an au moins, à l’exception des conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur. »

Le projet de loi

La Cour de Cassation a été saisi par jugement du 17 juin 2021, rendu par le Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse. Il s’agissait d’une question prioritaire de constitutionnalité à la suite de l’action diligentée par le syndicat CGT en annulation des élections professionnelles du 3ème collège au sein d’un établissement. En effet, les directeurs de magasins avaient été inscrits en qualité d’électeur.

La QPC était la suivante : « Les dispositions de l’article L.2314-18 du code du travail telles qu’interprétées par la jurisprudence de la cour de cassation, en privant certains travailleurs de la qualité d’électeur aux élections professionnelles et en n’encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n’être pas éligibles, ne méconnait-elle pas le principe de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail et à la gestion des entreprises défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? ».

Par arrêt du 15 septembre 2021, la Cour de cassation a renvoyé cette question au Conseil Constitutionnel.

Par décision n° 2021-947 du 19 novembre 2021 le Conseil Constitutionnel a abrogé à effet du 31 octobre 2022 l’article L.2314-18 du Code du Travail au motif que : « la Cour de Cassation juge de manière constante, que doivent néanmoins être exclus du corps électoral les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel. Toutefois, en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, ces dispositions portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs. »

« Tous les salariés sans exception » peuvent se porter candidat

Le projet de loi portant mesures d’urgences relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi déposé à l’Assemblée Nationale le 7 septembre 2022, adopté tant par l’Assemblée Nationale que par le Sénat, rétablit l’article L.2314-18 du Code du Travail. Il complète le premier alinéa de l’article L.2314-19 du Code du Travail.

Ainsi, le nouvel article L.2314-18 du code du travail dispose :

« Sont électeurs l’ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques. ».

Par conséquent, l’ajout au texte antérieur des mots « l’ensemble des salariés » permet d’intégrer tous les salariés sans exception dès lors qu’ils sont âgés de 16 ans et qu’ils travaillent depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ont pas fait l’objet d’une interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques.

Le nouvel article L.2314-19 du Code du Travail dispose :

« Sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l’entreprise depuis un an au moins, à l’exception des conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur ainsi que des salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique. ».

Tirant les conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel qui rappelle le principe constitutionnel de participation de tout travailleur défini au 8ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946, le projet de loi distingue ainsi dorénavant les conditions d’électorat de celles de l’éligibilité. Alors que jusqu’à présent, la Cour de cassation liait les deux pour juger que ne pouvaient être ni électeurs, ni éligibles les salariés qui disposaient, soit d’une délégation, soit d’un pouvoir de représentation de l’employeur.

Les critères d’éligibilité

Si l’ensemble des salariés pourront être électeurs, tous ne pourront pas être éligibles et les critères d’exclusion retenus de façon constante par la Cour de Cassation sont désormais ceux fixés à l’article L.2314-19 du Code du Travail.

Deux catégories de salariés doivent donc être exclues du régime de l’éligibilité :

  • Première catégorie : les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au Chef d’entreprise.

La notion de délégation d’autorité permettant à un cadre d’être assimilé au chef d’entreprise doit s’entendre comme une délégation personnelle conférant, à son détenteur, les prérogatives de l’employeur. Ce sont notamment le recrutement, l’exercice du pouvoir disciplinaire ou le licenciement.

Eligibilité sans délégation écrite

La Cour de Cassation, par un arrêt du 27 janvier 2021 a jugé que l’existence d’une délégation écrite particulière d’autorité ne pouvait résulter de la seule description d’une fiche de poste. D’autre part, comme les attributions du directeur d’agence étaient limitées à l’identification des candidats dont le recrutement est validé par une commission nationale et, en cas de sanction, à l’aval préalable de la direction juridique ou du directeur de zone, la Cour lui a reconnu la qualité d’électeur.

Par un arrêt du 16 décembre 2020, la Cour de cassation a jugé éligible une salariée qui n’avait pas de délégation écrite d’autorité, et ne représentait pas l’employeur devant les institutions représentatives du personnel.

  • Seconde catégorie : les salariés qui représentent, effectivement, l’employeur devant le CSE

Il s’agit donc de tous les salariés qui président les CSE, soit d’entreprise, soit d’établissement.

Cette catégorie concerne également des salariés qui représentent effectivement l’employeur devant les représentants de proximité (arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2021)

Le projet de loi a prévu une entrée en vigueur de ces dispositions le 1er novembre 2022. Il s’agit de ne pas se retrouver sans texte, puisque l’ancien article est abrogé, par décision du Conseil Constitutionnel à effet du 31 octobre 2022.