Fonctionnement

Nicolas Cauchy (Prometéa) : « La formation des élus passe par la culture générale du dialogue social »

Par Agnès Redon | Le | Mandats

Confrontés à de nombreuses réformes du Code du travail dans l’exercice de leur mandat, les élus doivent gérer des enjeux nouveaux, toujours plus complexes.
Nicolas Cauchy, directeur général de Prometéa, nouvel organisme de formation du Groupe Alpha et d’Atlantes Avocats à l’attention des représentants du personnel, fait le point sur leur accompagnement.

Nicolas Cauchy, directeur général de Prometéa - © Sacha Lenormand © Sacha Lenormand
Nicolas Cauchy, directeur général de Prometéa - © Sacha Lenormand © Sacha Lenormand

Quels sont les objectifs de la création de Prometéa ?

Les ordonnances puis la crise sanitaire sont venues complexifier et enrichir les besoins et attentes en formation des élus.

Pendant 20 ans, la formation dispensée par nos consultants formateurs chez Secafi a bien fonctionné et répondu aux aspirations des élus de CSE. Les formations syndicales, au contenu plus engagé, ont également apporté un bon complément à nos formations. Cependant, les ordonnances puis la crise sanitaire sont venues complexifier et enrichir les besoins et attentes en formation des élus. En effet, le temps disponible et la nature des sujets auxquels les élus doivent être capables de répondre ont changé. On leur demande maintenant d’être compétents sur des disciplines nouvelles, auparavant confiées à des instances spécialisées : l’économie d’entreprise, la RSE et toutes les atteintes à la santé.

Par ailleurs, la génération des boomers, élus de CSE, commence à prendre sa retraite et elle est remplacée par des novices qui ont besoin d’être formés. Cette nouvelle génération souhaite à la fois exercer utilement son mandat et rester au meilleur niveau dans leur métier d’origine, dont la demande de formation, après la pandémie, a beaucoup changé : plus courte, modulable, en distanciel. Professionnaliser cette activité, par le biais de la création de Prometéa, permet de répondre à ces besoins.

En matière de formation, quels sont vos principaux conseils aux élus ?

Je recommande aux élus de s’inscrire dans une logique de parcours

Si la mission d’un élu de CSE vient en complément d’un métier, il faut néanmoins rester exigeant, aussi bien dans le contenu que dans le format. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui avec de plus en plus de problématiques à appréhender. Pour éviter les approximations, tout en gardant une nécessaire souplesse dans les modules de formation, quel que soit leur format, nous effectuons, en tant que professionnels de la pédagogie, un véritable pilotage de l’activité. Ainsi, nous formons nos propres formateurs pour que le contenu et le format de la formation délivrée, non seulement, soient à jour concernant la réglementation, l’actualité jurisprudentielle et technique, mais également, intègrent une dimension terrain et de proximité avec les situations vécues par les stagiaires. En ce sens, les formations proposées sur le marché à prix cassés, avec des sessions d’une dizaine de personnes et qui reprennent des contenus sur internet ne répondent pas aux exigences et aux besoins des élus.

Par ailleurs, je recommande aux élus de s’inscrire dans une logique de parcours, c’est-à-dire une formation adaptée à l’expérience et aux compétences acquises lors d’un mandat, car il est important de se former de manière progressive. Ainsi, notre ambition est également de dispenser des formations relevant de la culture générale du dialogue social. En effet, l’élévation de la qualité du dialogue social passe par les connaissances de base pour progressivement atteindre un niveau exécutif. Pour ce faire, nous réfléchissons à des programmes en association avec de grandes écoles.

Dans une enquête menée en 2021 par Atlantes Avocats et Secafi auprès de 700 élus de CSE, seulement 1/3 des élus exerceraient leur droit à formation, les 2/3 restants ne le faisant pas par manque de temps ou par méconnaissance de leurs droits. Comment faire pour que les élus s’emparent davantage de ce droit ?

Il y a en effet une méconnaissance des éléments structurants et essentiels à l’exercice du mandat. En 2022, Secafi et Atlantes ont formé 2 500 élus du personnel. Dans le cadre du révérenciel Qualiopi, qui vise à attester de la qualité du processus mis en œuvre pour le développement des compétences, nous devons mettre en place une auto-évaluation du niveau d’entrée, peu de temps avant le début de la formation. Il s’agit d’apprécier la progression effectuée entre le début et la fin de la formation. Il s’avère que moins de 15 % des élus effectuent régulièrement des visites de sites, alors que c’est une de leurs prérogatives. Par ailleurs, seulement 30 % d’entre eux rédigent la résolution des avis de CSE. Afin qu’ils s’emparent davantage de ce droit à la formation, nous avons donc :

  • Créé un organisme de formation dédié avec une communication exclusivement centrée sur l’offre de formation ;
  • Rénové le programme et le contenu de formation, notamment en format plus court, avec des cas pratiques. Par exemple, nous avons fabriqué trois jeux de rôle pédagogiques en situation de réunion de CSE. 

De quelle manière allez-vous accompagner les élus à se saisir dans leur formation de leurs prérogatives sur l’environnement ?

Nous avons conçu un parcours de formation avec plusieurs modules, selon le niveau de connaissance.

Si les prérogatives liées à la santé et à la sécurité au travail sont précisément définies par le Code du travail, ce n’est pas le cas de l’environnement. La loi climat et résilience de 2021 a élargi la mission des CSE, afin de prendre en compte des conséquences environnementales des décisions de gestion.

Le CSE a pour mission d’assurer une expression collective des salariés, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. A chaque consultation récurrente, il est désormais prévu d’aborder l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise. Pour accompagner les élus, nous avons conçu un parcours de formation avec plusieurs modules, selon le niveau de connaissance. Par exemple, il y a un module sur :

  • La réglementation applicable ;
  • L’information-consultation ;
  • Les lieux où peut s’engager la discussion sur ces problématiques ;
  • Pour les plus experts, la création d’éco-gestes à déployer dans une entreprise.

Que pensez-vous de l'offre de formation commune réunissant des représentants des employeurs avec des représentants des salariés ?

Cette formation a du sens pour certains sujets plus consensuels, comme la transition énergétique.

Nous ne nous interdisons rien en la matière. Prometéa est issu du Groupe Alpha et nous sommes résolument engagés depuis 40 ans pour l’équilibre entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés. Dans certaines entreprises, cette configuration de formation n’est pas une évidence, compte tenu des différentes dissensions autour de la table des négociations. Sur des sujets relatifs à la santé et à la sécurité, l’employeur ne doit pas être une influence dans le processus de formation. Cependant, cette formation a du sens pour certains sujets plus consensuels, comme la transition énergétique ou la mission des référents harcèlement sexuel, du côté employeur comme du côté représentant des salariés. Cela a du sens car le dialogue social ne peut évidemment pas se faire à sens unique.