Dialogue social

Dialogue social : quelles sont les nouvelles formes de représentation collective ? (RDS)

Par Agnès Redon | Le | Accords d’entreprise

Le développement des outils numériques offre « de nouvelles possibilités d’information, d’action et d’organisation, à un niveau collectif comme individuel », déclare Sophie Binet, secrétaire générale de l’UGICT-CGT, lors d’un débat avec Sabrina Brahmi, responsable des relations sociales de Vestiaire Collective sur le dialogue social et les nouvelles formes de représentation collective dans le cadre des 30 ans de Réalités du dialogue social organisés le 09/12/2021 à Paris.

Sabrina Brahmi et Sophie Binet à la RDS - © D.R.
Sabrina Brahmi et Sophie Binet à la RDS - © D.R.

La diversité au sein de l’entreprise

« La diversité est un sujet important et cela demande de faire des propositions concrètes à la direction », indique Sabrina Brahmi, responsable des relations sociales de Vestiaire Collective. Les salariés venant de divers pays du monde, « ils n’étaient pas forcément au courant du rôle des représentants du personnel ou du rôle de négociateur du syndicat mais le dialogue s’est mis en place avec une certaine fluidité. Il est très intéressant de voir comment les dynamiques peuvent se créer dans un milieu culturel très divers ». L’avantage de ce dialogue social, souligne Sabrina Brahmi, est « l’engagement plus profond des collaborateurs dans l’entreprise, avec des sujets qui leur plaisent. Aussi, cela donne une légitimité aux représentants du personnel ».

Le développement des outils numériques et le télétravail

Le développement des outils numériques offre « de nouvelles possibilités d’information, d’action et d’organisation, à un niveau collectif comme individuel. On le voit avec le cas des assistantes maternelles, qui, dans la foulée des gilets jaunes d’il y a 2 ans, se sont réunies en gilets roses pour dénoncer les méfaits de la réforme de l’assurance chômage sur leurs conditions de travail », explique Sophie Binet, secrétaire générale de l’UGICT-CGT.

Ensuite, le dialogue social a changé « lors de la pandémie avec le télétravail, bien qu’il soit réservé presque exclusivement aux cadres et aux professions intermédiaires », précise Sophie Binet. Cela a pour conséquence « l’absence des salariés sur leur lieu de travail. Or les organisations syndicales n’ont pas le droit de communiquer avec les salariés quand ils ne sont pas sur leur lieu de travail et cela pose problème.

Les organisations syndicales n’ont pas le droit de communiquer avec les salariés quand ils ne sont pas sur leur lieu de travail et cela pose problème.

En effet, dans la majorité des entreprises, il n’y a pas d’accord de dialogue social numérique », souligne Sophie Binet, qui note 2 conséquences de ces changements :

  • Un risque « d’uberisation » du syndicalisme et la tentation des employeurs d’un contournement des organisations syndicales ;
  • C’est un levier du renouveau des pratiques syndicales. Pour ce faire, il est « nécessaire que la loi évolue et autorise la communication entre les syndicats et les salariés en télétravail, sur leur adresse email personnelle. Du côté des organisations syndicales, nous devons nous approprier les outils pour consulter les salariés à tout moment. Nous avons mis en place une consultation sur le télétravail adaptable sur le télétravail pour reconstituer du dialogue collectif basé sur des aspirations individuelles ».

Ainsi, « il serait constructif d’organiser des heures d’information syndicale via le numérique. Cela a été le cas lors du plan social organisé chez Nokia qui touchait le tiers de l’ingénierie. Avec l’information syndicale numérique, nous avons pu recréer un lien social numérique avec 1500 ingénieurs connectés ». Par ailleurs, ajoute Sophie Binet, « le numérique permet des nouveaux moyens d’action, comme la grève numérique ou l’obtention d’un accord collectif sur le télétravail ». 

le numérique permet des nouveaux moyens d’action, comme la grève numérique ou l’obtention d’un accord collectif sur le télétravail

Le cas des travailleurs « uberisés »

Concernant le dialogue social pour les travailleurs indépendants et « uberisés », Sophie Binet souligne que la CGT mène une négociation au niveau européen. En effet, la proposition de directive de l’exécutif européen concernant les plates-formes, comme Uber ou Deliveroo, où les conditions de travail dépendent d’un algorithme, doit encore être examinée par les Etats membres et par le Parlement européen.

Les travailleurs présumés être salariés

Pour la Commission, une plate-forme « est présumée être employeur et ses travailleurs sont présumés être salariés » si elle remplit deux des cinq critères suivants :

• Elle fixe la rémunération ;

• Elle supervise le travail par un moyen électronique ;

• Elle impose au travailleur ses heures de travail ;

• Elle lui dicte la manière dont il doit se comporter avec le client ;

• Elle l’empêche de travailler pour un autre donneur d’ordre.

Sophie Binet interpelle le président de la République qui va prendre la présidence européenne en janvier pour « qu’il prenne ses responsabilités sur la naissance effective de cette directive ». D’après elle, cette directive permettrait les 3 avancées suivantes :

  • La présomption de salariat ;
  • La transparence sur les algorithmes. « En Italie, une journée de grève avait été considérée par l’algorithme des plates-formes comme une journée d’absence, ce qui revient à nier le droit de grève » ;

    En Italie, une journée de grève avait été considérée par l’algorithme des plates-formes comme une journée d’absence, ce qui revient à nier le droit de grève.

  • L’obligation pour les plates-formes de déclarer les travailleurs dans le pays où ils travaillent. « Cela permettrait d’éviter les pratiques de dumping social et de garantir une juste rémunération et une égalité de traitement ».