NAO : « Le dialogue social sur les rémunérations reste difficile dans les PME » (Sextant Expertise)
Par Agnès Redon | Le | Accords d’entreprise
« Bien souvent la répartition de la richesse créée par l’entreprise n’est pas un sujet de discussion entre la direction et les représentants des salariés. Or ceux-ci ont tout intérêt à demander que cette discussion ait lieu. D’abord parce que la richesse créée est le fruit du travail des salariés. Ensuite parce qu’aucune règle n’existe en matière de répartition entre les différentes parties prenantes : salariés, entreprise, État, actionnaires, prêteurs », déclare Arnaud Fournier, consultant senior au pôle social de Sextant Expertise, lors d’une conférence le 21 novembre 2024 au sujet des NAO, ses enjeux et solutions dans un contexte inflationniste.
Les négociations aboutissent plus souvent dans les grandes entreprises et dans les secteurs industriels
- Le dialogue social sur les rémunérations reste difficile dans les PME, où seulement 5 % des entreprises ont conclu un accord sur les salaires entre septembre 2021 et août 2023, contre 65 % des ETI. À l’inverse, les grandes entreprises signent en moyenne 4,1 accords, profitant de la possibilité de négocier à la fois au niveau du groupe et de ses différentes entités.
- Le secteur industriel joue un rôle clé dans les négociations salariales. Bien qu’il ne représente que 7 % des entreprises françaises, il est à l’origine de 29 % des accords conclus sur les rémunérations.
- En revanche, des secteurs comme la construction ou l’immobilier, pourtant significatifs en matière de poids économique, signent un volume d’accords relativement faible.
- En matière de représentation syndicale, la CFDT et la CGT se distinguent nettement. La CFDT a ainsi signé près de la moitié des accords étudiés, tandis que la CGT arrive en deuxième position avec 38 % des signatures. À l’inverse, SUD Solidaires, en raison de sa faible représentativité, n’a participé qu’à 3 % des accords conclus durant la période analysée.
L’inflation dynamise les revalorisations collectives des salaires
- Les mesures d’augmentation générale des salaires continuent de s’imposer dans un contexte inflationniste marqué. En effet, 86 % des accords NAO signés prévoient une augmentation générale des salaires, un chiffre en progression constante.
- Entre septembre 2021 et février 2022, cette proportion s’élevait à 82 %, avant d’atteindre 90 % entre mars et août 2023, illustrant une volonté croissante de préserver le pouvoir d’achat des salariés face à l’inflation.
- Parallèlement, l’individualisation des augmentations gagne en importance, notamment dans les grandes entreprises. Entre 2021 et 2023, 50 % des accords signés mentionnaient des augmentations individuelles. Dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, 61 % des accords intégraient ces augmentations, contre 48 % dans les PME. Certains secteurs se démarquent par une utilisation accrue des augmentations individuelles. Ainsi, 71 % des accords dans la construction intègrent ces mesures, tandis que plus de 60 % des entreprises des secteurs de l’industrie et de l’information et communication adoptent ce type de dispositifs.
- En revanche, le recours aux augmentations individuelles reste limité dans les secteurs de la santé et du transport, où seulement 20 % des accords en font mention. Cette individualisation s’accompagne d’une plus grande diversité de dispositifs dans les grandes entreprises, qui adoptent des mécanismes variés pour s’adapter aux différentes catégories de salarié·es (primes sur objectifs individuels et/ou collectifs, intéressement, participation…).
La PPV reste un outil peu mobilisé dans la NAO
- La prime partage de la valeur (PPV) a été intégrée de manière limitée dans les accords NAO. Entre septembre 2021 et août 2023, seules 5 % des entreprises ont inclus ce dispositif dans leurs accords, avec un montant moyen de 728 €.
- Parmi ces accords, 44 % prévoient une PPV inférieure ou égale à 500 €, tandis que 23 % des entreprises ont octroyé une prime supérieure à 1 000 €. Bien que l’adoption initiale ait été modeste, la popularité du dispositif a progressé au fil du temps. Le point culminant a été atteint entre juillet et septembre 2022, période où 9 % des accords signés incluaient la PPV, en réponse à la flambée de l’inflation.
- En parallèle, le montant moyen versé a augmenté, atteignant 1 041 € lors du dernier semestre étudié. L’évolution des conditions d’exonération de cotisations et la fin des avantages fiscaux selon la taille de l’entreprise et le niveau de salaire à partir de 2024 pourraient rendre le dispositif moins attractif ou favoriser le placement de ces primes sur des PEE ou des PER.
- L’immobilier se démarque avec un taux d’adoption plus élevé que les autres secteurs, 12 % des accords signés dans cette branche intégrant la PPV. Le secteur du commerce, quant à lui, affiche des montants supérieurs à la moyenne nationale, avec une prime moyenne de 1 217 €, bien au-dessus des autres secteurs.
Les mesures d’égalité femmes-hommes restent un élément clé de la négociation, quand la mobilité durable est émergente
- Les écarts de rémunération entre femmes et hommes continuent d’être un sujet central dans les négociations salariales.
- En effet, 63 % des entreprises abordent cette problématique dans leurs accords, témoignant d’une prise de conscience croissante en matière d’égalité professionnelle et d’un nécessaire ajustement annuel des mesures salariales sur ce thème.
- En revanche, les enjeux liés à la mobilité durable peinent à s’imposer comme un véritable axe de négociation. Sur le premier semestre étudié, 12 % des accords incluaient des dispositions relatives à la mobilité durable, un chiffre en légère baisse à 11 % lors du dernier semestre. Dans les grandes entreprises, cette thématique est davantage présente, avec 20 % des accords y faisant référence.
- En Île-de-France, 31 % des entreprises ont intégré des mesures de mobilité durable dans leurs accords, soulignant une attention plus marquée à cette question dans les zones urbaines denses.
Méthode de l’étude
Sextant Expertise, en collaboration avec Sia Partners, a mené une étude portant sur les accords de NAO signés depuis 2021 dans un contexte d’inflation galopante.
Cette analyse repose sur :
• un échantillon de plus de 11 000 accords collectés sur le site Légifrance ;
• des données de l’Insee et du ministère du Travail et de l’Emploi ;
• l’outil d’IA « SiaGPT » développé par Sia Partners, une solution d’IA Générative pour identifier, extraire et structurer de manière automatique les informations clés contenues dans les accords.
Concepts clés et définitions : #NAO ou négociation annuelle obligatoire , #Syndicat