Dialogue social

« Les CSE auront un rôle important à jouer sur la question environnementale » (G. Roux de Bézieux)

Par Agnès Redon | Le | Accords d’entreprise

« Le prix de l’énergie va inexorablement augmenter dans les années à venir, puisque l’on va passer d’une énergie fossile, le pétrole, qui est bon marché et facile à stocker, à une énergie renouvelable intermittente et non-stockable, l’électricité. Nous devons collectivement appréhender ce défi, qui dans les entreprises va réclamer beaucoup de pédagogie. Les CSE auront un rôle important à jouer de ce point de vue », déclare Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, lors d’un débat avec Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT,  sur rôle du dialogue social dans la transition écologique dans le cadre des 30 ans de Réalités du dialogue social organisés le 09/12/2021 à Paris.

Laurent Berger et Geoffroy Roux de Bézieux le 09/12/2021  - © D.R.
Laurent Berger et Geoffroy Roux de Bézieux le 09/12/2021 - © D.R.

Le rôle du dialogue social pendant la crise sanitaire

« La crise Covid, terrible sur le plan sanitaire, a été une période bénie du dialogue social » (L. Berger)

Laurent Berger - © D.R.
Laurent Berger - © D.R.

« Le dialogue social est une machine à intelligence collective que nous avons réussi à faire fonctionner pleinement depuis le début de la pandémie en mars 2020. Cette période, qui a été terrible sur le plan sanitaire, a été d’une certaine manière une période bénie du dialogue social. Nous avons été souvent consultés par les pouvoirs publics et nous avons participé à construire les dispositifs les plus adaptés pour protéger les salariés et les entreprises, via l’activité partielle notamment. Le dialogue social a trouvé depuis 18 mois des solutions qui ont permis de protéger les entreprises et de maintenir les emplois. »

De nombreux observateurs estiment que le Gouvernement a géré la crise sanitaire avec succès. N’oublions pas le rôle majeur des partenaires sociaux auprès des pouvoirs publics et au sein des entreprises, dans la protection réussie des organisations et de leurs salariés.

« Les représentants des salariés ont eu un comportement exemplaire depuis le début de la crise. Cela montre l’utilité de les associer aux réflexions économiques stratégiques de l’entreprise, quitte à ce qu’il y ait des confrontations sur certains sujets. »

« Le dialogue économique et social se mène d’abord au niveau de l’entreprise » (G. Roux de Bézieux)

Geoffroy Roux de Bézieux - © D.R.
Geoffroy Roux de Bézieux - © D.R.

« Le dialogue économique et social se mène d’abord au niveau de l’entreprise, puisque c’est dans l’entreprise que se crée l’activité, la richesse et que se résolvent les problèmes. Beaucoup de commentateurs évoquent le manque de considération du Président de la République pour les partenaires sociaux. Cela n’a pas empêché le dialogue de se poursuivre, et même de s’intensifier pendant les confinements, au niveau de l’entreprise comme au niveau national.

Les postures sont tombées, et les réflexes, parfois ancrés dans le fonctionnement de certains syndicats ou chefs d’entreprise, se sont effacés pour faire face à la situation inédite de la crise Covid. Je salue d’ailleurs la formidable responsabilité dont ont su faire preuve les syndicats de salariés. Il nous faut désormais capitaliser sur ces avancées. Nous avons lancé un agenda autonome de discussions sur différents sujets, et nous avons signé fin 2020 un bel ANI sur le télétravail. »

Cet ANI télétravail est un très bon exemple du nouveau dialogue interprofessionnel que nous pouvons créer, car il n’est pas normatif, et donne aux chefs d’entreprise et aux syndicats des outils pour faciliter les négociations. Il porte déjà ses fruits et donne un cadre aux nombreux accords télétravail qui se mettent en place actuellement. 

« J’ai le sentiment que le dialogue fonctionne dans les entreprises, mais qu’il est de plus en plus difficile d’engager les parties-prenantes, en particulier les plus jeunes, dans un collectif durable. Les jeunes patrons sont ravis que des organisations patronales comme le Medef défendent leurs intérêts, mais ne prennent pas eux-mêmes toujours le temps de s’engager. »  

Dialogue social et transition écologique

« Il nous faut penser la transition écologique au plus près des entreprises » (L. Berger)

« Pour réussir la transition écologique, il nous faut la penser au plus près de la réalité des entreprises. Il nous faut également surveiller de près la situation des salariés des secteurs économiques qui seront les plus impactés, et travailler sur les enjeux sociaux de la lutte contre le réchauffement climatique. Ma crainte, en tant que responsable syndical, c’est que certaines entreprises décident de changements sans concertation, sans tenir en compte des enjeux sociaux liés aux transformations. De ce point de vue, l’intégration des sujets écologiques dans les réflexions des CSE va dans le bon sens. Il nous faut mettre la stratégie environnementale au cœur du dialogue social.

Les attributions environnementales des CSE

Avec la loi « Climat et Résilience » promulguée le 22 août 2021, le CSE doit prendre en compte les conséquences environnementales des décisions de l’employeur.

Plus précisément, le CSE est « informé et consulté sur les conséquences environnementales » des mesures énumérées dans l’article L2312-8 du code du travail. Cette obligation est également inscrite dans l’article L2312-22 à propos des trois motifs de consultation récurrentes, à savoir :

-Les orientations stratégiques ;

-La situation économique et financière ;

-La politique sociale.

L’employeur est tenu d’évaluer et de présenter l’éventuelle portée environnementale de ses décisions. Ainsi, la BDES devient la base de données économiques, sociales et environnementales : la BDESE.

Nous développons actuellement un réseau de “sentinelles vertes”, des militants que nous formons spécifiquement sur les questions écologiques et ses impacts économiques et sociaux. Nous menons par ailleurs des analyses sectorielles des impacts de la transition écologique, pour analyser dans l’automobile, le bâtiment ou l’énergie les enjeux concrets de la transformation des modes de production. Il y aura des suppressions d’emplois dans l’automobile, c’est une certitude, mais nous devons investir collectivement sur la formation pour garantir une reconversion à chaque salarié menacé. » 

Dans l’usine Bosch de Rodez, spécialisée dans la production d’injecteurs diesel de voitures, et dont plusieurs centaines de postes sont menacés, nous accompagnons les salariés pour les reconvertir vers des activités d’avenir, la production de piles à combustible en l’occurrence. Nous signons d’ailleurs aujourd’hui avec la direction un accord de transition sur ce sujet. C’est un bel exemple de compromis que dialogue social peut faire émerger pour le bien des salariés et la compétitivité des entreprises.