Comment mener efficacement la négociation collective ? (guide du réseau Anact-Aract)
Par Agnès Redon | Le | Accords d’entreprise
Avec la Loi relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels du 8 août 2016, une moindre importance est accordée aux règles générales qui s’imposent à tous les salariés, par accord de branche ou par l’intermédiaire du Code du Travail. Ce mouvement implique en effet une revalorisation des négociations.
Afin d’améliorer leur capacité à négocier, le guide pratique 10 Questions sur la conduite de la négociation collective, publié par le réseau Anact-Aract, propose des clés de lecture aux acteurs du dialogue social.
Les repères pour mener à bien une négociation
Le processus de négociation ne se résume pas aux étapes de discussions formelles. Il se prépare en amont et doit se poursuivre par des actions de suivi, qu’il y ait accord ou non.
Parmi les moments-clés pour agir, il faut notamment :
Analyser l’existant et les contraintes associées
Quel que soit l’objet de la négociation, il importe en effet d’établir un diagnostic pour alimenter et objectiver le contenu de la négociation. Il s’agira d’identifier :
- Ce qui fonctionne bien et qu’il faudra maintenir ;
- Ce qui dysfonctionne et qu’il faudra chercher à améliorer ;
- Les contraintes qui ne peuvent être diminuées, voire éliminées et avec lesquelles il faudra composer.
Proposer de nouvelles façons d’organiser le travail
Un accord vise ultimement à proposer de nouvelles façons d’organiser le travail et de fonctionner collectivement. Des scénarios pourront ainsi être élaborés (méthodes, organisation des temps, responsabilités, etc.). Ils permettront de retenir ce qui fonctionne et/ou de corriger ce qui dysfonctionne, tout en prenant en compte les contraintes qui ne peuvent être levées en s’appuyant sur l’analyse proposée.
Ces scénarios permettront de répondre aux objectifs fixés au départ pour satisfaire les enjeux économiques, organisationnels et sociaux de l’entreprise.
Pour chaque scénario proposé, il faudra se projeter et simuler, voire expérimenter autant que possible (une nouvelle organisation du temps de travail, par exemple) afin d’identifier les risques potentiels et les moyens de les prévenir.
Communiquer tout au long du processus, de la préparation à la conclusion de la négociation
La communication est essentielle afin de mobiliser l’ensemble des acteurs dans la démarche :
- Au démarrage, une information à l’ensemble des salariés et de l’encadrement peut porter sur l’objet et le contexte de la négociation, son calendrier et les personnes impliquées dans le processus.
L’avancée des discussions peut être communiquée aux salariés et à l’encadrement, a fortiori si leur contribution est requise au cours du processus.
- Après la phase de conclusion de la négociation, une restitution commentée des décisions par la direction et les représentants du personnel favorise l’appropriation du contenu de l’accord par l’ensemble des salariés et de l’encadrement en charge de le faire appliquer.
La forme de la communication dépendra du contexte de l’entreprise et des canaux de communication existants. Les éléments d’information peuvent être élaborés paritairement mais il est aussi possible que chaque partie développe sa propre communication.
Conclure le processus de négociation par la production d’un accord
La direction, s’appuyant sur les diverses contributions, est en mesure de proposer un accord. Cependant, rien dans le Code du Travail n’empêche les négociateurs syndicaux d’être à l’initiative ou actifs dans la production d’un accord.
Il est important que chacune des parties vérifie qu’elle souscrit bien au fond et à la forme de l’accord.
Des allers-retours avec des propositions de compléments ou d’ajouts peuvent être nécessaires afin de produire un contenu qui reflète fidèlement le compromis conclu entre les acteurs.
Dans les cas où les parties ne parviennent pas à un accord, il est utile d’envisager ensemble les suites à donner à ce processus. A minima, un constat de désaccord mérite d’être arrêté.
Évaluer la mise en œuvre de l’accord et ses conséquences
Ce nouvel accord devra se décliner d’un point de vue organisationnel et managérial. Il sera important de :
- Suivre sa mise en œuvre ;
- Vérifier les effets produits ;
- Vérifier l’atteinte des objectifs de manière effective.
La mise en place d’un comité de suivi avec des réunions régulières permettra de vérifier que l’accord répond bien aux objectifs fixés et de développer des mesures complémentaires ou également de proposer des révisions à l’accord si nécessaire. Ceci peut être prévu dès la conclusion de l’accord en prévoyant une clause de « revoyure ». Cette démarche d’évaluation peut être discutée et insérée formellement dans l’accord.
Définir des indicateurs est essentiel pour conduire cette démarche d’évaluation. C’est pourquoi, le guide préconise une démarche paritaire pour intégrer la diversité des points de vue.
Les indicateurs peuvent être de différents registres :
- Indicateurs quantitatifs : par exemple, le taux d’absentéisme et son évolution, la qualité de service ou la satisfaction au travail, etc.
- Indicateurs qualitatifs : par exemple, l’appréciation par les salariés des bénéfices escomptés de l’accord, l’utilité de celui-ci, etc.
Une commission d’interprétation de l’accord peut également compléter la mise en œuvre effective de l’accord, permettant de nourrir la clause de « revoyure » et prévenir les contentieux individuels ou collectifs liés à l’application de l’accord.