Retraites : 4 salariés du privé sur 10 craignent d’être licenciés avant 64 ans (CGT/Ifop)
« En cas de référendum sur la réforme des retraites adoptée en 2023, deux électeurs sur trois (65 %) voteraient en faveur de l’abrogation de la réforme qui a élevé l’âge de la retraite à 64 ans. » Tel est l’un des enseignements de l’étude Ifop réalisée pour la CGT et publiée le 14/04/2025.

« Un plébiscite pour l’abrogation en cas de référendum sur le sujet »
« Même dans un contexte où l’actualité internationale pourrait justifier une redéfinition des priorités, le passage de l’âge légal à 64 ans suscite toujours une opposition massive, assortie d’un soutien large et transversal à l’organisation d’un référendum. L’enquête fait aussi apparaître une nette préférence pour des solutions de financement alternatives, perçues comme plus équitables : fiscalisation des dividendes, égalité salariale femmes-hommes, hausse des cotisations patronales… À l’inverse, les pistes impliquant un allongement de la durée de travail ou un recours à la capitalisation continuent d’être source de méfiance pour une majorité de citoyens. Les résultats de l’enquête confirment la persistance d’un fort soutien à l’idée d’un référendum sur la réforme des retraites adoptée en 2023. »
- 68 % des Français se déclarent favorables à l’organisation d’une telle consultation, un chiffre stable par rapport à février 2020, où ce taux s’élevait à 67 %.
- Si ce référendum était organisé, le pourcentage de votes exprimés en faveur de son abrogation s’élèverait à 65 %.
- Le rejet de la réforme s’avère particulièrement prononcé chez les jeunes générations. Parmi les moins de 25 ans, 78 % des votes exprimés se porteraient sur l’abrogation.
- De manière comparable, la proportion de votes exprimés favorables à l’abrogation atteint 83 % parmi les ouvriers, une catégorie particulièrement concernée par la pénibilité du travail et l’usure professionnelle.
- Sur le plan politique, le rejet transcende les clivages idéologiques traditionnels. Il est très marqué chez les individus se situant à gauche (81 %), mais également fortement présent dans les rangs de l’extrême droite (83 %).
D’après Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT interviewée par le quotidien Libération le 14/04/2025 : « Voilà deux ans que le Gouvernement et le patronat essaient de tourner la page de notre mobilisation. Et voilà deux ans qu’ils n’y arrivent pas. Le sondage que nous publions le montre : une large majorité de Français et de salariés restent favorables à l’abrogation de cette réforme parce que c’est très concret dans nos vies. Une large majorité de salariés pensent qu’ils ne tiendront pas jusqu’à 64 ans dans leur boulot, soit parce qu’il est trop pénible, soit parce qu’ils seront licenciés avant. La solution, c’est la démocratie. C’est ce que nous demandons au Président de la République. Soit permettre au Parlement de voter enfin, soit faire en sorte qu’il y ait un référendum. J’en appelle aussi aux parlementaires. Une majorité de députés ont été élus pour abroger la réforme des retraites : qu’ils se donnent les moyens de le faire, soit en votant une loi, soit en exigeant du Président de la République qu’il organise un référendum. C’est leur mandat. »
« Une majorité solide favorable au retour à 62 ans »
« Une majorité de Français continue de souhaiter un retour à l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. »
- 61 % des personnes interrogées se prononcent en faveur de cette solution, tandis que 34 % préfèrent maintenir l’âge à 64 ans, et 5 % souhaitent l’augmenter encore.
- Le soutien au retour à 62 ans est particulièrement marqué chez les ouvriers (73 %) et les employés (77 %), ainsi que chez les personnes déclarant exercer un travail physiquement assez pénible (76 %) ou très pénible (70 %).
- Concernant l’option d’un retour à la retraite à 60 ans, 56 % des Français y sont favorables en 2025, contre 71 % en 2022, ce qui marque une baisse de 15 points en trois ans. Ce soutien reste néanmoins majoritaire, en particulier chez les ouvriers (76 %), les employés (75 %) et les personnes exerçant un métier jugé physiquement assez pénible (78 %).
« Ces résultats traduisent un attachement persistant à des âges de départ jugés plus justes, notamment par les catégories les plus exposées à la pénibilité du travail. La baisse du soutien au retour à 60 ans suggère toutefois un déplacement progressif du consensus vers le seuil de 62 ans, perçu comme un compromis plus réaliste. »
« Un sentiment d’inquiétude qui domine la perspective du départ à la retraite »
Lorsqu’ils sont interrogés sur leur perception du départ à la retraite, 50 % des actifs déclarent l’envisager avec inquiétude, contre 32 % qui y associent un sentiment de satisfaction.
« Ces résultats marquent une nette inversion de tendance par rapport à la fin des 30 glorieuses, où seuls 30 % exprimaient de l’inquiétude, tandis que 46 % se disaient satisfaits à cette perspective.
Cette évolution traduit une profonde appréhension dans la manière dont les Français envisagent leur fin de carrière.
- Un actif sur deux estime ne pas être en mesure de travailler à temps plein jusqu’à 64 ans (54 %), une proportion qui atteint 60 % chez les femmes, et 66 % chez les ouvriers, davantage exposés à des conditions de travail physiquement pénibles.
- Par ailleurs, 43 % des salariés sous contrat de droit privé estiment que leur entreprise ne les maintiendra pas dans ses effectifs jusqu’à cet âge, laissant entrevoir un risque d’instabilité professionnelle susceptible d’alimenter ce sentiment d’inquiétude généralisé.
« Il faut arrêter de traiter les retraités comme des favorisés. Ce qui est très important, c’est de garantir le maintien du niveau de vie une fois qu’on est à la retraite. Et ce qui est documenté sur les prochaines années, c’est que du fait des réformes régressives, le niveau de vie des retraités va baisser. Les retraités ont gagné leurs pensions à la sueur de leurs fronts. Le problème, c’est que nous sommes désormais dans un pays de rentiers où l’on vit mieux de son capital que de son travail. C’est aux inégalités de patrimoine qu’il faut s’attaquer, pas aux revenus des retraités », déclare Sophie Binet.
« Un rejet des solutions régressives et du système par capitalisation »
« Les Français portent un jugement clair sur les solutions envisagées pour garantir la soutenabilité du système de retraite par répartition.
Une très large majorité rejette les options jugées régressives par les syndicats : seulement 39 % se déclarent favorables à un recul de l’âge de départ à la retraite, et la baisse du montant des pensions est quasi unanimement refusée, avec 13 % des répondants se déclarant favorables.
- Dans ce contexte, 29 % déclarent faire confiance au système par capitalisation, une solution pourtant régulièrement mise en avant lors des débats sur la réforme des retraites.
« Il convient de souligner que le terrain de l’enquête s’est déroulé avant la crise boursière provoquée par l’annonce de nouveaux tarifs douaniers par le président américain. Un tel événement, survenu postérieurement, aurait probablement renforcé la défiance des Français à l’égard d’un système dépendant des marchés financiers. »
- Les Français se montrent massivement favorables à plusieurs mesures censées contribuer à la soutenabilité du système de retraite et permettre de financer un retour à la retraite à 62 ans.
- Ainsi, 82 % d’entre eux soutiennent la mise à contribution des dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires, tandis que 86 % approuvent le recours à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes comme levier de financement.
- Par ailleurs, 80 % se déclarent favorables à des actions pour limiter le temps partiel subi et à des politiques renforcées de lutte contre le chômage. « Ces niveaux d’adhésion très élevés témoignent d’un attachement fort à des solutions solidaires, redistributives et structurelles. »
Méthode de l’enquête
• L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 2 023 personnes, représentatif de la population résidant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus.
• La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle de la personne interrogée) après stratification par région et taille d’unité urbaine.
• Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 02 au 04/04/2025.