Droits des salariés

Didier Moguelet (CFTC) : « l’approche inclusive du handicap, une richesse pour les organisations »

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Didier Moguelet, secrétaire confédéral CFTC en charge du handicap et membre des Commissions Emploi, Culture et Accompagnement au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), explique l’importance de l’action syndicale pour se forger un nouveau regard sur le sujet, sans tabou ni préjugés.

Didier Moguelet, secrétaire confédéral CFTC en charge du handicap  - © D.R.
Didier Moguelet, secrétaire confédéral CFTC en charge du handicap - © D.R.

En tant que secrétaire confédéral en charge du handicap, quelle est votre mission ? 

Il faut s’attacher d’abord aux compétences des salariés et à leur singularité.

A l’issue du 54e congrès de la CFTC qui a lieu à Rennes en novembre 2023, j’ai été nommé secrétaire confédéral en charge du handicap. Ma mission est multiple pour que la mission handicap forme et anime un réseau de référents CFTC.

A ce jour, nous comptons une centaine de personnes ayant plusieurs domaines de compétence tels que :

  • Le maintien dans l’emploi ;
  • L’adaptation du poste de travail ;
  • L’information transmise pour la reconnaissance du handicap ;
  • La valorisation de la diversité, qui est une source de richesse pour toutes les organisations. Pour cela, il faut s’attacher d’abord aux compétences des salariés et à leur singularité. C’est un facteur de performance à la fois dans les entreprises mais également dans la société. 

Quels sont les enjeux de l’inclusion ?

Nous militons pour « faire du travail un droit pour tous ».

Près de 3 millions de personnes âgées de 15 à 64 ans sont reconnues handicapées par l’administration en 2022 en France, selon les chiffres publiés par l’Insee en 2023.

Parmi elles, 44 % sont actives, contre près des trois quarts de l’ensemble de la population de cet âge. Un gros tiers a un emploi, deux fois moins que dans le reste de la population.

Il y a donc de vrais enjeux d’accès à l’emploi : faire bouger les choses est primordial. 

Un changement de paradigme est nécessaire pour que les entreprises deviennent inclusives. C’est-à-dire des entreprises qui regardent avant tout les compétences des salariés et permettent à ceux en situation de handicap de les exprimer en s’adaptant à eux et non l’inverse.

Le travail est un facteur de reconnaissance sociale et c’est encore plus le cas pour les travailleurs en situation de handicap. A la CFTC, nous militons pour « faire du travail un droit pour tous ».

A travers les politiques RSE et QVCT, les bienfaits de l’inclusion font évoluer les choses dans le bon sens. L’inclusivité va encore plus loin. C’est une dimension qu’il me semble important de souligner, car les effets vont bien au-delà du cadre de l’entreprise.

C’est toute la société qui peut bénéficier de l’approche inclusive du handicap. Je prends souvent l’exemple de la télécommande qui est aujourd’hui utilisée par tous, alors qu’elle avait été conçue au départ pour les personnes ayant des difficultés à se déplacer pour tourner les boutons de la télévision afin de changer de chaîne ou de modifier le volume sonore.

Quels sont les freins à la reconnaissance et à la valorisation du handicap dans les entreprises ?

Ces personnes craignent souvent la discrimination.

La difficulté majeure est de se sentir en confiance pour en parler. Pour les personnes salariées en situation de handicap, il est en effet difficile de savoir à qui s’adresser, de connaître les démarches administratives, ses droits, notamment à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH, une décision administrative qui accorde aux personnes en situation de handicap une qualité leur permettant de bénéficier d’aides spécifiques), etc.

Par ailleurs, ces personnes craignent souvent la discrimination, la stigmatisation et le jugement des autres. Parfois, le handicap est encore malheureusement perçu comme une faiblesse à la fois par les collègues et/ou les responsables hiérarchiques. 

Enfin, par crainte de la stigmatisation, l’autre problème est celui de la surcompensation au travail des personnes handicapées. Comme elles cherchent à masquer leur handicap, c’est une double peine pour elles.

Quelles sont les possibilités d’action des organisations syndicales ?

A la CFTC, nous demandons le retour des CHSCT.

En tant qu’organisation syndicale, nous œuvrons au cœur des entreprises, ce qui nous permet de contribuer à la libération de la parole et à la mise en place des interlocuteurs pour faire valoir les droits des travailleurs concernés. 

Pour rappel, toute entreprise employant au moins 250 salariés doit désigner un référent handicap. 

Agissant en faveur de l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, le référent handicap est « chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap » au sein de l’entreprise (article L.5213-6-1 du Code du travail).

A la CFTC, nos revendications sont les suivantes :

  • La présence des référents handicap y compris dans les entreprises de moins de 250 salariés ;
  • Des référents handicap du côté des représentants du personnel dans les entreprises et non seulement du côté RH ;
  • Le retour des CHSCT. En effet, les CSSCT peuvent être très éloignés des sites de travail et potentiellement des personnes en situation de handicap. Il est déjà compliqué d’en parler et la barrière géographique n’arrange rien.

Que préconisez-vous aux élus de CSE pour qu’ils s’emparent du sujet du handicap ?

En travaillant de concert avec un référent handicap au sein de chaque entreprise, on avancerait à pas des géants.

Il faut permettre aux élus de CSE de bénéficier d’une formation sur le handicap. Cela permettrait de forger un nouveau regard sur le sujet, sans tabou ni préjugés et cela bénéficie à l’ensemble du personnel sur le long terme. 

Il faut savoir que, pour 80 % des travailleurs en situation de handicap, le handicap est invisible. Faute d’efforts pédagogiques de communication sur les aménagements possibles du poste de travail, une personne en situation de handicap peut être mise en cause pour des raisons erronées. Par exemple si elle a besoin de davantage de pauses, elle pourrait être considérée comme paresseuse à tort.

Etre formé permet également de connaître les bonnes démarches, d’utiliser le vocabulaire adéquat et d’être un véritable lien dans le dialogue social. En travaillant de concert avec un référent handicap au sein de chaque entreprise, on avancerait à pas des géant.

Concepts clés et définitions : #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail , #Syndicat, #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail, #CSE ou Comité Social et Économique