Harcèlement au travail : les 4 étapes d’une enquête et les recommandations de la Firps
Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé
« Trop souvent, les conclusions d’une enquête pour harcèlement ne font que des déçus et engendrent des conséquences délétères pour le collectif de travail. De notre pratique, il ressort qu’il faut se méfier des solutions standardisées. On observe aussi que le signalement est le signe d’un climat social dégradé qu’il faudra également traiter », a déclaré François Cochet, président de la Firps (Fédération des intervenants en risques psychosociaux) le 17 septembre 2024, lors de la présentation à la presse d’un livret thématique intitulé « Faire face aux enquêtes harcèlement ».
1/ Dès les premiers signes d’alerte
Dans une situation de harcèlement, la Firps préconise de procéder à une première évaluation de la situation.
Il s’agit :
• de veiller à bien comprendre les enjeux de la situation en recueillant des informations en proximité, en croisant les regards au sein d’une instance compétente (cellule de veille et d’alerte, commission paritaire RPS…) et en sollicitant, si besoin, un soutien externe.
« Il n’existe pas de méthodologie unique, il est recommandé de faire un arbre décisionnel selon la situation et les personnes impliquées et de peser les avantages et les risques de chaque option », indique la Firps
• d’envisager différentes options : enquête harcèlement, mais aussi médiation, diagnostic de situation, démarche d’analyse des risques psychosociaux etc.
2/ Dans la conduite de l’enquête
Au cours de l’enquête, la Firps recommande les actions suivantes :
- Définir sur mesure les modalités de conduite de l’enquête ou de l’intervention retenue ;
- Clarifier les rôles et responsabilités. Il s’agit de s’assurer que chacun des acteurs comprend ses responsabilités et ses limites : enquêteurs, ressources humaines et relations sociales, représentants du personnel, management, collaborateurs ;
- Soutenir les personnes en charge de l’enquête. Il s’agit de s’assurer de la formation des acteurs internes et de la compléter si besoin, de recourir à l’appui d’un cabinet spécialisé, de prévoir des modalités d’échange et de supervision ;
- Garantir le partage et le respect des principes déontologiques. Ces principes doivent être connus et partagés par le mandataire et les enquêteurs, et leur application garantie tout au long de l’enquête ;
- Sécuriser les informations sensibles. Garantir la confidentialité et protéger les personnes impliquées, tant pour les plaignants que pour les personnes mises en cause et leur entourage ;
- Mettre en place une communication adaptée en informant les salariés et les parties prenantes sur les étapes à venir.
3/ Dans la restitution de l’analyse et des recommandations
Lors de la restitution de l’analyse et des recommandations, selon la Firps, il faut :
- Statuer sur ce qui peut être établi, sans empiéter sur la qualification juridique des faits. Le rapport doit statuer sur les faits en fonction des éléments recueillis et fournir à l’employeur suffisamment d’éléments sur les éventuels faits constitutifs de harcèlement, pour lui permettre de prendre des décisions éclairées.
« Si des doutes subsistent, nous recommandons qu’ils soient mentionnés clairement. En revanche, il n’est pas de la responsabilité de l’enquête de fournir une conclusion juridique sur la qualification des faits, cet aspect relevant de l’appréciation souveraine du juge en cas de contentieux. »
- Formuler des recommandations permettant de traiter la situation. Une réflexion doit être menée en amont de la restitution collective pour répondre aux préoccupations soulevées et initier un plan d’action ;
- Recommander des actions de prévention. Les recommandations doivent porter plus largement sur la démarche de prévention menée par l’employeur, le fonctionnement du collectif concerné, mais aussi l’entreprise en général si des orientations de politique générale, des processus, des décisions ou des changements d’organisation sont en cause dans les problèmes observés ;
- Préparer soigneusement les modalités de restitution de l’enquête harcèlement.
« Le format du rapport d’enquête doit être pesé et défini sur mesure selon le contexte. Avant la réunion de restitution, il est essentiel de préparer les messages clés et de déterminer les informations pouvant être divulguées à chaque groupe de destinataires selon les modalités retenues (protagonistes, direction, équipe). »
4/ À l’issue de l’enquête
À l’issue de l’enquête, la Firps recommande :
- de mettre en place un suivi post-enquête ;
- de définir les modalités de suivi des actions préconisées, d’évaluer leur impact sur la situation et sur le collectif de travail ;
- d’envisager une médiation en sortie d’enquête. Dans les cas où l’enquête conduit à conclure qu’il ne s’agit pas de harcèlement, une médiation peut s’avérer précieuse pour permettre aux protagonistes de renouer le dialogue et de définir ensemble de nouvelles modalités de fonctionnement ;
- de proposer un accompagnement psychologique aux protagonistes en situation de mal-être au travail.