Discriminations dans le travail et QVCT : les 5 enseignements du rapport 2023 du Défenseur des droits
Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé
« Les discriminations restent prégnantes dans notre société. Trop de victimes n’exercent pas leur droit au recours, soit par manque d’information, soit par peur des représailles, notamment dans le monde du travail », indique le rapport annuel d’activité 2023 du Défenseur des droits, rendu public le 26 mars 2024.
1/ Une hausse des réclamations en 2023
Selon ce rapport, l’autorité indépendante a reçu 99 977 réclamations en 2023, soit une hausse de plus de 11 % par rapport à 2022.
- 92 400 de ces réclamations concernent les relations entre les citoyens français et les services publics. Le « fossé » entre les usagers et les services publics s’est « considérablement creusé », lit-on dans un communiqué de presse au sujet du rapport.
- La plateforme d’accompagnement humain et de conseils baptisée AntiDiscriminations.fr et son numéro de téléphone, le 3928, gérés par le Défenseur des droits, a reçu 10 812 appels en 2023, contre 8616 en 2022, soit une hausse de 25 % en un an.
2/ Proposition de loi « action de groupe »
« Si elle est adoptée en 2024 dans les termes votés par l’Assemblée nationale, la proposition de loi 'action de groupe' renforcerait considérablement l’intérêt de cette procédure, créée en 2016, en matière de discrimination pour réparer et corriger les discriminations collectives », indique le rapport.
Dans un avis relatif à la proposition de loi sur le régime juridique des actions de groupe, la Défenseure des droits Claire Hédon a mis en avant les avancées qui doivent permettre au droit de gagner en lisibilité et en accessibilité.
Elle a notamment salué :
- « l’élargissement de l’intérêt à agir ;
- l’extension de l’application de la loi dans le temps ;
- et une meilleure réparation du préjudice. »
Selon le rapport, des dispositions sont encore à améliorer :
- « la suppression de l’étape de la mise en demeure préalable au déclenchement de l’action ;
- la prise en compte de la totalité des frais engagés par la partie gagnante dans le montant des réparations. »
3/ De multiples formes de discriminations à l’encontre des jeunes diplômés d’origine asiatique
L’ étude « REACTAsie », soutenue par la Défenseure des droits dans son action de promotion de l’accès aux droits et d’évolution des pratiques, s’est intéressée au vécu des discriminations et du racisme pour les jeunes diplômés d’origine asiatique.
- Elle révèle l’exposition des personnes perçues comme d’origine asiatique à plusieurs formes de discriminations et de racisme dans différents aspects de la vie sociale, à l’école, dans le monde du travail ou encore dans l’espace public.
- L’étude constate également la banalisation et le caractère ordinaire des discriminations, le faible taux de recours des victimes et un racisme plus affiché lors de la pandémie de Covid-19.
4/ La pratique de tests individuels et statistiques
La Défenseure des droits a été auditionnée à l’Assemblée nationale et a publié un avis sur le texte le 13 novembre 2023. Elle a salué cette proposition de loi mais a fait part de ses réserves sur une partie du texte.
Elle recommande :
- une procédure de suivi transparente garantissant des mesures correctives significatives pour les entreprises en cas de non conformité au développement de tests statistiques pour mesurer les discriminations ;
- la création d’un Observatoire national des discriminations.
La Défenseure des droits est opposée à la possibilité pour la Dilcrah de réaliser des testings individuels à visée contentieuse.
« Outre la complication engendrée pour le parcours des victimes de discrimination en rendant floue la démarche leur permettant de rétablir leurs droits, elle a souligné la nécessaire indépendance de l’institution en charge de traiter des situations individuelles et des testings individuels, a fortiori pour les situations impliquant des employeurs publics ou des services publics », indique le rapport.
« La Défenseure des droits a considéré qu’organiser de tels testings et informer les victimes devraient rester de sa compétence, assurant ainsi une lisibilité institutionnelle et évitant une concurrence avec une structure placée sous l’autorité du Gouvernement. »
5/ Maladies chroniques et travail : une surexposition aux discriminations
Le fait d’avoir une maladie chronique durable ou un handicap aggrave le risque d’être exposé à une discrimination dans l’emploi.
La 16e édition du baromètre de la Défenseure des droits et de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), rendue publique le 14 décembre 2023, révèle que près d’une personne sur six atteintes de maladie chronique déclare avoir été victime de discrimination dans l’emploi. Parmi elles, les personnes ayant une maladie chronique visible sont trois fois plus exposées à ce risque.
Ces situations aboutissent parfois à des licenciements : un tiers des personnes atteintes de cancer perdent leur emploi dans les deux ans suivant la déclaration de leur maladie.
« L’employeur se doit notamment de respecter les préconisations du médecin du travail. Pourtant, un tiers des employeurs n’a pas suivi, ou que partiellement, les préconisations, avec principalement des refus d’aménagement de poste, manquant ainsi à leur obligation de sécurité », indique le rapport.
La méconnaissance par les salariés des mesures de prévention de la santé et de réduction des risques au travail reste une tendance forte.
« Elle témoigne d’un accès encore très insuffisant et parfois redouté aux services de prévention et de santé au travail », peut-on lire dans le rapport.
Près de la moitié (47 %) des personnes actives malades ont déclaré hésiter à livrer des informations à leur médecin du travail.
Pour consulter le rapport annuel d’activité 2023 du Défenseur des droits
Concepts clés et définitions : #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail