Droit des salariés : cadre, motifs et recours de l’action au pénal (focus Voltaire Avocats)
Par Agnès Redon | Le | Réclamations
70 % des contentieux traités aujourd’hui par le cabinet Voltaire Avocats impliquent des menaces d’action au pénal, contre 30 % en 2019.
C’est l’un des enseignements du webinaire présenté par David Guillouet et François Hubert, avocats au cabinet Voltaire avocats le 31 janvier 2024 au sujet du recours à l’action pénale et de ses abus.
1/ Le cadre de l’action pénale
Le recours à une action pénale est parfois légitime : il participe de la liberté fondamentale constitutionnellement garantie d’agir en justice. Dans certains cas, il est nécessaire.
Un salarié peut ainsi être amené à porter plainte, notamment auprès du Procureur de la République, pour des faits susceptibles de constituer une infraction pénale.
Cette plainte peut aussi intervenir dans le cadre de :
- Dispositifs d’alerte professionnelle, tels que ceux relatifs à la lutte contre des faits de discriminations (article L. 1132-3 du Code du travail) ;
- Harcèlement moral (article L. 1152-1 du Code du travail) ;
- Harcèlement sexuel (article L. 1153-1 du Code du travail) ;
- Faits constitutifs d’un délit ou d’un crime (article L. 1132-3-3 du Code du travail) ;
- Déclenchement d’une alerte en cas de risque grave pour la santé ou l’environnement (article L. 4133-1 du Code du travail).
2/ Les types de « menaces » d’action au pénal
Peuvent recourir à une action au pénal :
- Un salarié ;
- Un représentant du personnel ;
- Un prestataire extérieur.
Ainsi, il ne peut être admis qu’un salarié intimide son employeur d’agir au pénal, en formulant des accusations calomnieuses et injustifiées, en vue, entre autres, de :
- Obtenir un départ négocié ;
- Éviter une sanction disciplinaire ;
- Se débarrasser d’un collègue de travail ou de sa hiérarchie ;
- Nuire à l’entreprise qui l’emploie.
3/ Les motifs les plus couramment invoqués pour mêler pénal et droit du travail
Les motifs les plus couramment invoqués pour mêler pénal et droit du travail sont les suivants :
- Harcèlement moral ou sexuel ;
- Discrimination ;
- Travail dissimulé ;
- Délit d’entrave ;
- Atteinte à la liberté d’expression.
4/ Les recours pour l’employeur et/ou les salariés en cas d’abus de recours à l’action au pénal
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Des poursuites pénales peuvent être exercées pour diffamation.
Le délit de diffamation publique, prévu par l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Ainsi, « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ») et réprimé par les articles 30, 31 et 32 de la même loi. L’auteur d’une telle diffamation commise envers un particulier encourt par exemple une amende de 12 000 € ;
La contravention de diffamation non publique, définie à l’article R. 621-1 du Code pénal.
Ainsi, « la diffamation non publique envers une personne est punie de l’amende prévue pour les contraventions de 1re classe. La vérité des faits diffamatoires peut être établie conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté de la presse » et réprimée par une amende de 38 € maximum.
Qu’elle soit publique ou non, la diffamation doit porter sur un fait précis portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée.
Par ailleurs, il existe une immunité pénale. En effet, l’employeur ne peut pas poursuivre en justice pour diffamation un salarié qui lui reproche un harcèlement lorsque le salarié a uniquement dénoncé des faits à l’employeur ou aux personnes chargées de veiller à l’application du Code du travail, comme les RH de l’entreprise ou l’inspection du travail (Cass. 1ère civ.,28 septembre 2016, n° 15-21 823).
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Des poursuites pénales peuvent être exercées pour injure.
Tout comme la diffamation, l’infraction d’injure peut être publique ou non, donnant lieu à l’application d’un régime juridique distinct.
Le délit d’injure publique est prévu par l’article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Ainsi, « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, est une injure » et sanctionné à l’article 33 de la même loi. L’auteur d’une telle injure commise envers un particulier encourt une amende de 12 000 €.
La contravention d’injure non publique est de son côté définie à l’article R. 621-2 du Code pénal.
Ainsi, « l’injure non publique envers une personne, lorsqu’elle n’a pas été précédée de provocation, est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe » et son auteur encourt une amende de 38 € maximum.
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Des poursuites pénales peuvent être exercées pour harcèlement moral au travail.
Le délit de harcèlement moral au travail est défini à l’article 222-33-2 du Code pénal comme : « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».
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Des poursuites pénales peuvent être exercées pour chantage.
Le délit de chantage est défini à l’article 312-10 du Code pénal comme : « le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque. Le chantage est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».
La tentative de chantage est punie des mêmes peines (article 312-12 du Code pénal).
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Des poursuites pénales peuvent être exercées pour dénonciation calomnieuse.
Ce délit est prévu et réprimé par l’article 226-10 du Code pénal.
Ainsi, « la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci ».