Droits des salariés

QVCT : les 6 enseignements de l’Insee sur l’écart d’espérance de vie entre les cadres et les ouvriers

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Les hommes cadres de 35 ans vivent en moyenne 5,3 ans de plus que les ouvriers. Chez les femmes, cet écart est moins marqué (3,4 ans), d’après la dernière enquête sur les écarts d’espérance de vie publiée par l’Insee le 16 juillet 2024.

QVCT : les écarts d’espérance de vie entre les cadres et les ouvriers ( enquête Insee) - © D.R.
QVCT : les écarts d’espérance de vie entre les cadres et les ouvriers ( enquête Insee) - © D.R.

1/ Les cadres moins soumis aux risques professionnels

En 2020-2022, l’espérance de vie à 35 ans est de 53 ans pour les femmes cadres, et de 49,6 ans pour les ouvrières, soit 3,4 ans d’écart. Chez les hommes, l’espérance de vie à 35 ans des cadres atteint 48,9 ans, contre 43,6 ans pour les ouvriers, soit 5,3 ans d’écart.

D’après l’Insee, « la nature des professions exercées explique en partie ces écarts, puisqu’elle peut être la cause directe d’un état de santé plus ou moins bon, et donc d’une durée de vie plus ou moins longue. Ainsi, les cadres sont moins soumis aux risques professionnels (accidents et maladies du travail, conditions de travail pénibles, etc.) que les ouvriers ».

De plus, les modes de vie diffèrent selon les groupes sociaux :

  • Les comportements de santé à risque ;
  • Les moindres recours et accès aux soins ;
  • L’obésité, moins fréquente chez les cadres que chez les ouvriers.
  • L’appartenance à une catégorie sociale peut également être la conséquence d’une mauvaise santé plutôt qu’en être la cause : une santé défaillante peut empêcher la poursuite d’études, le maintien en emploi, ou rendre plus difficiles les promotions et l’accès aux emplois les plus qualifiés en cours de carrière.

2/ Des écarts d’espérance de vie plus marqués chez les hommes

Chez les femmes, les espérances de vie à 35 ans de la plupart des catégories sociales sont relativement proches, comprises entre 50 ans et 53 ans. Seules les espérances de vie des ouvrières (49,6 ans) et des inactives non retraitées (45,8 ans) se distinguent.

Chez les hommes, les écarts sont plus marqués :

  • Les cadres sont ceux qui vivent le plus longtemps au-delà de 35 ans (48,9 ans) ;
  • Suivis par les professions intermédiaires (47,4 ans) ;
  • Les agriculteurs (47,2 ans), les artisans, les commerçants (46,4 ans) ;
  • Les employés (45,1 ans) ;
  • Les ouvriers (43,6 ans).

Par ailleurs, l’espérance de vie à 35 ans des hommes inactifs non retraités est particulièrement faible (34 ans), bien plus que celle des femmes de même catégorie sociale.

« L’inactivité masculine est plus souvent liée à des problèmes de santé ou d’invalidité, tandis que celle des femmes demeure davantage liée à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle », souligne l’étude.

3/ Les ouvriers ont deux fois plus de risque que les cadres de mourir entre 35 et 65 ans

Dans les conditions de mortalité de 2020-2022, les ouvrières ont deux fois plus de risque que les femmes cadres de mourir entre 35 et 65 ans.

Ainsi, une femme âgée de 35 ans a :

  • 8 % de risque de mourir avant 65 ans si elle est soumise à chaque âge aux conditions de mortalité des ouvrières de 2020-2022 ;
  • 4 % si elle est soumise à celles des cadres.

Chez les hommes, le risque de mourir entre 35 et 65 ans est 2,5 fois plus élevé pour les ouvriers (15 %), que pour les cadres (6 %).

Entre 65 et 75 ans, les ouvriers ont 1,7 fois plus de risque que les cadres de mourir, tous sexes confondus.

  • Une femme âgée de 65 ans a 10 % de risque de mourir avant 75 ans si elle est soumise à chaque âge aux conditions de mortalité des ouvrières de 2020-2022, et 6 % si elle est soumise à celles des cadres.

Chez les hommes, le risque de mourir entre 65 et 75 ans est de 20 % pour les ouvriers et de 12 % pour les cadres.

4/ L’espérance de vie des hommes diplômés du supérieur dépasse de 8,0 ans celle des non-diplômés

En 2020-2022, l’écart d’espérance de vie entre les diplômés du supérieur et les non-diplômés est plus marqué chez les hommes que chez les femmes. Chez les hommes, l’espérance de vie augmente régulièrement avec le niveau de diplôme.

Ainsi, à 35 ans, un homme diplômé du supérieur peut espérer vivre en moyenne :

  • 2 ans de plus qu’un bachelier ;
  • 3,6 ans de plus qu’un titulaire d’un CAP ou d’un BEP ;
  • 4,9 ans de plus qu’un diplômé du brevet ou du certificat d’études (CEP) ;
  • 8 ans de plus qu’un homme sans diplôme.

Chez les femmes, les écarts d’espérance de vie sont nets entre les non-diplômées et les diplômées. En revanche, parmi les diplômées, les différences d’espérance de vie sont moins marquées selon le niveau de leur diplôme.

  • Une femme diplômée du supérieur peut espérer vivre en moyenne seulement 0,9 ans de plus qu’une bachelière, et les écarts restent contenus avec une femme ayant un CAP ou un BEP (1,5 an), ou bien le brevet ou le certificat d’études (2,1 ans) ;
  • Elle vit en revanche nettement plus longtemps qu’une femme sans diplôme (5,4 ans) ;
  • Depuis les années 1990, l’écart entre les diplômés du supérieur et les non-diplômés est proche de 5 ans pour les femmes et de 8 ans pour les hommes.

5/ Les ouvrières vivent un peu plus longtemps que les hommes cadres

« Partout dans le monde ou presque, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. En France, l’espérance de vie des femmes est supérieure à celle des hommes, quelle que soit leur catégorie sociale : les ouvrières, qui sont les femmes actives dont l’espérance de vie est la plus faible, vivent même légèrement plus longtemps que les hommes cadres (0,7 an de plus), qui sont les hommes ayant la plus longue espérance de vie », souligne l’Insee.

« Par ailleurs, l’espérance de vie des femmes sans diplôme n’est inférieure que de 1,3 an à celle des hommes diplômés du supérieur. Pourtant, les ouvrières ou les femmes sans diplôme cumulent plusieurs caractéristiques qui pourraient dégrader leur état de santé : leurs revenus sont inférieurs à ceux des hommes cadres, et leurs conditions de travail sont en général plus pénibles. »

En revanche, certains de leurs comportements sont plus favorables à leur santé :

  • Les ouvrières sont par exemple moins exposées aux consommations dangereuses d’alcool que les hommes cadres ;
  • De plus, elles bénéficient d’un meilleur suivi médical, en particulier pendant leur vie féconde ;
  • Par ailleurs, leur durée de travail (hebdomadaire ou tout au long de leur vie) est plus faible, réduisant ainsi leur exposition à des risques professionnels.
  • Les écarts d’espérance de vie entre femmes et hommes se sont réduits depuis le milieu des années 1990. C’est en particulier le cas entre l’espérance de vie des ouvrières et des hommes cadres. De fait, certains comportements des femmes et des hommes se sont rapprochés.

6/ L’écart d’espérance de vie entre les hommes cadres et les ouvriers se réduit depuis les années 1990

En hausse de la fin des années 1970 aux années 1990, l’écart d’espérance de vie à 35 ans entre les hommes cadres et ouvriers a ensuite diminué, passant de 7 ans dans les années 1990 à 5,3 ans en 2020-2022. L’espérance de vie des ouvriers a en effet progressé plus vite que celle des hommes cadres (+4,8 ans entre 1991-1999 et 2020-2022, contre +3,1 ans).

En particulier, les risques de mourir dans l’année au-delà de 60 ans ont diminué plus rapidement pour les ouvriers que pour les cadres.

  • À structure par sexe et âge constante, le taux de décès des hommes à la suite d’un cancer du poumon a baissé depuis les années 1990.
  • Comme les ouvriers fument plus que les hommes cadres, ils pourraient avoir davantage « bénéficié » de cette baisse de la mortalité.

Chez les femmes, au contraire, l’écart entre les cadres et les ouvrières a légèrement augmenté depuis les années 1990 (de 2,6 ans à 3,4 ans). L’espérance de vie des ouvrières a en effet progressé un peu moins vite que celle des femmes cadres.

Depuis les années 1990, la mortalité des ouvrières a baissé au-delà de 70 ans, mais elle a augmenté entre 40 et 70 ans.

À structure par sexe et âge constante, le taux de décès des femmes par cancer du poumon a augmenté. Comme les femmes ouvrières fument plus que les femmes cadres, cela a pu ralentir leur progrès d’espérance de vie.

Entre 2017-2019 et 2020-2022, l’écart d’espérance de vie entre les hommes cadres et les ouvriers a continué de se réduire et est resté stable chez les femmes. Toutefois, il est difficile d’isoler l’effet de l’épidémie de Covid-19 sur les écarts sociaux d’espérance de vie encadré.

L’espérance de vie des inactives non retraitées a diminué depuis les années 1990 (-1,3 an), tandis que celle de l’ensemble des femmes a progressé (+2,8 ans).

La population des femmes inactives s’est beaucoup transformée, avec une forte diminution du nombre de femmes au foyer, ce qui a pu accroître la part de l’inactivité liée à des problèmes de santé.

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