Droits des salariés

Santé mentale et expériences du travail, du chômage et de la précarité : 4 enseignements de la Dares

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Pour mieux comprendre les interactions entre la santé mentale, les conditions de travail (QVCT) des personnes occupant un emploi, le chômage et la précarité professionnelle, la Dares a publié quatre rapports d’étude le 13 août 2024.

QVCT : santé mentale, conditions de travail des personnes occupant un emploi/au chômage (Dares) - © D.R.
QVCT : santé mentale, conditions de travail des personnes occupant un emploi/au chômage (Dares) - © D.R.

1/ L’impact de l’intensification et de l’autonomie au travail sur la santé mentale

Le rapport de la Dares met en évidence :

  • Les effets néfastes sur la santé mentale d’une forte intensité de travail ;
  • Les effets bénéfiques sur la santé mentale lorsque le travailleur a une latitude importante dans la conduite de son travail.

« Les conditions de travail ont un impact significatif et important sur l’état de santé des travailleurs », souligne le rapport.

« Les individus exposés à la fois à une forte exigence du travail et à une faible latitude décisionnelle ont une santé mentale plus dégradée que les autres. Au contraire, les travailleurs peu exposés à l’intensité de travail et ayant une autonomie importante ont une meilleure santé mentale. »

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir une santé mentale dégradée. Il ressort de l’analyse que ces écarts de santé s’expliquent en partie par les différences d’exposition à l’intensité du travail et dans une moindre mesure à l’autonomie du travail.

Des différences apparaissent également selon le statut social :

  • Les personnes qui ont un niveau supérieur au bac ont un risque de dépression moins élevé que les autres ;
  • Les cadres ou les professions intermédiaires ont une probabilité plus faible de déclarer une santé mentale dégradée que les ouvriers ;
  • Enfin, l’âge ne semble pas avoir d’impact sur la survenue d’un épisode dépressif.

« Les travailleurs qui ont un travail automatisable sont plus nombreux à déclarer une santé mentale dégradée que les autres. Ceci s’explique en partie par le fait qu’ils éprouvent plus souvent un sentiment d’insécurité dans l’emploi et des craintes de devoir changer de qualification ou de profession au cours des trois prochaines années. Ils sont également plus exposés à un travail intense. »

Par ailleurs, le télétravail peut avoir des conséquences négatives sur la santé mentale, et plus particulièrement pour les seniors. Enfin, la dégradation du sommeil et la perte d’énergie apparaissent comme des points de vigilance.

2/ Les relations entre les conditions de travail difficiles, les troubles du sommeil, la dépression et les conduites addictives

Le deuxième rapport de la Dares souligne deux types d’expositions professionnelles qui ont été retenues comme pouvant être associées à des modifications dans les usages d’alcool, de tabac, de cannabis, de gras et de sucre :

  • L’épuisement physique au travail et les horaires de travail atypiques ;
  • L’épuisement physique au travail est associé à la consommation de tabac, de cannabis, de gras et de sucre ;
  • Les horaires de travail atypiques sont associés à la consommation de tabac, de cannabis et d’alcool.

3/ L’évolution de la santé mentale face au chômage

La troisième étude de la Dares montre que la situation de chômage peut représenter un soulagement momentané puisqu’elle intervient parfois après une expérience de travail difficile et y met donc un terme.

« Il est alors possible, au moins dans un premier temps, d’observer une amélioration de la santé des chômeurs. Cependant, si la situation de chômage perdure, elle peut conduire à des difficultés. Ces difficultés peuvent se traduire par la réapparition de troubles qui avaient été compensés par le travail. »

  • « Le travail est central dans la construction de la santé mentale des individus », indique le rapport. À la suite d’une perte d’emploi involontaire, ces derniers peuvent s’investir dans diverses activités.
  • Néanmoins, quelle que soit l’activité pratiquée, elle ne peut jamais remplacer le travail car elle n’induit pas les mêmes dimensions de reconnaissance que l’activité professionnelle. L’activité extra-professionnelle ne permet donc pas de faire face sur le long terme à la souffrance qu’une perte d’emploi peut engendrer.« 

4/ Les effets des « nouvelles » organisations du travail

Concernant la plateforme numérique de livraison à vélo étudiée par la Dares, le quatrième rapport indique que l’accélération de la cadence visant à rendre supportable la pénibilité physique et psychique du travail ne préserve pas la santé des livreurs.

« Ce processus, déjà observé dans les organisations tayloriennes, entraîne des pathologies somatiques et psychiques sévères qui se sont déclenchées relativement tôt dans la trajectoire professionnelle des livreurs enquêtés. »

Dans la SCOP de livraison à vélo étudiée par la Dares, le rapport indique que la doctrine de l’entreprise s’appuie sur des principes écologiques, éthiques et solidaires.

« La jeune SCOP représente une organisation du travail qui a réussi à conjurer les risques pour la santé mentale et physique, grâce à une coopération horizontale fondée sur la volonté d’œuvrer à une organisation du travail tournée vers un engagement entrepreneurial alternatif, mais apte à générer de la valeur économique. »

Cliquez ICI pour consulter les 4 rapports de la Dares

Concepts clés et définitions : #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail , #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail