PSE : « L’anticipation est cruciale » (Luc Bérard de Malavas, Groupe Alpha)
« Dans le cadre d’un PSE, se faire accompagner par un cabinet spécialisé est souvent nécessaire pour naviguer dans ces complexités. Même en cas d’accord majoritaire, la validation par la Dreets n’est pas garantie, surtout si le livre 4 est jugé insuffisant », déclare Estelle Richard, responsable de mission santé au travail chez Secafi.
« Lorsque la restructuration est inévitable, il est préférable de privilégier les départs volontaires tout en gardant une vision collective et en impliquant les représentants du personnel », indique Luc Bérard de Malavas, juriste et associé Groupe Alpha.

Le nombre de PSE est-il en hausse en 2023 et 2024 ?
Luc Bérard de Malavas : Effectivement, nous avons observé une baisse historique du nombre de PSE en 2022 (avec à peine plus de 300 PSE initiés), ce qui était une bonne nouvelle. Cependant, depuis un peu plus d’un an, nous constatons une remontée notable des plans de restructuration (avec plus de 600 PSE initiés en 2024) dans divers types d’entreprises, qu’elles soient en bonne santé financière ou en difficulté, comme celles en redressement ou en liquidation judiciaire. Malgré cette hausse, le nombre de PSE reste très inférieur aux pics historiques (plus de 2 000 PSE initiés en 2009).
Nous observons une montée en puissance de ces formes alternatives au PSE
Aujourd’hui, le traitement des restructurations utilise le PSE comme outil central, mais il existe d’autres dispositifs tels que les départs volontaires, collectifs ou individuels, et les ruptures conventionnelles individuelles. Les dispositifs collectifs comme la RCC et l’accord de GEPP avec congé de mobilité sont également des alternatives au PSE. Ces dispositifs nécessitent un accord majoritaire, contrairement au PSE qui peut être mis en place par décision unilatérale. Il existe trois types de PSE : ceux avec licenciements directs, ceux avec une phase de volontariat suivie de départs contraints si nécessaire (PSE dit mixte), et le PDVA (plan de départ volontaire autonome), qui exclut tout licenciement. Nous observons une montée en puissance de ces formes alternatives au PSE.
Que conseillez-vous pour que cette procédure soit la moins difficile possible pour les salariés ?
Luc Bérard de Malavas : L’anticipation est cruciale, tant pour les directions que pour les représentants du personnel. La restructuration est souvent le résultat d’une discordance entre les effectifs et les besoins en compétences. Il est essentiel d’anticiper ces décalages pour éviter les ruptures de contrat.
Les risques psychosociaux doivent être pris en compte
Lorsque la restructuration est inévitable, il est préférable de privilégier les départs volontaires tout en gardant une vision collective et en impliquant les représentants du personnel. L’accompagnement et l’indemnisation des salariés qui partent, ainsi que l’évaluation des conditions de travail pour ceux qui restent, sont essentiels. Les risques psychosociaux doivent être pris en compte, et il est important d’avoir une information et une consultation des représentants du personnel, même dans le cadre d’une RCC ou d’un accord GEPP, pour assurer des conditions de travail adéquates.
Quels sont vos conseils pour les fonctions managériales et les représentants du personnel durant ces périodes de restructuration ?
Estelle Richard : La formation est essentielle pour le management intermédiaire, les ressources humaines et les représentants du personnel. Ces groupes doivent être préparés aux risques psychosociaux spécifiques de la restructuration. Un accompagnement sous forme de coaching peut être bénéfique pour gérer les annonces, la phase transitoire de mise en œuvre du projet et les interactions avec les salariés.
Un soutien externe peut être nécessaire pour apporter des compétences spécialisées
Il est crucial que ces acteurs ne soient pas déjà surchargés de travail, car cela pourrait nuire à leur capacité à gérer la restructuration. Un soutien externe peut être nécessaire pour apporter des compétences spécialisées et alléger l’intensité du travail inhérente à cette période.
Les représentants du personnel doivent être sécurisés sur leurs fonctions et leur avancement futur pour qu’ils puissent se concentrer pleinement sur leur rôle pendant la restructuration. Enfin, un dialogue social constructif est essentiel pour trouver des compromis et éviter les tensions inutiles.
Que pensez-vous du dispositif APLD Rebond ?
Nous voyons très positivement le retour du dispositif APLD, désormais appelé APLD Rebond
Luc Bérard de Malavas : Le nouveau dispositif de chômage partiel longue durée renforce l’obligation de formation des salariés. L’activité partielle de longue durée rebond a pris la suite, depuis le 01/03/2025 et au maximum jusqu’au 28/02/2026, du dispositif antérieur mis en place au moment du Covid.
Nous voyons très positivement le retour du dispositif APLD, désormais appelé APLD Rebond. Ce dispositif a été renforcé, notamment sur les questions de formation, ce qui est bénéfique. Il fait partie des mesures de prévention pour éviter une restructuration difficile. Cependant, nous attendons encore la parution du décret pour connaître les modalités précises. L’APLD Rebond est une mesure intéressante pour les entreprises et les salariés lorsqu’il s’agit de traverser des périodes difficiles sans porter atteinte à l’emploi, aux compétences et aux savoir-faire.
Que préconisez-vous dans la gestion pratique d’un PSE ?
Estelle Richard : Le PSE est devenu un outil complexe et difficile à gérer pour les acteurs de l’entreprise, en raison notamment du rôle croissant de la Dreets qui est très exigeante sur le volet SSCT. Il est crucial pour les directions comme pour les élus du personnel de ne pas sous-estimer la technicité de la procédure.
La validation par la Dreets n’est pas garantie, surtout si le livre 4 est jugé insuffisant
Se faire accompagner par un cabinet spécialisé est souvent nécessaire pour naviguer dans ces complexités. Même en cas d’accord majoritaire, la validation par la Dreets n’est pas garantie, surtout si le livre 4 est jugé insuffisant. Concernant les directions, une préparation minutieuse et une évaluation concrète des risques sont indispensables pour éviter les refus de validation.
Quelle approche l’expertise doit-elle avoir lors d’un PSE ?
Estelle Richard : L’expertise doit être transversale et couvrir l’ensemble des compétences nécessaires. Par exemple, concernant les conseils aux directions, lorsque l’on parle du PSE, il est essentiel de maîtriser les différents livres du Code du travail : livre 1, livre 2 et livre 4.
Il est recommandé d’éviter une vision segmentée des dossiers
Un cabinet spécialisé en restructurations doit donc adopter une méthodologie qui ne traite pas ces aspects de manière cloisonnée. Le livre 4 s’articule avec le livre 2, mais aussi avec le livre 1. Cette approche globale est fondamentale.
Du côté des représentants du personnel et de leurs experts, il est recommandé d’éviter une vision segmentée des dossiers. Il ne suffit pas que la CSSCT se charge du livre 4 tandis que le reste du CSE traite d’autres enjeux. Bien sûr, la CSSCT peut jouer un rôle plus spécifique, mais des échanges et des discussions doivent avoir lieu entre les différentes instances, une articulation fine, car les liens entre les différents livres sont très forts et les maîtriser est un atout.
Lorsque l’on est concerné par un PSE, l’un des enjeux majeurs pour les représentants du personnel a trait à la négociation et à l’amélioration des mesures sociales, en priorité celles en faveur du retour à l’emploi. Or, pour y parvenir, l’analyse du livre 2 et du livre 4 est primordiale. Tout est interconnecté, et c’est la raison pour laquelle les experts qui assistent les représentants du personnel doivent adopter une approche transversale.
Nous avons à cœur d’assurer un accompagnement continu des représentants du personnel tout au long de la procédure. C’est une période particulièrement difficile, voire douloureuse pour eux, et ils ont besoin de soutien. L’expert, désigné dès le début de la procédure, remet son rapport à la fin, mais son rôle ne se limite pas à cette remise de conclusions. Il est présent quasi quotidiennement pour aider les représentants à se préparer, répondre à leurs questions et prévenir les risques auxquels ils peuvent être confrontés.