Antoine Foucher, Quintet : « avec les ordonnances de 2017, on n’a jamais autant négocié en entreprise »
Le | Accords d’entreprise
Antoine Foucher, président de Quintet Conseil qui a occupé la fonction de directeur de cabinet de l’ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud (à l’origine des ordonnances Travail de 2017 à 2020), réagit aux propos de Marylise Léon (secrétaire générale de la CFDT) tenus dans CSE Matin en évoquant un « pari perdu pour le dialogue social ».
Sur la négociation collective
Sur le sujet de la négociation collective, Antoine Foucher se réfère aux bilans de la négociation collective en France publiés tous les ans par la DGT.
- « Ils montrent que, depuis les ordonnances, on n’a jamais autant négocié dans les entreprises de notre pays. Sur les dix ans qui précèdent les ordonnances, on comptait chaque année 60 000 à 65 000 accords négociés.
- Depuis les ordonnances, et sur une moyenne de cinq ans, donc significative, on est passé à plus de 80 000 accords annuels. Donc, avec plus de 30 % d’augmentation pérenne du nombre d’accords négociés, le pari du dialogue social - c’est-à-dire le pari qu’il faut davantage négocier dans les entreprises car la bonne régulation se construit dans le dialogue sur le terrain, plutôt qu’à Paris - est évidemment gagné ! », déclare-t-il.
« Ces indicateurs montrent que ces nouvelles formes de négociation et de conclusion d’accords mises en place ou facilitées par les ordonnances, à côté des accords conclus avec les DS, ont très bien fonctionné », selon Antoine Foucher.
Sur la disparition des CHSCT
Concernant la disparition des CHSCT déplorée par l’ensemble des organisations syndicales, Antoine Foucher estime qu’il faut regarder ce qui se pratique ailleurs en Europe et ce qui fonctionne.
- « Avant les ordonnances, nous étions le seul pays à éclater le dialogue social en quatre instances différentes : les DP, les DS, les CE et les CHSCT.
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Notre dialogue social n’était ni satisfaisant pour les acteurs nationaux, ni exemplaire pour les autres pays, qui se gardaient bien d’importer notre bazar chez eux, tout en ayant, sur la santé des travailleurs par exemple, de meilleurs résultats que nous… », évoque-t-il.
« Quatre instances, c’était chronophage et surtout inefficace : peu ou pas d’impact sur le fonctionnement de l’entreprise, des salariés qui se demandaient à quoi servait tout cela, des informations dispersées et des redites entre instances, sans valeur ajoutée pour personne », considère-t-il.
Sur les moyens du dialogue social
Concernant la question des moyens, Antoine Foucher rappelle qu’il n’y a pas « une seule entreprise du SBF 120 qui n’ait pas augmenté les moyens par rapport au cadre réglementaire ».
- « Donc le problème ne vient pas, sauf exception, d’une mise en place a minima dans ces entreprises, où les syndicats ont leurs gros bataillons.
- Dans les ETI et les grandes entreprises, l’augmentation légale des moyens ne changerait rien, puisque la plupart d’entre elles sont au-dessus du décret, et souvent même très au-dessus », poursuit-il.
« Le véritable sujet pour les organisations syndicales, ce n’est pas un problème de moyens ou d’heures de délégation dans les entreprises, mais le manque de vocations et de militants. C’est sur ce sujet que tous les partisans du dialogue social devraient mettre toute leur énergie », estime-t-il.
Sur les pistes d’amélioration du dialogue social
Antoine Foucher perçoit certaines voies principales d’amélioration du dialogue social :
- « Sur ce sujet culturel, il faut du temps, mais la meilleure manière d’accélérer les choses est de montrer que cela marche, de faire connaître les accords innovants et audacieux, les pratiques engagées du dialogue social. À ce titre, il serait intéressant, par exemple, de renouer avec “Les réussites du dialogue social” qui avaient été organisées au ministère du travail en 2019. Il serait utile de les décliner sur l’ensemble du territoire, d’accélérer les formations communes, etc.
- Ensuite, au niveau national et interprofessionnel, il faut prendre les politiques publiques une par une et définir la responsabilité de chacun : sur l’assurance chômage, sur les retraites, sur la formation, sur le Code du travail, sur la représentativité.
- Il faut sortir de ce jeu mortifère où ni l’État ni les partenaires sociaux ne sont entièrement responsables. Car cela finit par discréditer les uns et les autres, qui se renvoient la balle comme des enfants, et au mépris de l’intérêt général. Clarifions les responsabilités de chacun et ne faisons pas le cadeau de l’impuissance des politiques publiques aux démagogues de tout bord. »
Adaptation d’un article de News Tank RH en date du 12/12/2023. Cliquez ICI pour accéder à l’offre Découverte gratuite.
Concepts clés et définitions : #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail