Dialogue social

Arnaud Vilain (CFDT Orange) : « Dépasser le cadre de l’entreprise élargit mon engagement social »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Syndicaliste CFDT chez Orange depuis 2015, Arnaud Vilain revient sur son parcours et sur le moteur de son engagement. Les négociations qu’il mène dans le cadre de ses différents mandats lui ont permis d’accéder à des connaissances du terrain et d’enrichir ses compétences, au-delà du périmètre de l’entreprise.

Interview d’Arnaud Vilain CFDT/Orange, syndicaliste depuis 2015 - © D.R.
Interview d’Arnaud Vilain CFDT/Orange, syndicaliste depuis 2015 - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Ingénieur en réseaux et télécommunications avec une formation en marketing stratégique en complément, je suis actuellement responsable de partenariats stratégiques chez Orange.

  • En parallèle, j’ai été élu et désigné dès 2015 sur des mandats de délégué du personnel de proximité, CHSCT et délégué syndical. En particulier, j’ai travaillé sur les conditions de travail et l’accompagnement du projet de déménagement du site de la recherche et de l’innovation d’Orange d’Issy-les-Moulineaux à Châtillon (Hauts-de-Seine) regroupant près de 3000 salariés. J’ai également eu l’occasion de travailler sur des négociations nationales relatives au télétravail, aux avantages salariés ou encore d’être RS au comité d’établissement.
  • Entre 2016 et 2020, j’ai coordonné l’action syndicale de la CFDT sur deux divisions d’Orange comprenant 8000 salariés (Innovation-recherche et Infrastructure des réseaux) avec une trentaine de délégués syndicaux.
  • Actuellement, je suis mandaté CFDT au niveau confédéral au sein du Comité stratégique de filière infrastructures numériques, mais également membre de la commission de suivi des réparations et indemnisations des victimes du procès France Télécom. Je continue de travailler au sein des instances CSE et Comité Groupe France (Orange et filiales à +50 %) ainsi qu’à la commission innovation. Je suis également Président d’un conseil de surveillance d’un fonds d’épargne solidaire.

Comment est née votre fibre syndicale ?

Je porte depuis longtemps un grand intérêt à l’évolution de l’entreprise, au débat sur son organisation et à ses priorités opérationnelles et sociales

Mon engagement est apparu grâce à des collègues ayant déjà un mandat. Je porte depuis longtemps un grand intérêt à l’évolution de l’entreprise, au débat sur son organisation et à ses priorités opérationnelles et sociales.

Par ailleurs, la diversité des mandats me permet de contribuer sur des domaines complémentaires et aussi très différents de mon parcours professionnel. Cela m’a permis de faire de nombreuses rencontres dans et en dehors du cadre de l’entreprise et de travailler sur les sujets portés par les organisations syndicales, dont la diversité et la richesse ne m’étaient pas forcément connues.

Comment avez-vous procédé pour maîtriser ces sujets ?

J’ai été formé à Sciences Po dans le parcours « Culture économique et sociale », qui était proposé par les relations sociales d’Orange. Ce parcours m’a permis d’appréhender ou d’approfondir les enjeux juridiques et économiques et ceux de la négociation.

En parallèle, j’ai suivi des formations plus thématiques, liées aux mandats, comme par exemple :

  • La formation obligatoire pour les membres du conseil de surveillance ;
  • La formation plus juridique sur l’assistance aux salariés ;
  • Des formations professionnelles sur la négociation et la stratégie en lien avec mon travail de responsable de partenariats stratégiques avec des grands comptes internationaux ont aussi nourri ce parcours.

Pourquoi avez-vous choisi de vous engager à la CFDT ?

La CFDT est une organisation qui dépasse le cadre de l’entreprise : son approche globale sur la société est un atout pour moi

La CFDT est une organisation qui dépasse le cadre de l’entreprise. Son approche globale sur la société est un atout pour moi : cela me permet de faire des travaux avec des personnes issues de secteurs variés et me donne une autre perspective sur le monde du travail.

Je peux ainsi réfléchir à des axes d’amélioration qui vont au-delà d’Orange. C’est notamment grâce à des contributions menées sur la QVT à la CFDT Cadres que j’ai pu découvrir la richesse de cette organisation.

Les moments forts des campagnes électorales permettent de ressentir la dynamique humaine et la solidarité de notre organisation pour porter ses valeurs.

La CFDT m’apporte donc cette dimension plus large de l’engagement auprès des salariés de tous les milieux. Il y a une ouverture à l’autre et un sens profond dans cet engagement qui permet de s’épanouir, notamment sur les sujets portés par la CFDT à l’échelle européenne.

Quels sont les moments les plus marquants de votre parcours ?

La crise des suicides chez France Télécom, du procès et de la commission de suivi des réparations sont des moments extrêmement marquants

C’est le procès de la crise des suicides chez France Télécom et la commission de suivi des réparations. Les situations ont été tellement dramatiques et marquantes.

Le sujet est difficile à porter sur la durée. Cependant, cela reste l’occasion pour le demandeur de réparation de solder des souffrances qui n’ont pas été entendues pendant plus de 10 ans.

C’est une expérience à la fois lourde et enrichissante, dans le sens où cela montre que le travail que nous menons a du sens. L’entreprise a finalement fait le choix de nouer le dialogue avec les partenaires sociaux pour apporter un éclairage sur des situations difficiles.

Autre moment marquant de mon parcours : le rendez-vous annuel majeur de l’analyse de la politique d’innovation d’Orange. Au CSE central, nous avons le devoir d’évaluer et de porter des revendications fortes sur la stratégie d’entreprise.

Les questions budgétaires, des ressources et les choix de l’entreprise font l’objet d’âpres débats et discussions. Notamment si les baisses de budget induisent un risque de compétitivité à long terme et ce en particulier des secteurs en croissance. Par exemple, nous comparons avec des secteurs semblables et adjacents et nous formulons des propositions alternatives.

Quels sont les principes d’une bonne négociation selon vous ?

Nous tentons de réévaluer le télétravail, qui devrait être renforcé et plus adapté aux besoins de chacun des salariés

Chez Orange, nous avons ouvert les négociations sur l’accord télétravail en décembre 2021 et elles devraient se terminer à la fin du mois d’avril 2022. Nous tentons de réévaluer le télétravail, qui devrait être renforcé et plus adapté aux besoins de chacun des salariés.

Dans ce cadre, il s’agit de :

  • déterminer la cible la plus favorable pour les salariés ;
  • comprendre les enjeux de l’entreprise dans un modèle d’organisation du travail hybride ;
  • travailler sur la mise en œuvre des dispositions, en prenant en compte la culture de l’entreprise et son fonctionnement. Et ce, une fois que toutes les contraintes sont définies. Il ne faut pas que le cadre soit trop spécifique et rigide, sinon cela deviendra inapplicable par le management. Par exemple, dans le cadre de la négociation sur le télétravail, nous regardons les pratiques dans les autres entreprises, y compris à l’international, pour en tirer des enseignements principaux.
  • se limiter la durée des négociations. En effet, les salariés sont dans l’attente de nouvelles dispositions et cet entre-deux, dans le cas d’accords structurants, notamment sur l’organisation du travail ou la GPEC, peut être perturbant ou susciter des inquiétudes.

Comment percevez-vous l’évolution des IRP ?

nous avons perdu une forme de connaissance du terrain et cela rend plus complexe l’écoute des salariés qui reste pour moi fondamentale pour guider l’action et créer du droit par la négociation

Au niveau de l’entreprise, il me semble que les prérogatives du CHSCT étaient fortes et permettaient à la fois de s’assurer du respect de la règlementation et d’accompagner l’amélioration des conditions de travail.

Ce travail du CHSCT était précis et efficace dans le suivi des salariés en situation de mal-être. L’entreprise était obligée d’aborder les sujets et nous parvenions à régler les problèmes dans 80 % des cas.

Or aujourd’hui, le CSE a une place centrale et traite de sujets très variés, ce qui alourdit la charge de travail et dilue la capacité d’agir.

Par conséquent, les CSE durent jusqu’à 3 ou 4 jours. Le travail des représentants du personnel est vraiment difficile à mettre en œuvre : nous avons perdu une forme de connaissance du terrain et cela rend plus complexe l’écoute des salariés qui reste pour moi fondamentale pour guider l’action et créer du droit par la négociation. De fait, la qualité du dialogue et des négociations peut s’en trouver affecter.

Pour éviter cet écueil, il est primordial de définir les priorités de l’action syndicale et de focaliser son action. Garder comme boussole les attentes des salariés et développer des outils d’écoute et de recueil de leurs avis sont les seules possibilités de mener une action conforme à la réalité vécue.