Dialogue social

Retraites : « La capitalisation n’est pas l’objet de la concertation » (Sandrine Mourey, CGT)


« Abroger la réforme et améliorer notre régime par répartition avec des moyens de financement supplémentaires, c’est possible, tout en permettant à des salariés usés et cassés par le travail, de partir de manière anticipée », déclare Sandrine Mourey, chargée au bureau confédéral CGT de la négociation collective et la démocratie sociale.

Elle s’exprime au sujet de la concertation entre les partenaires sociaux, qui a débuté le 27 février 2025 et qui fait suite à la remise du rapport de la « Mission flash » sur la situation financière du système de retraite au Premier ministre François Bayrou par la Cour des comptes, le 20 février 2025.

Retraites : « La capitalisation n’est pas l’objet de la concertation » (Sandrine Mourey, CGT)
Retraites : « La capitalisation n’est pas l’objet de la concertation » (Sandrine Mourey, CGT)

Quelles seront les étapes de la concertation ?

Pour la CGT, l’objectif c’est l’abrogation de la réforme des retraites qui est contestée par la majorité du monde du travail. Ensuite, la concertation portera sur :

  • La reconnaissance de la pénibilité qui est encore ignorée, malgré les salariés usés par le travail ;
  • Les possibilités de financement. Rien qu’en obtenant l’égalité salariale femmes-hommes, une de nos revendications de longue date, cela rapporterait 6 milliards d’euros par an ;
  • D’autres solutions de financement existent, si nous faisions cotiser les éléments de rémunération qui ne sont pas soumis à cotisation, comme la participation ou l’intéressement, les salariés gagneraient des droits supplémentaires. Cela rapporterait aux alentours de 4 milliards d’euros.

En somme, abroger la réforme et améliorer notre régime par répartition avec des moyens de financement supplémentaires, c’est possible, tout en permettant à des salariés usés et cassés par le travail, de partir de manière anticipée.

Le ministre de l’Économie Éric Lombard s’est dit favorable à une plus grande contribution des retraités au financement du système. Qu’en pensez-vous ?

Je trouve cela incroyable et scandaleux. Les retraités, grâce au système par répartition, bénéficient d’une retraite qui leur permet de vivre dignement. Le taux de pauvreté en France est d’environ 10 % depuis 65 ans, ce qui est bien inférieur à celui de l’Allemagne, qui approche les 20 %.

Les véritables sources de financement sont à trouver ailleurs

Il n’est pas logique de faire payer davantage les retraités qui ont travaillé toute leur vie et ont déjà cotisé. Surtout à l’heure où les entreprises distribuent plus de 100 milliards d’euros de dividendes sans être taxées, ce qui devrait être la priorité plutôt que d’augmenter la charge sur les retraités. Les messages selon lesquels les retraités seraient des « nantis », sont des messages éculés.

Les véritables sources de financement sont à trouver ailleurs, notamment du côté des aides publiques aux entreprises qui doivent être soumis à contrepartie, vérification et contrôle. Le patronat nous dit qu’il faut travailler plus, mais il faudrait déjà qu’ils arrêtent de mettre les salariés seniors dehors et de fermer les industries, surtout avec les 300 plans sociaux actuels en France.

L’État a également des responsabilités dans cette situation quand il accepte ces plans sociaux d’entreprises qui ne sont pas en difficulté, simplement pour gagner des marges de manœuvre supplémentaires sur les dividendes à distribuer aux actionnaires.

On voit bien qu’il y a une volonté du Gouvernement d’inquiéter pour pousser les jeunes générations à placer dans la capitalisation comme le fait le patronat.

Comment réagissez-vous à l’idée d’Amir Reza-Tofighi, président de la CPME, qui propose de supprimer trois jours fériés par an pendant lesquels les salariés travailleraient et le fruit de ce travail serait versé sur leur compte de capitalisation ?

La capitalisation des retraites engendre des injustices terribles

Le patronat essaie de faire passer le système de capitalisation comme quelque chose de novateur, alors que c’est ce qui existait avant notre système par répartition à l’issue de 1945. La capitalisation des retraites engendre des injustices terribles où chacun cotise pour soi.

Ceux qui peuvent cotiser et qui ont des gros revenus peuvent se constituer une retraite, tandis qu’un système par répartition coûte moins cher en frais de gestion et intègre tous les éléments de solidarité en cas d’invalidité ou de pension de réversion.

De toute façon, le système de capitalisation n’est pas l’objet de la concertation.

Que penseriez-vous si le Gouvernement confiait la gouvernance des systèmes de retraite aux partenaires sociaux ?

La retraite doit être considérée comme un choix politique

La retraite doit être considérée comme un choix politique et non comme quelque chose qu’on gère à la petite semaine avec des paramètres qui s’automatisent.

D’ailleurs, en 1945, notre système résultait d’un choix des acteurs politiques qui ont mis en place la Sécurité sociale et nos retraites par répartition, et non pas des pilotages automatiques.