Axel Persson (CGT Cheminots) : « Le compromis est acceptable, mais jamais la compromission »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Adhérent à la CGT depuis 2008 à l’âge de 17 ans, Axel Persson trouve dans son engagement syndical une manière de faire respecter les droits des salariés en difficulté. Il revient sur sa vision du dialogue social et sur l’importance du rapport de force pour mener à bien les luttes syndicales.
Quel est votre parcours ?
- J’ai commencé à militer au sein de la CGT en 2006, dès l’âge de 17 ans. Je travaillais alors dans le secteur privé dans la restauration rapide.
- En 2008, j’ai intégré la SNCF en tant que cheminot à la veille de mes 19 ans. J’ai eu un mandat au CHSCT de 2010 à 2012.
- J’étais délégué du personnel de 2015 à 2018.
Depuis 2018, je suis élu au CSE de Groupe SNCF.
Comment est née votre fibre syndicale ?
Dans les instances, le combat est secondaire, dans la mesure où c’est l’employeur qui dispose du pouvoir de direction économique et de sanction.
Pour changer collectivement le cours de notre existence sur les conditions de travail et la rémunération, j’ai toujours été guidé par la forte volonté de m’organiser avec les collègues.
Davantage que dans une instance de représentation du personnel, je suis très attaché à l’action syndicale. En effet, dans les instances, le combat est secondaire, dans la mesure où c’est l’employeur qui dispose du pouvoir de direction économique et de sanction.
Quant aux élus, ils ne peuvent pas vraiment jouer leur rôle de contre-pouvoir. Les instances servent principalement aux élus à recueillir de l’information, qui servent ensuite aux syndicats, et à affirmer leur position de principe.
Dans le syndicalisme, il s’agit de se rassembler et de réfléchir à des plans de bataille pour mener à bien nos revendications. C’est cet aspect émancipateur du militantisme qui me porte.
Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CGT ?
La CGT œuvre activement à la transformation de la société.
C’est la CGT qui nous donne le plus de ficelles sur la manière efficace de mener des luttes. D’ailleurs, c’est un syndicat de lutte dans le milieu du travail pour améliorer les conditions de travail, les conventions collectives et les salaires.
Sur le long terme et plus largement, la CGT œuvre également activement à la transformation de la société, afin que ceux qui produisent les richesses puissent en disposer. Avec ce rapport de force établi par la CGT, je me sens chez moi.
Quel est le moment marquant de votre parcours ?
Dans ces grèves puissantes, de nombreux collègues se sont révélés, ce qui montre la force du collectif organisé.
Les moments les plus marquants sont innombrables : ils concernent la réintégration des camarades injustement licenciés, grâce au rapport de force. Dans la mesure où ce sont des vies qui sont en jeu, ce sont des moments particulièrement forts.
Par ailleurs, les grèves de 2019-2020 ont constitué un autre moment marquant, même s’il a été difficile. Nous avions obtenu le statut quo du gouvernement sur la réforme des retraites. Dans ces grèves puissantes, de nombreux collègues se sont révélés, ce qui montre la force du collectif organisé.
Quels sont vos sujets actuels de revendication ?
La réforme des retraites, la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà bien rempli d’injustices.
La SNCF a un plan de suppression d’une vingtaine de conducteurs de manœuvre de la Gare de Montparnasse. Il est question de transférer leur travail sur les conducteurs de ligne existants. Nous sommes actuellement en phase de négociation avec la direction.
L’avenir du système des retraites est un autre sujet d’importance. Le gouvernement prévoit de porter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, contre 62 ans actuellement.
Il s’agit d’une attaque majeure contre les salariés, dont j’espère une riposte. Cette goutte d’eau fait déborder le vase déjà bien rempli d’injustices que les salariés subissent dans les entreprises.
De quelle manière menez-vous des négociations ?
Il faut tenir compte de plusieurs paramètres :
- Evaluer l’état du rapport de force ;
- Connaître les objectifs prioritaires des salariés ;
- Le compromis est acceptable, mais jamais la compromission. C’est une ligne à ne pas franchir.
Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?
Les combats syndicaux aboutissent bien plus souvent qu’on peut le penser.
S’engager dans le syndicalisme, c’est faire le choix de ne pas se laisser faire et d’être acteur de sa vie. C’est à fois enthousiasmant, formateur et émancipateur.
Avoir un mandat d’élu peut être ingrat mais les combats syndicaux aboutissent bien plus souvent qu’on peut le penser. Ce qui est extrêmement gratifiant.
Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?
Je constate une forme de désert syndical et une absence de culture de lutte collective dans de nombreuses entreprises.
L’évolution est contrastée. En effet, à mon niveau local, l’engagement syndical est en bonne santé, les adhésions sont en progression mais j’ai conscience que ce n’est pas le cas partout.
C’est notamment lié à une dépolitisation générale de la société. En effet, je constate une forme de désert syndical et une absence de culture de lutte collective dans de nombreuses entreprises. Cela nous affaiblit considérablement.
Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte du mouvement des contrôleurs SNCF et de l’émergence de collectifs non-syndiqués ?
La colère est telle que des non syndiqués viennent me parler de leur mobilisation, avant même la distribution de tracts ou d’appels à la grève.
A la SNCF, la colère est si grande que les salariés n’ont pas forcément recours aux syndicats. Ces collectifs non-syndiqués ne m’inquiètent pas outre mesure : en supprimant les délégués de proximité, le gouvernement ne peut récolter que ce genre de conflits.
Dans le département où je travaille actuellement, la colère est telle que des non-syndiqués viennent me parler de leur mobilisation, avant même la distribution de tracts ou d’appels à la grève. Peu importe la forme, notre rôle en tant que syndicaliste est de se mettre au service de la lutte et de la mener jusqu’au bout.
Ces collectifs montrent de toute évidence un affaiblissement de la représentation syndicale. Dans certains cas, c’est aussi l’expression d’une défiance vis-à-vis des syndicats historiques. Cela signifie que nous devons faire nos preuves.