Christophe Plantis (CFTC) : « Le Beauvau de la sécurité a fait des syndicats des forces consultatives »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Secrétaire général de la CFTC police, Christophe Plantis fonde son engagement syndical sur les valeurs humanistes d’entraide.
Attaché notamment aux droits de la défense de ses collègues dans les conseils de discipline, il revient sur son parcours syndical débuté en 2000.
Quel est votre parcours ?
Dans la police, le poids du syndicalisme majoritaire est si important pour l’avancée des carrières que beaucoup adhèrent à deux ou trois syndicats différents
C’est en 1989 que je commence à travailler dans la police nationale.
En 2000, j’ai exercé un mandat syndical chez Alliance en faisant gagner ce syndicat à ses débuts au Commissariat de Villeneuve st Georges (94) et je suis devenu suppléant, pour le volet social, sur Créteil.
J’ai adhéré à la CFTC en 2012.
Je suis officier de police judiciaire depuis 2003. Mon grade est celui de brigadier-chef et je suis en attente d’une nomination au grade de major, difficile à obtenir. Dans la police nationale, il est généralement attribué à ceux qui sont issus des syndicats majoritaires, comme Alliance, car ils siègent en commission. Dans la police, le poids du syndicalisme majoritaire est si important pour l’avancée des carrières que beaucoup adhèrent à deux ou trois syndicats différents. D’autres personnes viennent également adhérer à la CFTC par reconnaissance, parce que nous les avons aidées.
Je suis secrétaire général de la CFTC Police depuis 2021.
Quel est le moteur de votre engagement ?
En 2019, j’ai réalisé que les syndicats majoritaires, dans la police, ne s’occupaient pas suffisamment de la détresse de mes collègues, alors que les cas de suicides et de burn-out augmentaient. Il leur est difficile de faire entendre leur voix auprès de leur chef de service. A cette période, l’ancien secrétaire général de la CFTC Police quittait ses fonctions et j’ai accepté de me présenter aux élections lors du congrès.
Pourquoi avez-vous choisi la CFTC ?
Ce qui m’a motivé pour prendre la tête de la CFTC, ce sont les valeurs du syndicat :
- Le souci de la justice ;
- Les valeurs sociales et humaines ;
- Les valeurs ancestrales chrétiennes de la France, dans le sens où nous tendons la main à ceux qui en ont besoin. Par exemple, nous aidons les personnes bien notées mais qui n’obtiennent pas la reconnaissance qu’ils attendent, un galon par exemple.
En ce sens, les valeurs de la CFTC me correspondent parfaitement.
Quel est l’événement marquant de votre parcours syndical ?
En tant que syndicaliste, il est de mon devoir de défendre les droits de mes collègues mis en cause, en particulier parce qu’ils exercent en flux tendu dans un contexte d’escalade de la violence
L’officier de police judiciaire doit se montrer empathique vis-à-vis des victimes mais il doit également veiller au respect des droits de l’auteur du délit ou du crime, comme le droit au silence, la présence de l’avocat etc.
J’applique ces mêmes principes dans mon activité syndicale. Au conseil de discipline, mon syndicat n’est pas représentatif mais j’y siège parfois en tant que défenseur. J’ai défendu plusieurs collègues en amont, ce qui leur a évité le conseil de discipline. J’estime qu’un policier a le droit à l’erreur. Par exemple, j’ai aidé un de mes collègues qui devait être révoqué. Il était chef de brigade d’une BAC. Il n’était pas adhérent à la CFTC mais à un syndicat majoritaire et il avait tenu un propos raciste envers son collègue à Montbéliard. C’est une parole à laquelle je ne souscris pas, bien entendu. Il a été relaxé au pénal, l’IGPN a demandé un blâme et le conseil de discipline a demandé sa révocation. Le syndicat dont il était adhérent l’a lâché et c’est ainsi qu’il a perdu son statut de policier.
Pour ma part, j’ai plaidé l’erreur manifeste d’appréciation : après m’être longuement entretenu avec lui, j’ai constaté qu’il n’avait pas compris la gravité des faits qui lui étaient reprochés. Finalement, après de longs échanges, il s’est sincèrement excusé. Au tribunal administrateur, le rapporteur a plaidé comme moi, c’est-à-dire l’erreur manifeste d’appréciation. Il est actuellement en voie de réintégration.
En tant que syndicaliste, il est de mon devoir de défendre les droits de mes collègues mis en cause, en particulier parce qu’ils exercent en flux tendu, dans un contexte d’escalade de la violence. Il existe des circonstances atténuantes.
Quels principes appliquez-vous pour mener une négociation ?
Comme la CFTC le préconise, il faut être partenaires du dialogue social. Plus concrètement, il faut aller à la rencontre des gens et échanger. J’ai ainsi rencontré une soixantaine de préfets, de sous-préfets au ministère de l’Intérieur et des directeurs départementaux. Lorsque je me présente avec l’étiquette de la CFTC, l’accueil est généralement bon.
Par ailleurs, pour défendre ses dossiers, il faut bien les préparer en amont, avec la préoccupation constante du bien-être des collègues.
Quels sujets portez-vous actuellement dans vos revendications ?
Nous revendiquons la transparence et l’équité dans les promotions et les mutations, ce qui n’existe pas encore
Nous demandons que le Pacs offre les mêmes droits que le mariage. En effet, un collègue à Verdun s’est suicidé 15 jours avant sa retraite. Il était pacsé avec sa compagne depuis 22 ans, mais il s’était marié depuis un an seulement. Or il faut quatre ans de mariage pour que sa veuve puisse bénéficier de la pension de réversion. Les députés et les sénateurs que j’ai pu rencontrer sont favorables à cette requête, mais rien n’est fait pour le moment.
Ensuite, nous demandons que chaque suicide soit imputable au service de police. Cela permet notamment aux collègues et à leur famille de rembourser les frais d’obsèques et de bénéficier du reliquat de congés payés.
Enfin, nous revendiquons la transparence et l’équité dans les promotions et les mutations, ce qui n’existe pas encore. Cela pourrait se faire au travers d’une communication sur le classement individuel.
Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?
Les syndicats majoritaires sont désormais considérés comme des forces consultatives alors que jusqu’à présent, ils étaient décisionnaires dans les commissions
Je constate une amélioration dans l’exercice du syndicalisme. L’étiquette CFTC ouvre de nombreuses portes et par ailleurs, les délégués sont beaucoup plus consultés qu’avant. Cette amélioration est due, selon moi, aux effets du Beauvau de la sécurité [ndlr : consultation de sept mois lancée en février 2021 par le gouvernement Castex avec les syndicats de police, des élus, magistrats et membres de la société civile].
Les syndicats majoritaires sont désormais considérés comme des forces consultatives alors que jusqu’à présent, ils étaient décisionnaires dans les commissions. Je pense que c’est une bonne chose pour l’équilibre au sein des syndicats de la police.