Dialogue social

Didier Moguelet (CFTC) : « Pour travailler sur la QVCT, le lien de proximité est essentiel »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Conseiller fédéral CFTC Agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, Didier Moguelet aborde son parcours et le moteur de son engagement. De son point de vue, la préservation du lien de proximité avec les salariés constitue la meilleure manière de fonder un dialogue social de qualité, en particulier sur les sujets de QVCT.

Parcours syndical de Didier Moguelet, CFTC Agriculture Auvergne-Rhône-Alpes - © D.R.
Parcours syndical de Didier Moguelet, CFTC Agriculture Auvergne-Rhône-Alpes - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Mes mandats me donnent une vision élargie de la mission syndicale.

En 2013, j’occupais le poste de conseiller commercial chez Groupama Rhône-Alpes Auvergne. Au moment des élections du CE, un collègue m’a proposé de me porter candidat. Pour me donner le temps d’apprendre, j’ai accepté d’être d’abord suppléant. J’ai rapidement pris goût à ce mandat.

En 2016, je suis devenu trésorier du CE, délégué du personnel et membre titulaire de la CHSCT. La même année, je suis devenu aussi délégué syndical et membre du Comité de groupe pour la CFTC. 

En 2019, j’ai été élu président de la CFTC Agriculture Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA). Ce syndicat interprofessionnel regroupe tous les salariés agricoles affiliés à la MSA (Production agricole, entreprises du paysage, Crédit Agricole, Groupama, MSA, ONF…).

Aux élections du CSE, quelques mois après mon élection, la CFTC est passée de 13 % des voix à 26 %, ce qui représente une belle victoire. Je suis également devenu délégué syndical référent à l’issue de ces élections.

La même année, lors du congrès de la CFTC-AGRI à Saint-Malo, je suis devenu conseiller fédéral et développeur territorial.

En janvier 2020, j’ai été élu secrétaire de la CSSCT, juste avant la crise sanitaire de la Covid-19 et le premier confinement. Dans ce contexte, j’ai néanmoins su fédérer une équipe et organiser de nombreuses réunions avec la direction pour permettre à l’entreprise et aux salariés de poursuivre efficacement et en toute sécurité leurs activités.

Les différents dossiers ont été creusés en profondeur. Nous sommes allés au plus près du terrain, avec un dialogue permanent, et un vrai suivi des salariés. Ainsi, grâce à ce travail, les salariés des 12 départements répartis dans 7 sites de gestion et 350 agences ont pu être informés des différentes mesures, quasiment en temps réel.

En 2022, j’ai été élu président de la Commission paritaire régionale emploi (CPRE) de l’Auvergne-Rhône-Alpes et mandaté référent Handicap par la CFTC AGRI. Ces deux mandats supplémentaires me donnent une vision élargie de la mission syndicale et me permettent de comprendre les tenants et les aboutissants sur de nombreux et différents projets sociétaux.

Quel est le moteur de votre engagement ?

Le moteur de mon engagement, c’est une volonté sans faille pour faire avancer les choses. En effet, il serait dommage de nous résigner face à un monde en pleine évolution.

C’est le cas pour les sujets relatifs au télétravail, au handicap, à la RSE ou encore au harcèlement et aux discriminations au travail, par exemple.

Il faut se rendre à la table des négociations avec conviction, humilité et pugnacité. Et surtout être crédible. C’est le travail d’équipe qui permet de porter au mieux des idées innovantes, efficientes et constructives.

Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFTC ?

Le principe de subsidiarité que prône la CFTC me semble essentiel.

Je suis attaché aux valeurs humaines de la CFTC depuis que je suis en âge de travailler. A mon sens, la CFTC promeut la proximité avec les salariés. Cette écoute attentive des personnes sur le terrain permet de comprendre au mieux leurs attentes, leurs motivations et aussi parfois leurs craintes.

Par ailleurs, le principe de subsidiarité que prône la CFTC me semble essentiel. Cela signifie que l’action doit revenir à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action, c’est-à-dire les salariés.

Dans le cadre de mon mandat, je dispose du libre arbitre pour prendre avec mon équipe la température sur le terrain, prendre des décisions en fonction des revendications des salariés et de la réalité économique des entreprises.

Quel est le moment marquant de votre parcours ?

Mon engagement sur le handicap est un véritable coup de cœur.

J’ai eu la chance de connaître de nombreux moments forts. Par exemple mon élection au Conseil fédéral où celle de secrétaire de la CSSCT.

Je vais revenir sur les deux derniers que je viens de connaître à savoir président de la CPRE AuRA et référent Handicap :

  • Avec la CPRE AuRA et l’ANEFA AuRA, nous construisons depuis 3 ans un projet ambitieux, collectif et paritaire qui consiste à rendre attractif, à former et à fidéliser différents profils afin de sécuriser l’économie agricole de demain. Ce projet, intitulé COPAT, concerne les entreprises de la production agricole, du paysage, des EDT et les CUMA. Il rassemble les différents acteurs régionaux sur ces thématiques (DREETS, Région, Pôle Emploi, FNSEA, JA, OS…). Ce travail commun est une fierté.
  • Mon engagement sur le handicap est un véritable coup de cœur.
    • La diversité est une véritable richesse pour le monde de l’entreprise et le fait de sensibiliser les salariés et les dirigeants à ce sujet change de nombreux items et ce, de manière très positive (recrutement, organisation, aménagement…). La société évolue notamment sur le handicap. 
    • C’est un sujet qui touche également la RSE et la QVCT. Avec mon syndicat, j’organise une formation sur la thématique du « Handicap en entreprise » dans un magnifique château cet été dans le Beaujolais. C’est l’occasion d’inviter de nombreux militants et acteurs régionaux reconnus sur ce sujet (AGEFIPH, dirigeants d’entreprise et responsable d’associations) à l’occasion de tables-rondes et d’échanges fructueux.

Quels sont vos sujets actuels de revendication ?

 

Pour travailler sur la QVCT, le lien de proximité est essentiel.

Mes priorités au CSE sont notamment les suivantes :

  • Faire en sorte que la QVT soit une considération centrale dans l’entreprise, avec des mesures pérennes. Avec le recul éventuel de l’âge à la retraite et l’augmentation des risques psycho-sociaux, dues notamment aux incivilités auxquelles mes collègues doivent faire face de plus en plus, ce sujet prend une importance grandissante. Pour travailler sur la QVCT, le lien de proximité est essentiel. Au sein de mon entreprise, un groupe de travail vient d’être constitué (9 personnes dont 2 du CODIR), je serai le représentant des élus du personnel en ma qualité de secrétaire de la CSSCT pour porter ce sujet ;
  • Etre en capacité d’associer les forces et savoir dépasser les différences des organisations syndicales et patronales pour un but commun. C’est ce que je m’efforce de faire par exemple au sein de mon entreprise avec la CSSCT, dans le projet régional COPAT dans le cadre de la CPRE AuRA, et dans mes missions sur le handicap que j’ai mentionné plus tôt ;
  • Changer l’image de l’engagement syndical. On entend parfois que le syndicalisme ne sert à rien mais la vision des salariés change lorsque je leur parle de l’importance du paritarisme, des conventions collectives, le rôle du CSE, des négociations et accords d’entreprise comme sur les salaires, le télétravail, l’intéressement, etc.

De quelle manière menez-vous des négociations ?

Mes principes sont les suivants :

  • Il faut bien maîtriser le sujet de la négociation et se l’approprier ;
  • Echanger avec les salariés pour savoir où on va ;
  • Montrer à l’entreprise son intérêt partagé dans la négociation, qui ne se fait pas à son détriment. C’est un échange « gagnant-gagnant ». Il s’agit donc de trouver un consensus, sans braquer les gens.

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Je conseille d’observer les autres militants dans un premier temps et d’être patient et humble, c’est-à-dire de ne pas promettre des miracles.

Nous agissons dans l’intérêt des salariés, et pour cela, notre rôle est de les écouter, de les accompagner, de repérer ce qui a déjà été proposé et de trouver les solutions à envisager. 

Leurs intérêts sont liés à ceux des entreprises : il faut toujours avoir cette notion en tête pour améliorer les choses ensemble dans une trajectoire qui a du sens.

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Si la CSSCT n’est qu’une chambre d’enregistrement des accidents du travail, elle n’a aucun intérêt.

J’ai bien connu les CHSCT qui ont disparu. La CSSCT est un outil souvent critiqué, mais comme tout outil, il faut savoir s’en emparer. En restant motivé, on peut associer de nombreuses personnes à ce travail passionnant et trouver des solutions ensemble.

En revanche, si la CSSCT n’est qu’une chambre d’enregistrement des accidents du travail, par exemple, elle n’a aucun intérêt. Pour éviter cela, nous avons œuvré tous ensemble à Groupama Rhône-Alpes-Auvergne pour que cette instance vive et soit le reflet d’un véritable dialogue social.

La mise en place des représentants de proximité, la création de groupes de travail paritaires et la démultiplication des réunions extraordinaires de la CSSCT ont contribué à faire avancer les choses dans le bon sens.

Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non-syndiqués ?

Je suis persuadé que le syndicalisme a de l’avenir. En effet, contrairement à ces collectifs, nous disposons :

  • D’une base de militants actifs ;
  • De formations ;
  • D’un cadre juridique.

L’émergence de collectifs non syndiqués me semble liée à une méconnaissance du syndicalisme. Pour lutter contre les clichés liés au syndicalisme, il faut :

  • faire preuve d’une grande pédagogie,
  • expliquer l’utilité d’un CSE par exemple,
  • mettre en évidence toutes les avancées pour les salariés. Cela ne se résume évidemment pas aux œuvres sociales.

Concepts clés et définitions : #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail , #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail