Dialogue social

Guillaume Trichard (UNSA) : « Le travailleur ne laisse pas ses convictions à la porte de l’entreprise »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Secrétaire général adjoint de l’UNSA en charge du secteur juridique national et de la transition écologique et technologique, Guillaume Trichard définit le moteur de son engagement par la lutte contre les injustices. Il revient sur son parcours militant et livre ses réflexions sur l’importance du droit et de la justice sociale.

Interview de Guillaume Trichard, UNSA, sur son parcours syndical - © D.R.
Interview de Guillaume Trichard, UNSA, sur son parcours syndical - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Je suis diplômé de la Business School de l’Institut Mines Telecom (anciennement Institut National des Télécommunications). J’ai commencé ma carrière professionnelle en marketing stratégique chez Alcatel puis Thomson.

  • En 2004, je me suis investi à la délégation unique du personnel (DUP) alors sans étiquette au sein de Thomson Telecom, une filiale du groupe Thomson. Je suis devenu délégué syndical CFE-CGC, secrétaire de la DUP, du CE puis secrétaire adjoint du comité de groupe.
  • Depuis 2008, je suis devenu conseiller prud’homal.
  • En 2009, avec plusieurs de mes collègues, nous avons créé le syndicat autonome des salariés Thomson, affilié à l’UNSA, qui est devenu l’une des premières organisations syndicales du groupe.
  • En 2012, lors d’un fort conflit social lié notamment à la fermeture de l’usine Thomson d’Angers, alors secrétaire du comité de groupe, je suis devenu le porte-parole de l’intersyndicale groupe. Nous nous sommes battus jusqu’au bout pour que l’entreprise soit reprise.
  • En 2013, lors du congrès de la fédération de l’industrie et de la construction de l’UNSA, je suis devenu secrétaire général. J’ai ainsi progressivement quitté le périmètre de l’entreprise Technicolor (anciennement Thomson).
  • La transformation écologique ne peut pas se faire sans justice sociale.

    Depuis 2019, je suis secrétaire général adjoint de l’UNSA en charge du secteur juridique national et du secteur transitions écologique et technologique.

Quel est le moteur de votre engagement ?

La lutte contre les injustices, voilà ce qui fonde mon engagement. Elle est fondamentale à mes yeux.

Le droit est très souvent la porte d’entrée des personnes en difficulté, voire en détresse, que je croise en tant que conseiller prud’homal et syndicaliste.

Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à l’UNSA ?

C’est l’autonomie de l’UNSA qui m’a convaincu de m’engager.

A l’époque chez Thomson, je voulais être soutenu par une structure syndicale interprofessionnelle tout en bénéficiant d’une grande marge de manœuvre et d’une liberté de décision.

Quel est le moment marquant de votre parcours ?

Ce bras de fer a fait le syndicaliste que je suis aujourd’hui.

Il y a eu deux moments marquants dans mon parcours.

  • Le premier date de 2002. Alors que j’étais en charge des études marketing et stratégiques au sein de Thomson Telecom, mon manager m’a annoncé que j’allais être interrogé sur mes prévisions du marché par un cabinet d’expertise comptable mandaté par le CE de notre site de R&D de Rennes. J’ai alors découvert que mon travail avait été utilisé pour justifier un projet de restructuration de l’entreprise. Cela a été un véritable bouleversement pour moi sur le sens de mon travail. C’est ce qui m’a donné envie de m’investir dans le syndicalisme.
  • Le second moment marquant date de 2012 et correspond à la fermeture de l’usine Thomson d’Angers. Il s’agissait d’une décision politique du groupe de fermeture de sa seule filiale française de production. Pour moi, la procédure collective (mise en redressement judiciaire) n’était que l’instrumentalisation du tribunal de commerce. Malheureusement, l’usine a été placée en liquidation judiciaire et l’intégralité des 350 salariés, avec plus de 90 % de femmes, ont été licenciés.

J’avais déjà la fibre syndicale mais ce bras de fer a fait le syndicaliste que je suis aujourd’hui.

Quels sont vos sujets actuels de revendication ?

La transformation écologique ne peut pas se faire sans justice sociale.

Comme le moteur de mon engagement a toujours été la justice sociale, je ne peux répondre sans parler de notre combat contre la réforme des retraites.

En effet, cette réforme est injuste au plan social, injustifiée au plan économique et sera inefficace voire contreproductive au plan financier. C’est pour cette raison que toute l’UNSA est très mobilisée contre cette réforme injuste et punitive. 

Pour le reste, un des dossiers que je porte pour l’UNSA est celui de la transition écologique. Je préfère d’ailleurs le terme de transformation à celui de « transition » écologique, qui me semble dépassé.

Nous n’en sommes plus à parler d’une phase « transitoire ». En effet, il y a urgence à ce que les pouvoirs publics et les entreprises se saisissent de ce sujet et accompagnent financièrement les plans de transformation, qu’il s’agisse des mobilités, de nos mode de consommation, de l’énergie, et évidemment  en matière de formation professionnelle pour accompagner les mutations.

En termes de mobilité, on ne peut pas accepter que seules les personnes les plus aisées aient la capacité de s’offrir des véhicules « propres » par exemple. Cette transformation écologique ne peut pas se faire sans justice sociale.

De quelle manière menez-vous des négociations ?

Il faut écouter ceux qui sont sur le terrain.

Ces sujets étant très techniques, il faut beaucoup lire et travailler. Par exemple, les projets de loi qui concernent l’énergie requiert beaucoup de travail en amont.

Il me semble très important de consulter les salariés impactés au premier chef par ces sujets.

Par exemple, pour la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), il n’est pas suffisant d’écouter ou de lire les « spécialistes ». Il faut aussi écouter ceux qui sont sur le terrain, notamment les salariés qui travaillent dans des centrales nucléaires ou des centres de traitement des déchets.

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Le syndicalisme est une belle aventure humaine qui permet de faire de nombreuses rencontres.

Je suis particulièrement sensible au sujet de la valorisation du parcours professionnel des militants syndicaux, notamment après les ordonnances Travail. C’était d’ailleurs le thème de mon mémoire de Master 2 Gestion RH et Relations du Travail au CIFFOP (Panthéon-Assas).

Valoriser les parcours des représentants du personnel, c’est encourager l’engagement dans les entreprises. Et c’est absolument nécessaire pour la vivacité de la démocratie sociale. 

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Il faut que le syndicalisme apporte des réponses aux jeunes qui ont soif d’engagement.

Il y a de plus en plus de travailleurs qui ont envie de s’engager mais pour des durées courtes. Par exemple pour un seul mandat.

Par ailleurs, il faut que le syndicalisme apporte des réponses aux jeunes qui ont soif d’engagement, notamment pour l’environnement et pour la justice sociale en général. 

Le travailleur ne laisse pas ses convictions à la porte de l’entreprise et le combat pour la justice sociale y a toute sa place. C’est la démocratie sociale.

Enfin les représentants du personnel doivent maîtriser de plus en plus de dossiers très techniques et complexes. Il faut donc les faire monter en compétence. Cela vaut pour les données financières comme pour les données environnementales.

Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non syndiqués ?

La représentation du personnel requiert une connaissance de plus en plus pointue du droit.

Les travailleurs se sont toujours organisés pour se défendre. En France, c’est toute l’histoire du mouvement ouvrier qui a ensuite donné naissance aux syndicats.

Aussi, je crois que les collectifs non syndiqués n’ont pas eu l’opportunité de rencontrer des militants d’une organisation syndicale qui fait écho à leurs revendications et à leur mode d’organisation. En effet, le choix syndical me semble suffisamment large pour que chaque travailleur trouve son espace de revendication.

La représentation du personnel requiert une connaissance de plus en plus pointue du droit et du Code du Travail et par conséquent, les formations juridiques, par exemple dispensées par mon organisation syndicale, sont nécessaires.

A ce jour, les seules organisations capables de répondre à ces besoins de formation et d’accompagnement technique au quotidien sont les organisations syndicales. L’UNSA s’y emploie avec sa plateforme de soutien aux sections syndicales : UNSA Please.