Elsa Régent (UNSA) : « L’individualisme montant a modifié les collectifs de travail »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Secrétaire nationale à l’UNSA, Elsa Régent fonde son engagement syndical sur l’accompagnement juridique des salariés.
Elle revient sur son parcours syndical à l’UNSA, son attachement au cadre légal, au dialogue social et sur la réforme des retraites.
Quel est votre parcours ?
En 1998, l’UNSA était une organisation syndicale principalement rattachée au secteur public qui s’ouvrait à l’interprofessionnel lorsque je suis arrivée. A cette époque, il fallait s’inscrire aux élections prud’homales qui donnaient la représentativité.
J’ai été embauchée à l’UNSA en 2000 en tant que juriste et défenseur syndical pour une union départementale. J’étais également militante de l’éducation populaire en milieu associatif.
De 2004 à 2010, j’étais collaboratrice au conseil régional des Pays-de-la-Loire auprès de Jacques Auxiette, le président du conseil régional. Pendant ces six années, j’étais toujours adhérente et militante à l’UNSA, même si j’avais moins de temps à consacrer à mon engagement.
De 2010 à 2018, j’ai monté mon cabinet de conseil dédié au dialogue social et par ce biais, j’ai régulièrement travaillé avec l’UNSA sur l’accompagnement des sections syndicales sur le terrain.
En 2018, Laurent Escure, l’actuel secrétaire général de l’UNSA, m’a proposé de poursuivre mon activité au sein de l’organisation syndicale. Je suis devenue secrétaire nationale dans l’appui et le conseil aux sections syndicales et jusqu’à présent, en 2023, je coordonne la plateforme de service aux équipes de terrain.
Comment est née votre fibre syndicale ?
Ayant été juriste travaillant dans le droit du travail, je suis attachée à l’importance du cadre légal protecteur des salariés
J’étais déjà engagée pendant mon adolescence. C’est pour cela que j’ai choisi de militer dans le domaine de l’éducation populaire : les sujets relatifs à la pauvreté, la précarité et l’injustice me touchent particulièrement. Par ailleurs, ayant été juriste travaillant dans le droit du travail, je suis attachée à l’importance du cadre légal protecteur des salariés. Ces questions ont toujours imprégné mon engagement et à mon arrivée à l’UNSA, j’ai eu envie de les approfondir.
Le lien de subordination fonde la nécessité de protection des salariés. Le droit syndical s’inscrit dans cette protection et nous avons tendance à l’oublier en France. La défense de ce droit fonde la valeur de mon engagement.
Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à l’UNSA ?
L’UNSA s’intéresse aussi bien aux salariés des grandes entreprises que des TPE et aux salariés les plus précaires, comme ceux des plateformes de livraisons
L’UNSA porte les valeurs du dialogue social. Nous nous intéressons aussi bien aux salariés des grandes entreprises que des TPE et aux salariés les plus précaires, comme ceux des plateformes de livraisons. Le travail prend aujourd’hui différentes formes. L’UNSA est une jeune organisation agile pour s’adapter à ces différents travailleurs.
Quel est le moment marquant de votre parcours ?
Entre 2000 et 2004, au moment où l’UNSA se construisait, nous n’avions pas encore de structure juridique. J’avais 25 ans, j’étais défenseur syndicale et je plaidais aux prud’hommes face à des avocats expérimentés, ce qui m’a fait travailler sur la confiance en moi.
Heureusement, l’UNSA m’a fait confiance pour porter des dossiers que j’ai défendus, ce qui a constitué des moments moteurs dans mon parcours.
Quels sont vos sujets actuels de revendication ?
Cela fait plusieurs années que les salariés n’ont pas de nouveaux droits et qu’au contraire, ils en perdent
Le sujet de la réforme des retraites est très important à nos yeux. Il faut prendre conscience que cela fait plusieurs années que les salariés n’ont pas de nouveaux droits et qu’au contraire, ils en perdent. Les élus aussi ont perdu des droits, notamment avec la création des CSE, par les ordonnances en 2017.
De notre point de vue, le fait de demander à des salariés de travailler plus longtemps ne se justifie pas. Il y a des alternatives à la réforme des retraites, comme le fait de se concentrer sur l’emploi des séniors. Nous ne sommes pas opposés à une réforme mais nous contestons que les efforts soient demandés aux salariés, et non au patronat, ce qui constitue une injustice.
De quelle manière menez-vous des négociations ?
Il faut savoir être ferme et s’opposer par une argumentation et des chiffres et non par une simple posture
Chaque organisation syndicale applique sa propre méthode pour mener des négociations.
Dans une négociation, il faut distinguer plusieurs moments :
- Celui où nous tentons de gagner des droits ;
- Celui où nous tentons de sauver des droits, lorsqu’une décision est déjà prise.
Il faut également savoir être ferme et s’opposer par une argumentation et des chiffres et non par une simple posture.
Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?
Il faut savoir ce qui forge un engagement. Dans la mesure du possible, nous accompagnons et nous aidons les nouveaux militants car nous savons que ce n’est pas toujours facile. En effet, être autonome n’est pas synonyme d’isolement. Être intégré à un groupe est très important pour progresser dans son parcours syndical.
Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?
Les gens ont tendance à se replier sur eux-mêmes, ils sont plus individualistes et il est de plus en plus difficile d’agir sur le rapport de proximité
En raison des crises successives des dernières décennies, les collectifs de travail ont changé de forme. Les gens ont tendance à se replier sur eux-mêmes, ils sont plus individualistes et il est de plus en plus difficile d’agir sur le rapport de proximité. En effet, la réforme de la représentation du personnel a diminué le nombre d’élus et fait disparaître les délégués du personnel qui jouaient ce rôle.
Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte du mouvement des contrôleurs SNCF et de l’émergence de collectifs non syndiqués ?
Nous seuls sommes en capacité de porter le droit des salariés dans le temps
Si ces collectifs se montent, cela signifie qu’ils ont pris une place dont nous ne nous sommes pas saisis. Pour autant, ce sont des collectifs éphémères qui travaillent sur du cas par cas, dans l’affrontement, alors que nous inscrivons nos actions dans la durée.
Nous seuls sommes en capacité de porter le droit des salariés dans le temps et c’est pourquoi je pense que les organisations syndicales ont un avenir à côté des collectifs.