Dialogue social

Djamel Tikouirt (SEP UNSA) : « Il y a des ingrédients pour construire un dialogue social de qualité »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Secrétaire national du Syndicat d’éducation populaire (SEP) UNSA, Djamel Tikouirt se bat pour la reconnaissance du métier d’animateur dans le secteur de l’éducation.  Il revient sur son parcours syndical, sa vision du dialogue social comme un « rapport de confiance » avec l’employeur.

Djamel Tikouirt, secrétaire national SEP UNSA - © D.R.
Djamel Tikouirt, secrétaire national SEP UNSA - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Je suis cadre pédagogique dans un organisme de formation aux Ceméa, une association d’éducation populaire et un mouvement d’éducation nouvelle. Je suis également secrétaire national du Syndicat d’éducation populaire (SEP) UNSA depuis 2021. A ce titre, je suis négociateur de la convention collective Eclat (ex-CCN Animation).

Quand j’étais enfant, j’allais en colonie de vacances et en centre de loisirs.

  • En 2000, j’ai obtenu le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) ;
  • En 2001, je suis devenu animateur ;
  • En 2004, j’ai obtenu le brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) afin de diriger un accueil collectif de mineurs (ACM) et le brevet d’état d’animateur technicien de l’Education Populaire (BEATEP).
  • Après quatre ans dans le secteur du bâtiment, je suis progressivement revenu dans le milieu éducatif ;
  • En 2010, j’ai obtenu le diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (DEJEPS) pour devenir coordinateur de projet ;
  • En 2013, je suis devenu responsable de la formation puis cadre pédagogique en 2017.
  • En 2019, je suis devenu adhérent au SEP UNSA ;
  • En 2020, j’ai obtenu le diplôme d’État Supérieur de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DESJEPS), qui est le plus haut niveau de diplôme existant dans la filière animation ;
  • En 2021, j’ai été élu secrétaire national du SEP UNSA.

Comment est née votre fibre syndicale ?

Je voulais défendre le métier d’animateur qui est l’enfant pauvre de l’éducation. Dans mon engagement syndical, je milite pour une meilleure reconnaissance de ce métier. 

Pourquoi avez-vous choisi l’UNSA ?

Nous nous engageons pour un projet à la fois humaniste et politique d’émancipation, de développement des individus et de transformation sociale

L’éducation populaire pouvant relever à la fois du secteur public et privé, le SEP UNSA est l’un des rares syndicats à regrouper ces deux aspects.

Nous nous engageons pour un projet à la fois humaniste et politique d’émancipation, de développement des individus et de transformation sociale. Pour ce faire, nous essayons d’accompagner l’ensemble des acteurs du champ de l’éducation populaire dans leurs actions et leur émancipation.

En tant que membre de la fédération UNSA Education, je suis l’un des porte-voix des animateurs dans les échanges avec d’autres acteurs du champ de l’éducation (enseignements, directeurs d’établissement, etc.), pour une meilleure reconnaissance du métier et de sa place.

Quels sont les moments marquants de votre parcours ?

Sur ces 10 dernières années de parcours syndical, les moments marquants correspondent à des victoires, par exemple lorsque j’aide un salarié à obtenir la reconnaissance de son travail et une meilleure évolution de carrière. 

Il s’agit également d’aider des salariés en détresse, de contribuer à la construction d’une section syndicale, ou plus simplement, de faire en sorte que le droit du travail soit respecté.

L’autre moment marquant plus récemment, c’est mon entrée au secrétariat national, après une formation avec le SEP. Nous avons un secrétariat national et une collégiale pour diriger le syndicat, mais chaque décision est prise de manière concertée. Il n’y a pas de hiérarchie entre nous, mais un rapport de confiance qui montre l’importance du collectif.

Quels principes appliquez-vous pour mener une négociation ?

Nous sommes conscients que les employeurs sont tributaires des subventions reçues. Le combat est donc à mener auprès des instances politiques

Il existe certains « ingrédients » pour construire un dialogue social de qualité.

Pour cela, il faut que :

  • L’employeur (ou son représentant) ait envie de discuter, ce qui est le cas dans notre branche ;
  • Un rapport de confiance pour avancer, dans le sens où nous connaissons les problématiques de l’employeur. Par exemple, nous savons que des augmentations de salaire entraîneraient la fermeture de certaines structures.
  • Nous sommes conscients que les employeurs sont tributaires des subventions reçues. Le combat est donc à mener auprès des instances politiques, comme les collectivités territoriales, pour nous permettre une valorisation et une pérennité des postes. 

Quels sont les sujets que vous portez actuellement dans vos revendications ?

Les salariés ont souvent une image poussiéreuse du syndicat et une vraie méconnaissance de leurs droits

Nous faisons face à une pénurie d’animateurs [ndlr : entre 2011 et 2020, le nombre de BAFA délivrés n’a fait que diminuer], ce qui oblige certaines structures à réduire leurs capacités d’accueil ou les salaires. Cela n’incite pas à travailler dans ce milieu.

Je milite donc pour un meilleur accès à la formation. Dans ce domaine, les personnes qui y travaillent sont souvent peu qualifiées et un manque de compétences peut poser certains problèmes.

Comme ce secteur n’est pas marchand, les moyens et les salaires sont malheureusement très réduits et les animateurs restent trop souvent une variable d’ajustement dans les politiques RH.

L’enjeu pour les personnes qui travaillent dans le champ de l’animation, c’est d’avoir un métier reconnu, mais aussi de ne pas tomber dans la précarité. En effet, le pouvoir d’achat des salariés est un enjeu fort.

Le SEP UNSA a une plateforme avec des revendications très claires, mais aussi des propositions pour améliorer les situations vécues par ces professionnels. Nous sommes le premier syndicat à avoir appelé à la grève nationale des animateurs du 5 septembre 2016, avec l’intersyndicale de l’animation. Nous sommes ainsi très proches de cette profession sur le terrain, dans les espaces de formation et les collectivités locales.

Nous essayons de changer les mentalités et les représentations car les salariés ont souvent une image poussiéreuse du syndicat et une vraie méconnaissance de leurs droits. Or nous sommes un membre reconnu du champ de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

La règle concernant la limite de trois mandats successifs permet une rotation des élus mais elle fragilise les défenseurs des salariés

Les lois Travail ont considérablement fragilisé les syndicats. En effet, avec la création des CSE, les discussions se font au niveau local et plus forcément national.

Par ailleurs, la règle concernant la limite de trois mandats successifs permet une rotation des élus mais elle fragilise les défenseurs des salariés. En effet, les compétences acquises d’un élu de longue date sont essentielles au dialogue social de qualité.

Un des enjeux de demain est de convaincre les salariés que le syndicalisme sert à les représenter mais aussi à construire un monde plus équitable, plus respectueux et plus égalitaire. Le détricotage des services publics est programmé et il continuera si nous ne nous regroupons pas davantage.

Face à la jungle du libéralisme, il existe d’autres formes de collectifs à penser et à mettre en place rapidement.