Dialogue social

Fabien Renaud (CFE-CGC RATP) : « Administrateur salarié, une position différente des autres mandats »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Administrateur représentant les salariés à la RATP, Fabien Renaud revient sur son parcours syndical à la CFE-CGC, sur sa vision du mandat d’administrateur salarié au conseil d’administration et sur les responsabilités qui lui incombent.

Fabien Renaud, CFE-CGC RATP - © D.R.
Fabien Renaud, CFE-CGC RATP - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Je suis manager de proximité à la RATP et mon engagement syndical a commencé en 2009. J’étais alors représentant syndical.

  • En 2012, j’étais représentant syndical au sein du CDEP (Comité départemental économique et professionnel) ;
  • La même année, j’ai été élu au Comité directeur de la CFE-CGC ;
  • De 2014 à 2018, j’étais élu au CDEP dans lequel j’étais précédemment représentant syndical. J’étais également délégué syndical de département, je me chargeais des sujets de négociation et j’étais ainsi le contact privilégié de la direction ;
  • En 2018, dans la continuité de mes mandats au CDEP, j’ai été élu au CSE, tout en étant au Comité directeur de la CFE-CGC ;
  • La même année, j’ai été désigné représentant des salariés au conseil de discipline de la RATP ;
  • En janvier 2022, j’ai rejoint le conseil d’administration de la RATP Groupe et je suis administrateur salarié. Comme il s’agit d’un mandat exclusif, j’ai dû démissionner de mes autres mandats.

Comment est née votre fibre syndicale ?

J’ai toujours fonctionné dans la recherche du compromis, de la vérité et de l’accompagnement des personnes en difficulté

En tant que manager, je trouvais que je n’étais pas suffisamment informé de la part de la direction et c’est ce qui m’a encouragé à adhérer à la CFE-CGC.

D’autre part, j’ai toujours fonctionné de la même manière, à savoir dans la recherche du compromis, de la vérité et de l’accompagnement des personnes en difficulté, même lorsque je n’étais pas syndiqué. Le syndicalisme m’a ainsi offert cette légitimité dans ma façon d’être.

Quel est le moment le plus marquant de votre parcours ?

Le parcours disciplinaire est particulièrement marquant. Lorsque j’étais au conseil de discipline, j’ai été sollicité par un collègue cadre que j’ai accompagné tout au long de son parcours disciplinaire.

Il avait 35 ans d’ancienneté et était sous le coup d’une révocation. Son affaire a duré plus de deux mois et finalement, nous avons réussi à la garder au sein de l’entreprise, avec un nouveau départ professionnel.

Au regard des efforts et de l’émotion que cette affaire a suscitée, j’étais très satisfait du résultat. C’est également gratifiant de trouver un point de sortie qui puisse satisfaire le salarié et la direction.

Comment s’est passée votre arrivée au conseil d’administration ?

Être administrateur salarié est une position fondamentalement différente des autres mandats syndicaux

J’ai été parfaitement bien accueilli par les neuf autres collègues administrateurs.

Être administrateur salarié est une position fondamentalement différente des autres mandats syndicaux :

  • notre rôle ne se limite pas à la seule défense des salariés,
  • nous devons aussi prendre en compte toutes les autres dimensions de l’entreprise.
  • Et notamment apprécier la pertinence de la politique d’entreprise pour sa pérennité.

A votre avis, quels sont les défis principaux du mandat d’administrateur salarié ?

C’est une gymnastique de l’esprit permettant de concevoir les enjeux de l’entreprise sous plusieurs prismes, en ne perdant pas de vue l’intérêt des salariés

Ce mandat nécessite une gymnastique de l’esprit permettant de concevoir les enjeux de l’entreprise sous plusieurs prismes, en ne perdant pas de vue l’intérêt des salariés. 

Être au conseil d’administration suppose donc une gestion du compromis entre le personnel et la bonne santé de l’entreprise. Cela engendre une montée en compétences sur les aspects de la politique d’entreprise, la gestion financière et l’organisation du groupe.

Mon objectif est de veiller à la redistribution des effets positifs de la politique et de la gestion économique de l’entreprise. Pour ce faire, il faut pouvoir convaincre les autres administrateurs de l’intérêt des salariés.

C’est un exercice intéressant qui demande de revoir son référentiel et d’opérer la défense des salariés d’une manière très différente.

Dans cette « gymnastique de l’esprit », quels sont les principes que vous appliquez pour mener une négociation ?

Les administrateurs salariés disposent d’une formation sur leur rôle et la posture à avoir. Il s’agit de se détacher de ses habitudes de représentant syndical et de négocier en prenant en compte toutes les dimensions du conseil d’administration.

Pour négocier au mieux, il faut :

  • Comprendre où en est la partie adverse pour se positionner ;
  • Identifier les marges de manœuvre ;
  • Avoir des équipes pertinentes et mixtes comprenant des experts ;
  • Se mettre d’accord sur les objectifs.

Quels sont les principaux sujets de négociation actuels ?

  • Tout le cadre social de la RATP va, à court terme, être remis en cause. C’est un sujet d’inquiétude pour l’ensemble des salariés

    Le sujet phare concerne la rémunération et son évolution, notamment pour les encadrants. Les salariés n’ont jamais été autant sollicités et la politique d’entreprise est celle d’une transformation majeure. C’est donc le moment où l’entreprise a le plus besoin de ses salariés, notamment de ses encadrants, qui sont la courroie de transmission des collègues opérateurs. C’est également le moment pour envoyer des signes de reconnaissance aux salariés.

  • Le deuxième sujet le plus important que nous négocions actuellement concerne la transformation de la RATP, dont la nouvelle organisation peut mettre certains collègues en difficulté. Parallèlement à ces restructurations internes, nous avons des changements de structure juridique et d’activité au sein de l’entreprise. En effet, la RATP est en train d’externaliser certaines activités sous forme de filiales.
  • Le troisième sujet concerne la perte en 2025 de plus d’un tiers des effectifs. Leur sortie des effectifs de l’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) aura un impact très négatif sur leur cadre social ainsi que celui des salariés restant à l’EPIC (protection sociale, mutuelle, retraite…). Ainsi, tout le cadre social de la RATP va, à court terme, être remis en cause. C’est un sujet d’inquiétude pour l’ensemble des salariés.

Comment percevez-vous l’évolution des IRP, depuis le début de votre parcours ?

Les ordonnances de 2017 se résument à « faire plus avec moins ». Elles ont complexifié le dialogue social.

En même temps, compte tenu de la transformation majeure qui s’opère à la RATP, les besoins des salariés sont plus nombreux et il est difficile de répondre à toutes les sollicitations.

La fragilité des salariés ne fait que s’accentuer face à la direction.