Dialogue social

Perla Melcherts (CFDT) : « Le syndicalisme, engagement aussi fort qu’un tatouage qui colle à la peau »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Adhérente à la CFDT depuis 2008, Perla Melcherts trouve dans son engagement syndical une manière d’aider les salariés en difficulté et à leur faire connaître leurs droits.
Elle revient sur son parcours syndical du Brésil à la France, sa vision du dialogue social et sur les conséquences des ordonnances de 2017 pour les représentants du personnel.

Perla Melcherts, CFDT - © D.R.
Perla Melcherts, CFDT - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Je suis chef de projet marketing et publicité chez Renault. Avant de travailler chez Renault, j’étais journaliste au Brésil.

En 2008, j’ai intégré la CFDT, grâce à un collègue militant. Je suis originaire du Brésil et le syndicalisme est très différent de celui en France, où les droits des salariés sont fortement encadrés.

En 2014, j’ai fait un burn out, suivi d’un accident du travail et j’ai mis deux ans à me reconstruire. Je suis revenue en 2016 dans l’entreprise au même poste de travail. Le médecin s’opposait à la reprise de ce poste, il estimait qu’il fallait « exfiltrer », si je reprends ses termes, un salarié en burn out. Je suis pourtant restée en tant que représentante syndicale et déléguée du personnel.

En 2019, un collègue qui partait à la retraite m’a proposée de devenir secrétaire de section à l’établissement Renault Siège. Ainsi, je suis devenue la première femme secrétaire élue sur les 23 sections.

Cette absence de femmes dans une équipe décisionnaire ne me semble pas du tout normale : cela signifie qu’elles ne sont pas tout à fait les bienvenues.

Aujourd’hui en 2022, je suis à la commission exécutive du Symetal, le syndicat de la métallurgie  francilien. Je suis élue de la mutuelle Renault et titulaire également pour le deuxième collège au CSE car je viens de passer cadre.

Je suis élue au Comité de groupe européen, mon mandat le plus important.

Comment est née votre fibre syndicale ?

Ce qui m’a vraiment donné envie de m’engager, c’était de pouvoir œuvrer de l’intérieur

J’étais encore étudiante en journalisme et dans ce cadre, je cotisais à un syndicat de journalistes. Comme les recteurs de mon université n’étaient pas élus, nous avons fait grève pour exiger que des élections aient lieu.

Ce qui m’a vraiment donné envie de m’engager, c’était de pouvoir œuvrer de l’intérieur. Même lorsqu’il n’est pas possible de changer les choses, nous les militants sommes sur le terrain, témoignons sur ce qui s’y passe, dans un souci de justice.

Il est nécessaire de s’investir, car même si nous avons un très bon dialogue social chez Renault, les salariés perdent confiance dans l’entreprise quand il s’agit de les aider. Il y a actuellement un plan de ruptures conventionnelles collectives or il y a eu des démissions, ce qui montre un manque de confiance.

Pourquoi avez-vous choisi la CFDT ?

Nous défendons tout le monde, sans distinction : la CFDT est un syndicat non catégoriel

Pour ses valeurs humanistes et parce que nous défendons tout le monde, sans distinction : la CFDT est un syndicat non catégoriel.

C’est d’ailleurs un technicien qui m’a accompagnée lorsque j’ai eu des problèmes et actuellement, j’aide un ami cadre supérieur qui travaille dans une autre entreprise. Il a fait un burn out et a besoin de connaître ses droits. Cette solidarité dépasse les catégories.

Quels sont les moments marquants de votre parcours ?

J’ai finalement réussi à trouver une légitimité et une reconnaissance dans ma mission et je considère cela comme une grande victoire

C’est lorsque j’ai été élue au Comité de groupe européen, car je me sens honorée de représenter la France. C’est ici que nous échangeons sur la qualité de vie au travail à un niveau international, l’un des sujets essentiels.

Par ailleurs, le moment marquant de mon parcours est d’avoir été ignorée par l’un des membres de la direction lorsque je distribuais des tracts, en raison du machisme ambiant et de l’image caricaturale que certaines personnes se font du syndicalisme.

J’ai finalement réussi à trouver une légitimité et une reconnaissance dans ma mission et je considère cela comme une grande victoire.

Quels principes appliquez-vous pour mener une négociation ?

Pour chaque organisation, nos actions sont les suivantes :

  • Établir une liste de sujets prioritaires ;
  • Ensuite, je monte des groupes de travail avec mes équipes, en ciblant les élus qui ont le plus d’appétence pour ces sujets ;
  • Nous définissons ensemble le fil rouge de la négociation, pour savoir ce que nous souhaitons exactement, ce qu’il est possible de concéder ou pas.

Il est intéressant de négocier en intersyndicale, ce qui donne plus de poids aux revendications.

Quels sont les sujets que vous portez actuellement dans vos revendications ?

  • Actuellement, plusieurs déménagements sont en cours et nous demandons un local syndical à la direction, car nous n’en disposerons plus ;
  • L’autre sujet concerne le pouvoir d’achat des salariés ;
  • Enfin, avec la nouvelle convention collective de la métallurgie, les accords sont devenus caducs et nous venons de faire un accord de méthode. Il s’agit donc de renégocier tous les accords. Nous souhaitons redonner le pouvoir aux équipes locales pour que les spécificités locales des salariés soient mieux prises en compte.

Qu’est-ce que vous conseilleriez à une personne sur le point de s’engager dans le syndicalisme ?

Le syndicalisme, c’est une identité

Il faut bien réfléchir à cet investissement qui me semble indélébile, comme un tatouage qui colle à la peau. Ce n’est pas un engagement à prendre à la légère : il faut se sentir prêt à fournir une grande force de travail, à participer activement à l’organisation et à échanger constamment sur le terrain. Le syndicalisme, c’est une identité.

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

La mission relative à la santé et à la sécurité au travail par la CSSCT a été vidée de sa substance. C’est une grande perte pour les salariés

Lorsque j’ai commencé à militer, le cadre légal français me semblait très complexe et les ordonnances de 2017 ont eu le mérite de simplifier l’organisation.

Cependant, j’estime que la mission relative à la santé et à la sécurité au travail par la CSSCT a été vidée de sa substance. C’est une grande perte pour les salariés.

Concernant le fonctionnement du CSE, c’est parfois une instance d’enregistrement des décisions qui ont déjà été prises par la direction.

Heureusement, nous avons signé un accord de dialogue social qui consiste à avoir six commissions de proximité. Cela fonctionne très bien car nous travaillons en synergie avec les directeurs.