Dialogue social

Denis Gravouil (FNSAC-CGT) : « La protection sociale est à placer au cœur des métiers de la culture »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Secrétaire général à la CGT Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC - CGT) depuis 2013, Denis Gravouil considère l’action syndicale comme le meilleur moyen pour améliorer la condition des travailleurs de son secteur, pour moitié des intermittents du spectacle.

Denis Gravouil, Secrétaire général FNSAC - CGT - © D.R.
Denis Gravouil, Secrétaire général FNSAC - CGT - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Les intermittents représentent la moitié de nos adhérents mais la précarité, majoritaire dans le secteur, s’est renforcée lors de la crise sanitaire

Une fois mon bac obtenu, j’ai fait des études de cinéma compte tenu de mon envie de travailler dans ce secteur. J’ai commencé en 1991 en devenant assistant opérateur de prise de vues sur différentes productions. J’étais intermittent du spectacle dans ce métier, à cheval entre la technique et la création artistique.

Je me suis intéressé aux mouvements sociaux et au syndicalisme en particulier, notamment en raison de la question des salaires des assistants opérateurs de prises de vues comme moi. En 1992, le théâtre de l’Odéon était occupé pour protester contre la réforme du régime d’assurance-chômage des intermittents.

En 1993, je me suis syndiqué à la CGT Spectacle à l’âge de 23 ans.

Je suis devenu secrétaire général de mon syndicat en 2000. Le plus gros des chantiers était de couvrir le secteur de conventions collectives étendues. La production cinématographique en était dépourvue, par exemple. Des grèves étaient menées dans le secteur des téléfilms en 1999 pour obtenir des accords sur les salaires. Mais cela a pris beaucoup plus de temps dans la production cinématographique pour signer une convention collective et en obtenir l’extension. J’ai ainsi été formé à la négociation dans un contexte tendu de rapports de force pour l’obtention de conventions collectives.

En 2003, je suis devenu représentant du bureau fédéral qui regroupe plusieurs syndicats du spectacle audiovisuel. Cette année-là, un nouvel accord UNEDIC modifiait les règles pour accéder au régime d’assurance-chômage spécifique aux artistes et aux techniciens du spectacle. Il avait entraîné un vaste mouvement de grève dans le secteur de la culture et l’annulation du Festival d’Avignon.

On m’a proposé de devenir secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle CGT (FNSAC-CGT)) et j’ai été élu lors du congrès d’octobre 2013.

J’ai arrêté les activités de tournage : il était difficile de concilier un mandat de permanent syndical à temps plein et ce travail. J’ai concentré mon action sur les droits sociaux des adhérents, telles que l’assurance chômage, la formation à l’Afdas et la complémentaire santé.

En 2016, j’ai été élu responsable à la direction de la CGT en charge des questions emploi-chômage, un dossier que j’avais déjà bien suivi pour les intermittents du spectacle. Mon mandat a été renouvelé en 2019.

Les intermittents représentent la moitié de nos adhérents mais la précarité, majoritaire dans le secteur, s’est renforcée lors de la crise sanitaire.

Quel est le moteur de votre engagement syndical ?

Les questions relatives à la souffrance au travail et l’égalité professionnelle femmes/hommes sont également au centre de mon engagement

Mon moteur, c’est la défense des salariés, pour préserver le sens qu’ils donnent à leur travail. Il s’agit de gagner des droits sociaux, comme le fait d’améliorer les conditions du congé maternité pour les intermittents et les plus précaires.

La protection sociale est au cœur des revendications des métiers de la culture.

Les questions relatives à la souffrance au travail et l’égalité professionnelle femmes - hommes sont également au centre de mon engagement. Par exemple, les violences sexuelles qui ont défrayé la chronique dans le monde du cinéma, à travers les affaires Polanski et Weinstein, montrent que des femmes, souvent en situation de précarité, se trouvent obligées de se plier à ces agresseurs, en situation de pouvoir exorbitant.

Le rapport de force entre les employeurs et les salariés étant très déséquilibré, la démocratie sociale est essentielle. C’est le service public de la culture qui doit également être mieux défendu : autrement, si nous n’avions que l’action du marché privé, la variété de l’offre en souffrirait.

Pourquoi avoir fait le choix de l’engagement à la CGT ?

Je connaissais le syndicalisme à la FSU par celui de mes parents qui travaillaient dans l’Education nationale, mais je me suis naturellement tourné vers le syndicat qui défendait les salariés de mon secteur d’activité, avec :

  • des revendications et des propositions concrètes, en particulier sur la question des salaires et de la convention collective,
  • le sens du travail que nous faisons.

Cet engagement correspondait tout à fait à mes aspirations.

Quel a été le moment le plus marquant de votre engagement ?

C’était la signature de l’accord sur le régime d’assurance-chômage spécifique aux intermittents en 2016 dans la salle des Accords de Grenelle au ministère du Travail.

Cet accord, longuement négocié, permettait d’importantes avancées : c’était un calcul plus avantageux des droits des intermittents que l’ancien système instauré en 2003.

Quels sont les principes d’une bonne négociation selon vous ?

Notre projet de protection sociale et de sécurité sociale professionnelle est à l’opposé de la politique libérale d’Emmanuel Macron

Il faut toujours arriver en négociation avec des propositions construites, étayées et chiffrées. 

Pour négocier la protection sociale des artistes, techniciens ou des auteurs empêchés de travailler pendant le confinement, par exemple, recourir au rapport de force est aussi un outil important.

Nous avons ainsi occupé des théâtres, pour faire valoir leurs droits et pour demander l’abandon de la réforme de l’assurance-chômage.

Ce sera probablement notre manière de faire pour la bataille contre la réforme des retraites. Plus généralement, notre projet de protection sociale et de sécurité sociale professionnelle est à l’opposé de la politique libérale d’Emmanuel Macron. 

Quelles revendications portez-vous actuellement ?

Sur le champ culturel, nous interrogeons les candidats à la présidentielle, sauf ceux de l’extrême droite, que nous combattons. Nous avons donc écrit aux candidats pour connaître leur programme sur nos métiers. Il est nécessaire que les travailleurs, notamment précaires du spectacle mais aussi des autres secteurs, aient leurs droits sociaux garantis. C’est le combat que mène la CGT, toutes branches confondues.

Les questions relatives à l’égalité femmes - hommes prennent également de plus en plus d’importance dans notre activité syndicale, ce qui est positif.

Par ailleurs, l’une des préoccupations majeures est celle de la transition écologique. Le secteur du spectacle requiert souvent de nombreux déplacements et nous souhaitons articuler notre activité dans le sens de la réduction des émissions de carbone.

Comment percevez-vous l’évolution des IRP, avec les ordonnances de 2017 ?

On a retiré des moyens importants aux IRP qui protégeait pourtant les salariés

Le secteur syndical dans lequel je suis engagé se compose à 97 % de TPE. Cela signifie qu’elles sont rarement dotées d’instances représentatives du personnel (IRP).

Evidemment, il y a également des plus grosses entreprises et la disparition des CHSCT y est souvent déplorée. On a retiré des moyens importants aux IRP qui protégeaient pourtant les salariés.

Pour des contrats courts, nous pensons qu’il faut mutualiser les moyens de la protection sociale, ce qui n’est pas encore le cas pour les salariés du spectacle.