Dialogue social

« Pour une transition juste, il faut consulter et convaincre les salariés » Philippe Martinez, CGT

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

La transition environnementale va tendre vers une remise en cause des conditions de vie et de travail. Comment articuler au mieux les enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels les entreprises et les salariés sont confrontés ?
C’était l’objet de la 3e édition des « Débats d’aujourd’hui, Transformations de demain » consacrée aux enjeux économiques et sociaux de la transition écologique et organisée par le Groupe Alpha le 15 septembre 2022.

3e édition des « Débats d’aujourd’hui, Transformations de demain » - © D.R.
3e édition des « Débats d’aujourd’hui, Transformations de demain » - © D.R.

« Le changement de modèle économique imposé par la transition écologique ne sera pas sans incidence sur notre industrie et sur nos emplois et nous devons anticiper les transformations profondes à venir. L’avenir est à la formation et aux reconversions professionnelles, à l’économie circulaire, au recyclage des matériaux et au reconditionnement », a déclaré en préambule Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique.

La transition écologique passe par le dialogue social

Il est essentiel qu’un dialogue entre salariés et directions s’instaure

Les décisions doivent se prendre autrement, que ce soit au niveau public ou au niveau des entreprises. Il est par exemple essentiel qu’un dialogue entre salariés et directions s’instaure dans les entreprises particulièrement concernées par la transition environnementale. C’est nécessaire pour informer chacun sur les changements opérationnels qui interviendront dans les entreprises, les établissements et pour les salariés durant les prochaines années », analyse Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha. 

En effet, « les Gilets jaunes sont descendus dans la rue pour des problèmes de prix de l’énergie. Ils n’en sont pas moins désireux de protéger la planète. Si les politiques ne prennent pas conscience que cette transition doit être juste pour réussir, nous allons au-devant d’une catastrophe. La transition écologique représente une formidable opportunité pour changer de modèle social ».

Des moyens nécessaires à la reconversion professionnelle des salariés

Il nous faut mobiliser d’importants moyens en termes de reconversion et de formation, ce qui pourra créer chez les constructeurs des problématiques de moindre rentabilité

« La transition écologique détruira aussi des emplois, c’est une réalité sociale que nous ne devons pas cacher. Mais des créations d’emploi se feront parallèlement dans la rénovation thermique des bâtiments et les énergies renouvelables. Les dispositifs de transition sont aujourd’hui insuffisants et devront monter en puissance pour permettre la pérennité des entreprises, des emplois et de l’activité économique des territoires », signale Eva Sas, Députée Europe Écologie - Les Verts (EELV) de la 8ème circonscription de Paris.

Des opportunités s’ouvriront donc aux salariés dans le cadre de la transition. « Je pense par exemple aux manutentionnaires, aux personnels  au sol de l’industrie aéronautique. Ces salariés sont preneurs de possibilité d’évolution dans des secteurs aux conditions de travail moins difficiles. Il nous faut être en capacité d’assurer ces transitions », estime-t-elle.

« Il nous faut donc mobiliser d’importants moyens en termes de reconversion et de formation, ce qui pourra créer chez les constructeurs des problématiques de moindre rentabilité », indique Pierre Ferracci. « La transition écologique coûtera très cher ne pourra se faire sans l’adhésion du corps social ».

Redonner la parole et consulter les salariés

Les décisions qui sont aujourd’hui prises dans le cadre de la question environnementale se font sans consulter les salariés

Pour une transition écologique plus juste, « il faut redonner la parole aux salariés sur la façon de faire leur travail », estime Philippe Martinez, Secrétaire général de la CGT.

« De plus en plus de salariés, quelle que soit leur activité, ne savent plus à quoi sert leur travail. Redonner du sens au travail est un vrai sujet ».

« Pour avoir une transition juste, il faut convaincre, or les décisions qui sont aujourd’hui prises dans le cadre de la question environnementale se font sans consulter les salariés. C’est la raison pour laquelle un grand nombre d’entre eux ne perçoivent pas la transition comme un facteur de justice. On nous impose des décisions venues d’en haut, c’est-à-dire des directions et du gouvernement, et on demande ensuite aux syndicats de les faire accepter. C’est une méthode qui n’est pas comprise ».

Pour susciter l’adhésion des salariés, « les décisions doivent être partagées et discutées avec toutes les parties prenantes. L’urgence sociale et l’urgence climatique vont de pair car nous ne pourrons pas sauver la planète en menaçant les emplois des citoyens. Des expériences montrent que l’expertise des salariés est indispensable aux entreprises pour anticiper les changements, pour réaliser les investissements nécessaires, et pour lancer les formations qui permettront d’adapter nos emplois à la transition écologique. »