Guide CFE-CGC : comment négocier l’égalité professionnelle femmes - hommes ?
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Afin d’améliorer la négociation collective en entreprise, le guide de la CFE-CGC, paru le 8 mars 2023, propose des pistes pour appuyer les revendications sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le point sur la méthodologie en dix volets.
Pour mettre fin aux inégalités entre les femmes et les hommes dans le cadre du dialogue social en entreprise, il est nécessaire de s’inscrire dans une approche méthodologique structurée, suivant les 10 volets suivants selon le guide CFE-CGC.
Lier l’embauche et l’égalité professionnelle
Aborder l’égalité professionnelle au moment de la négociation d’un accord qui porte sur l’embauche (un accord GPEC par exemple) permet de s’interroger sur la mixité de certains métiers de l’entreprise.
« Pour certains postes, les difficultés de recrutement sont fortes, et face à cette raréfaction des talents, il est pertinent de se tourner vers les candidats potentiels ou de susciter des vocations du sexe sous-représenté pour élargir le vivier de candidats », peut-on lire dans le guide.
Le CSE est ainsi informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d’aide au recrutement des candidats à un emploi, ainsi que sur toute modification de celles-ci.
« Cette information peut être utile aux négociateurs pour faire évoluer les processus de recrutement susceptibles de générer des discriminations, en portant une attention particulière sur les algorithmes de recrutement et le recours à l’intelligence artificielle », précise le guide.
Associer la formation à l’égalité professionnelle
Lors d’une négociation sur la formation, le sujet de l’égalité professionnelle doit être abordé. En effet, il faut « lever les contraintes liées au temps et aux modalités de formation en regard de son impact sur la vie familiale ».
Plusieurs constats statistiques sont relevés par la CFE-CGC :
- Les femmes peu diplômées suivent moins de formations professionnelles que les hommes. À noter que dans une classe d’âge, les femmes sont en général plus diplômées que les hommes. Ce constat est plus fort dans les jeunes générations ;
- Des enfants à charge constituent un frein à la formation pour les femmes, et ce, bien davantage que pour les hommes ;
- Les salariés à temps partiel suivent moins de formation que les autres, or en proportion, il y a davantage de femmes que d’hommes, concernées par ces contrats.
« À caractéristiques individuelles, familiales et professionnelles identiques, le fait que les femmes se forment moins que les hommes se confirme. Par conséquent, négocier sur le sujet permet de corriger ces inégalités. »
Nouer la promotion et l’égalité professionnelle
Les accords sur la gestion de carrière et les promotions professionnelles représentent une occasion d’aborder l’égalité professionnelle.
Cette nécessité se justifie notamment par l’index sur l’égalité professionnelle, qui prévoit la mesure de l’écart de répartition des promotions dans les entreprises d’au moins 250 salariés.
« Négocier une politique de promotion permet de pallier certaines inégalités professionnelles », est-il souligné dans le guide.
Aborder le thème de la qualification/classification sous l’angle de l’égalité professionnelle
« Les sujets de classification et de qualification font peu l’objet d’accord collectif en entreprise. Pourtant, les entreprises sont chargées de mettre en œuvre les accords de branche sur le sujet, notamment en les adaptant par le biais de négociations », constate la CFE-CGC à travers son guide.
Au niveau de la branche, au moins 1 fois tous les 5 ans, une négociation porte sur la révision des classifications, en prenant en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois.
L’entreprise peut également mettre en place sa propre grille de classification. « Elle devra alors veiller à présenter des garanties au moins équivalentes à celle prévue au niveau de la branche », précise le guide.
« A travers l’analyse de la classification, la négociation d’entreprise permet de rendre visible une sous-évaluation des emplois à prédominance féminine en comparaison des emplois à prédominance masculine, de pallier ces inégalités. La négociation peut ainsi permettre une réévaluation des emplois à prédominance féminine. »
Examiner les conditions de travail, sécurité, santé au travail et égalité professionnelle
Les femmes et les hommes sont exposés différemment aux conditions de travail pénibles et aux risques psychosociaux. La négociation collective permet d’adapter les conditions de travail, la sécurité et la santé au travail en fonction du sexe.
« Ces différences sont dues :
- à la prédominance d’un des deux sexes dans certaines professions ou fonctions ;
- à une affectation des femmes et des hommes à des tâches différentes au sein d’une même profession.
- Les hommes sont plus exposés aux sollicitations physiques. Ils sont davantage présents dans les métiers les plus soumis à la pénibilité physique.
- Les femmes sont plus exposées aux risques psychosociaux. Elles exercent plus souvent des métiers de service, exposant à des contraintes d’organisation du temps de travail, à des exigences émotionnelles ou encore à une faible latitude décisionnelle », selon le guide.
Lier la rémunération effective et l’égalité professionnelle
Les écarts de rémunération sont encore prégnants dans les entreprises : en 2019, les femmes touchent un salaire 22 % moins élevé que celui des hommes.
Ces inégalités qui persistent tout au long du parcours professionnel participent aussi au creusement des écarts de pension de retraite entre les femmes et les hommes.
« La rémunération ne se limite pas au salaire. Elle englobe les primes, les éléments statuaires (smartphone, voiture de fonction…), l’intéressement, la participation, etc. La négociation salariale sert de base pour définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération », peut-on lire en guise d’énumérations dans le guide.
« Il est ainsi essentiel de tirer profit des discussions sur la politique salariale de l’entreprise pour veiller à l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »
Articuler l’activité de travail, la vie personnelle et familiale et l’égalité professionnelle
L’équilibre temps de travail et temps personnel représente un enjeu d’égalité.
Les charges domestiques (ménage, courses…) et familiales (soin des enfants et personnes à charge) restent encore principalement assumées par les femmes, ce qui a des incidences sur la vie professionnelle.
« Ces obligations incontournables peuvent s’avérer difficilement conciliables avec des impératifs professionnels et contraindre les femmes au temps partiel », constatent les auteurs du guide.
« La négociation sur l’articulation de la vie professionnelle et personnelle est ainsi un aspect central de l’égalité professionnelle. »
Lutter contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes
C’est un enjeu fondamental de la sécurité au travail. Elle est une composante de l’obligation de sécurité de l’employeur.
Les représentants du personnel sont étroitement associés à la question, les droits d’alertes dont ils disposent permettent d’informer l’employeur d’une telle situation.
En outre, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le CSE parmi ses membres.
Dans toute entreprise employant au moins 250 salariés est désigné un référent (côté direction) qui est également chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
« La négociation collective sur le sujet permet d’acter un processus clair en la matière, en associant les représentants du personnel et en s’assurant d’avoir des moyens rapides et adaptés à la situation de l’entreprise. »
Aborder le télétravail sous le prisme de l’égalité professionnelle
C’est souligné dans le guide : « le télétravail exacerbe certaines inégalités liées au sexe. cela a été mis en évidence par l’enquête faite en 2021 par la CFE-CGC auprès de 4 000 salariés ».
La différence de traitement est évidente selon le syndicat.
- « Malgré un nombre plus élevé de demande de télétravail, les femmes se voient plus fréquemment refuser cette possibilité. Elles bénéficient moins souvent que les hommes d’un espace de travail et d’un équipement adapté à leur domicile.
- En outre, le télétravail conduit à une plus grande porosité des temps de vie professionnelle et personnelle qui conduit les femmes à travailler davantage à des heures décalées. »
Ces déséquilibres ont été amplifiés au cours de la continuité d’activité à domicile durant les périodes de confinement.
« Ces inégalités témoignent de l’intérêt de lier la thématique du télétravail et de l’égalité professionnelle », selon le guide.
Lier le temps de travail et l’égalité professionnelle
Le temps de travail des femmes est très différent du temps des hommes. En effet, « le temps partiel concerne plus d'1 femme sur 4 contre moins d'1 homme sur 10. »
Dans le guide, un argumentaire est déroulée :
- « Les femmes ont également moins la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires pour des raisons de conciliation de vie personnelle et de vie professionnelle.
- Elles sont moins concernées par le travail de nuit, cependant elles travaillent davantage en week-end que les hommes.
- Ainsi, toute négociation sur l’organisation du temps de travail en entreprise peut avoir des incidences différentes pour les salariés selon les sexes. »
Pour ces raisons, il est « primordial de prendre en compte les conséquences sur l’égalité professionnelle lors de la négociation de tels accords. Cette négociation est d’autant plus importante que le temps de travail a des conséquences sur la rémunération, l’avancement de carrière et ensuite la retraite (niveau de pension et âge de départ). »