Baromètre Syndex-Ifop : l’état du dialogue social en 2023
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Dans un contexte social tendu avec la réforme des retraites et dans une période de profonde transformation du monde du travail, cette cinquième édition du Baromètre Syndex-Ifop dresse un état des lieux du dialogue social. Il a été présenté lors d’une conférence de presse le 30 janvier 2023 à Paris.
Qualité du dialogue social : un écart de perception
Le baromètre sur l’état du dialogue social révèle un écart de perception sur la qualité du dialogue social significatif entre :
- Les représentants du personnel et les salariés qui la jugent moyenne ;
- Les dirigeants qui se déclarent plutôt satisfaits.
L’écart est également notable sur la définition d’un bon dialogue social. En effet, pour les représentants du personnel, les éléments suivants sont constitutifs d’un bon dialogue social :
- La proximité ;
- La prise en compte des avis. Le renforcement du poids des avis du CSE est une priorité pour 82 % des élus, contre 21 % pour les directions ;
- Le respect de la législation pour les directions.
« Le dialogue social est le reflet des mutations en cours. Le CSE souffre de fragilités liées aux ordonnances mais également aux transformations économiques et du monde du travail », selon Claire Morel, membre du comité de direction de la Scop Syndex
« Il y a une urgence dans ce contexte à obtenir une meilleure prise en compte des avis du CSE et à redonner plus de moyens aux représentants du personnel . »
Un regain d’optimisme et de motivation
Si les résultats du baromètre montrent que l’état d’esprit reste plutôt négatif pour les représentants du personnel, on observe toutefois un regain d’optimisme et de motivation. Et ce, pour la première fois depuis 5 ans.
Dans le détail :
- 86 % des représentants du personnel affichent un état d’esprit négatif ;
- Ils se disent fatigués à 60 % ;
- Inquiets à 50 % ;
- Déçus à 42 % ;
- En colère à 32 % ;
- Déterminés pour près de 40 %.
Néanmoins, ils affichent plus d’optimisme (+5 points) et de motivation (+5 points) par rapport à 2022.
Les représentants du personnel continuent aussi de souligner les difficultés du CSE, parmi lesquelles :
- Un affaiblissement du poids des représentants du personnel face à la direction dans la nouvelle structure ;
- Un accroissement de l’investissement temps nécessaire pour les élus ;
- Un ordre du jour des réunions trop chargé où les sujets ne sont pas traités à fond.
Ils sont ainsi 77 % à vouloir renégocier leurs moyens.
Recrutement difficile de nouveaux élus malgré la confiance vis-à-vis des CSE
Deux tiers des salariés déclarent avoir une bonne image de leur CSE, un score stable depuis deux ans et une grande majorité d’entre eux ont l’intention de voter.
Pourtant, la très grande majorité des représentants du personnel peine à recruter de nouveaux élus.
Les salariés ont confiance en leur CSE.
- Ils sont 73 % à déclarer connaître au moins un membre du CSE de leur entreprise
- 83 % à vouloir voter aux prochaines élections professionnelles.
- Pourtant, la quasi-totalité des représentants du personnel, soit 93 %, rencontrent des difficultés à recruter de nouveaux élus.
Si les élus veulent majoritairement continuer à s’investir, la relève s’annonce difficile à préparer.
En effet, 1 élu sur 4 n’a pas l’intention de se représenter aux prochaines élections des représentants du personnel dans son entreprise, principalement pour les raisons suivantes :
- Le temps nécessité par la fonction (43 %) ;
- Le départ à la retraite (37 %) ;
- Le manque de considération des représentants du personnel par la direction (32 %).
Nicolas Weinstein, membre du comité de direction de la Scop Syndex, soulignent les points de crispation.
- « L’étude montre que 59 % des représentants du personnel interrogés jugent de mauvaise qualité la confiance entre les participants au dialogue social dans leur entreprise. Dans ce contexte, il apparait compliqué de créer un dialogue social constructif et équilibré. »
- « Le manque de candidats pour assurer la relève pourrait faire pencher la balance du dialogue social encore davantage en faveur des directions, laissant peu de place à la défense organisée des intérêts des salariés. »
La communication, un enjeu majeur
Comme observé lors la crise sanitaire Covid-19, le manque de temps et de moyens fragilisent la relation entre CSE et salariés.
Ainsi, la communication est devenue un enjeu majeur pour les représentants du personnel, révèle le baromètre.
En effet, le contexte de la crise sanitaire a bousculé le dialogue social pour 61 % des élus. Avec le déploiement du télétravail, ils doivent réussir à garder le lien avec les salariés de l’entreprise.
La proximité avec les salariés est citée par 70 % des représentants du personnel comme un des éléments contribuant fortement au dialogue social.
L’impact du télétravail
Ils sont 75 % des élus interrogés à révéler qu’un accord télétravail a été mis en place par leur entreprise.
- Pour la moitié d’entre eux, le télétravail a un impact positif sur la productivité.
- Ils sont néanmoins 50 % à évaluer un impact négatif sur la solidarité et les échanges entre collègues.
Plus nombreux dans les entreprises ne pratiquant pas le télétravail, les employés et les ouvriers ont une appréciation plus mesurée : ils sont respectivement 44 % et 35 % à se dire satisfaits de la politique de leur entreprise en la matière.
Des difficultés de recrutement peu évoquées avec le CSE
Le baromètre révèle que 80 % des dirigeants affirment rencontrer des difficultés de recrutement.
Dans le détail, ils sont notamment :
- 30 % à aborder ces difficultés avec le CSE et à discuter de solutions concrètes pour les résoudre ;
- 16 % à les aborder mais sans aucune solution concrète.
Les élus interrogés témoignent d’aspirations professionnelles nouvelles de la part des salariés, notamment :
- Une moindre acceptabilité des contraintes horaires ;
- Des projets de carrières moins linéaires.
Le pouvoir d’achat, un sujet prioritaire pour les élus
Si 81 % des RP placent le pouvoir d’achat et les rémunérations parmi les sujets prioritaires du CSE, les directions ne sont que 45 % à identifier ce sujet comme prioritaire pour le CSE.
Les élus et les salariés anticipent respectivement des augmentations moyennes de 4,2 % et 3,4 %. Soit moins que les hausses envisagées par les directions et le niveau d’inflation prévu en 2023.
Soulignons que les augmentations accordées en 2022, en moyenne de 3,6 % selon les directions, étaient déjà inférieures à l’inflation (+5,2 % en 2022 selon l’Insee).
Ainsi, les élus sont 55 % à anticiper des négociations en 2023 moins favorables qu’en 2022.
Prérogatives environnementales : peu de saisies par les élus
- 74 % des élus estiment que les CSE ne se sont pas encore saisis des nouvelles prérogatives environnementales ;
- 56 % priorisent d’autres sujets.
Pour la moitié des élus,
- c’est un sujet qui requiert une expertise particulière,
- aucune formation n’a eu lieu dans l’entreprise.
Ils voient dans les prérogatives environnementales :
- Une opportunité pour le dialogue social ;
- Du travail supplémentaire ;
- Une nouvelle expertise à acquérir.
Les élus sont 26 % à se sentir bien ou très bien informés sur le sujet, un niveau en hausse de 10 points en un an.