Dialogue social

Réforme assurance chômage : opposition des organisations syndicales

Le | Syndicats

Les règles de contracyclicité du système d’assurance chômage ont été présentées par Olivier Dussopt, ministre du Travail, le 21 novembre 2022. Jugées injustes et inefficaces pour l’objectif du retour à l’emploi, les organisations syndicales FO, CFE-CGC, CGT, CFDT, CFTC ont vite exprimé leur opposition à cette réforme.

Réforme assurance chômage : opposition des organisations syndicales  - © D.R.
Réforme assurance chômage : opposition des organisations syndicales - © D.R.

La réforme

Les règles de contracyclicité du système d’assurance chômage sont les suivantes :

  • Réduction de 25 % de la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi en période dite favorable, c’est-à-dire avec un taux de chômage inférieur à 9 % (au sens du BIT), pour tous les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi à partir du 1er février 2023 ;
  • Retour aux règles actuelles de calcul de la durée d’indemnisation en cas de retour à une situation dite défavorable : retour à un chômage supérieur à 9 % ou augmentation du taux de chômage supérieure à 0,8 point sur un trimestre ;
  • Complément de fin de droits, c’est-à-dire réactivation de la période de 25 % de minoration des droits initiaux, si deux conditions cumulatives sont remplies :
    • le demandeur d’emploi arrive en fin de période d’indemnisation,
    • la situation du marché du travail se dégrade (passage au-dessus des 9 % de chômage au sens du BIT ou augmentation du taux de chômage supérieure à 0,8 point sur un trimestre).

« Nous espérons de cette réforme qu’elle accélérera le retour à l’emploi dès les premiers temps d’inscription à Pôle emploi, période pendant laquelle la probabilité de retrouver un emploi est la plus forte. Les éléments dont nous disposons nous permettent d’espérer que la réforme permettra le retour à l’emploi de 100 à 150 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en 2023 », a souligné Olivier Dussopt.

Opposition de toutes les organisations syndicales

Les organisations syndicales n’ont pas tardé à exprimer leur opposition : « face à l’opposition unanime de toutes les confédérations syndicales, le gouvernement persiste et signe », a déclaré la CGT dans un communiqué du 22 novembre 2022.

« En fixant à 9 %, contre 7,3 actuellement, le taux de chômage pour annuler la baisse de la durée des droits, il n’y a aucune chance, sauf immense krach boursier, que les droits soient rétablis en 2023. Puisque nous sommes en période soi-disant verte, un coefficient de 0,75 va être appliqué et réduire ainsi la durée maximale d’indemnisation de 25 %. La personne qui retrouve rapidement un emploi quelques mois après son licenciement ou sa fin de CDD ne sera pas pénalisée mais celles et ceux qui n’auront pas pu retrouver du travail verront la fin de droit se rapprocher dangereusement ».

Une inquiétude partagée par la CFTC. « Si le marché du travail est dynamique, avec un taux de chômage à 7,3 %, les conditions d’indemnisation seront durcies avec le passage de cette réforme. À partir du 1er février 2023, pour les entrants au chômage, un coefficient de réduction sera appliqué si la conjoncture reste similaire à celle d’aujourd’hui », a signalé Éric Courpotin, secrétaire confédéral de la CFTC sur Europe 1 le 21 novembre 2022.

Pour Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force Ouvrière, en charge de l’emploi et des retraites, la réforme de l’assurance chômage constitue « une rupture de contrat social de notre pays. La précédente ministre du Travail (Élisabeth Borne), qui est aujourd’hui Première ministre, s’était engagée devant le Conseil d’État, à ne pas baisser le capital de droits. Par ce texte, le Gouvernement revient sur ce principe ».

La réforme n’aidera pas « au retour à l’emploi » 

Pour les organisations syndicales, la réforme de l’assurance chômage n’aidera pas au retour à l’emploi. En effet, pour Éric Courpotin, « la réforme vise à réduire les droits d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Elle n’est en aucun cas une réforme incitative au retour à l’emploi parce qu’elle ne touche pas l’intégralité des demandeurs d’emploi. Ces derniers récupéreront leur complément de droit que si le marché du travail se dégrade. Notons que le complément de droit ne sera pas automatique. »

La CFDT partage cette analyse : une baisse des droits des demandeurs d’emploi n’améliorera pas leur entrée sur le marché du travail.

« Les difficultés de recrutement viennent d’abord d’un déficit de compétences liées aux besoins des entreprises mais aussi des conditions de travail proposées », précise Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT. « Le Gouvernement choisit aujourd’hui de réduire de 25 % la durée d’indemnisation pour tous les travailleurs et travailleuses en fin d’indemnisation et nouvellement inscrits à Pôle emploi à compter du 01 février 2023 alors que le nombre de contrats de moins d’un jour dépasse pourtant largement le niveau d’avant crise sanitaire. »

La Commission exécutive confédérale FO, réunie le 24 novembre 2022, qui a condamné « avec la plus grande fermeté le projet de réduction drastique des droits des demandeurs d’emploi présenté par le ministre du Travail », estime que « ce n’est pas en réduisant la durée des droits et en appauvrissant les demandeurs d’emploi, qu’on résoudra la problématique de pénurie de main d’œuvre mais bel et bien en améliorant significativement les conditions de travail des salariés, en augmentant les salaires, ainsi qu’en levant les freins périphériques à l’emploi (logement, transport, garde d’enfants…) ». 

« Une volonté forcenée de baisse drastique des droits des chômeurs » 

« En clair, outre la baisse des durées maximales qui vont passer respectivement de 24 à 18, de 30 à 22,5 et de 36 à 27 mois, cela touchera tous les nouveaux demandeurs d’emploi, avec toutefois un plancher d’indemnisation à 6 mois », signale Jean-François Foucard, secrétaire national de la CFE-CGC, en charge des parcours professionnels, emploi, formation. « Par exemple, si vous aviez aujourd’hui une indemnité de 12 mois, elle passera à 9 mois et si elle était de 7 mois, elle passera à 6 mois. Pour obtenir la même durée de couverture qu’aujourd’hui, il faudra que le chômage repasse au-dessus de 9 % ou baisse de 0,8 point sur un trimestre.

Nous cherchons encore l’amélioration promise, le fameux “mieux protéger” .

Le ministre a déjà indiqué qu’il verrait bien pour la nouvelle convention 2024, trois valeurs dont une encore moins protectrice (pardon plus incitative) avec un coefficient réducteur plus important. Nous aurions “favorable” , “normal” , “dégradé” . Ainsi, les mesures prises sous un discours de pseudo rationalité incitative au retour à l’emploi cachent en fait une volonté forcenée de baisse drastique des droits des chômeurs afin de faire des économies (plus de 4 milliards d’euros selon l’Unedic) sur le dos des plus vulnérables. Elles se résument à trois chiffres mais aucune étude d’impact n’est fournie alors que c’est une réforme majeure de l’assurance chômage qui la transforme un peu plus en une indemnisation de solidarité.

Les chances d’aboutir en 2023 à un accord paritaire de convention d’assurance chômage avec cette philosophie imposée et déclinée unilatéralement par l’État en 2018, en 2019 et durcie aujourd’hui, semblent totalement illusoires.

D’autant plus que le Gouvernement a des ambitions de baisse encore plus importantes pour la nouvelle convention applicable en 2024. On va tout droit vers l’étatisation de l’assurance chômage et son introduction dans la grande protection sociale, avec au passage la transformation philosophique du système assurantiel en indemnisation de solidarité, à la main des politiques publiques », analyse Jean-François Foucard.

Une mesure « totalement favorable au patronat » mais défavorable aux seniors

« Le gouvernement ne se cache pas d’aider le patronat à recruter dans des conditions de plus en plus précaires, et le MEDEF et la CPME applaudissent la réforme », souligne le communiqué de la CGT du 22 novembre 2022.

« La contracyclicité est une mesure inacceptable totalement favorable au patronat », affirme ainsi Denis Gravouil, responsable CGT des questions chômage.

Michel Beaugas rappelle que « 144 milliards à 157 milliards euros d’aides ont été alloués aux entreprises, sans aucune autre contrepartie. Cela représente pratiquement 9 % du PIB. Ainsi, le Gouvernement réalise des économies sur l’assurance chômage, soit entre 3,5 Md€ et 4 Md€ par an sur le dos des plus précaires, des gens qui n’ont pas d’emploi dans ce pays. C’est un scandale. »

Les organisations syndicales estiment que ce sont les seniors qui « payeront le plus cher cette réforme ». En effet, « certaines populations de travailleurs, comme les seniors, risquent d’être particulièrement exposées. Pour les personnes de 55 ans ou plus, la durée d’indemnisation passera de 36 à 27 mois et certains finiront au RSA », a indiqué Éric Courpotin, sur Europe 1 le 21 novembre 2022.