Dialogue social

Stéphane Crochet (SE-UNSA) : « Le syndicalisme, un espace de dialogue sur le sens de notre métier »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Secrétaire général du SE-UNSA depuis 2017, Stéphane Crochet trouve dans l’engagement syndical une manière de donner du sens aux enjeux de l’enseignement public.  Il évoque son parcours syndical et fait part de ses réflexions sur la nécessité d’une meilleure reconnaissance du métier des enseignants et du dialogue social.

Stéphane Crochet, secrétaire général SE-UNSA - © D.R.
Stéphane Crochet, secrétaire général SE-UNSA - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Après une licence de chimie, j’ai fait ma première rentrée en tant que professeur des écoles en 1998. La même année, j’ai adhéré au Syndicat des Enseignants-Unsa et j’ai commencé à militer.

  • En 2004, je suis devenu le secrétaire départemental de notre section de Dordogne. La même année, je suis devenu membre du bureau national.
  • En 2010, j’ai rejoint l’équipe nationale comme délégué national de la branche « Ecoles ».
  • En 2013, je suis devenu secrétaire national en charge des questions de formation.
  • En 2017, je suis devenu secrétaire général du SE-UNSA.

Comment est née votre fibre syndicale ?

Au SE-UNSA, j’ai trouvé un espace de discussion sur le sens et les enjeux de notre métier

Je suis issu d’un milieu d’ouvriers et d’employés de bureau, ni politisé, ni syndiqué. En revanche, cela m’a toujours intéressé. Au moment de ma formation de professeur des écoles, au SE-UNSA, j’ai trouvé un espace de discussion sur le sens et les enjeux de notre métier. Cela venait combler un manque de la formation initiale.

Pourquoi avoir choisi de militer au SE-UNSA ?

L’UNSA est ancrée dans une union interprofessionnelle et globale, ce qui permet de ne pas s’intéresser qu’au seul milieu éducatif mais à l’ensemble des travailleurs

Ce syndicat s’occupe des enseignants de la maternelle au lycée, ce qui était important pour moi. A mon sens, l’école forme un tout et non des tronçons mis bout à bout.

De plus, l’UNSA est ancrée dans une union interprofessionnelle et globale, ce qui permet de ne pas s’intéresser qu’au seul milieu éducatif mais à l’ensemble des travailleurs, notamment en ce qui concerne les questions de protection sociale.

Par ailleurs, l’UNSA a une approche réformiste, dans le sens où l’organisation est en capacité de s’opposer mais aussi de dialoguer pour trouver des solutions. Il ne s’agit pas d’un bras de fer avec des gagnants et des perdants. 

Quel a été le moment le plus marquant de votre engagement ?

Le conflit social du printemps 2003 est particulièrement marquant pour moi, car je suis passé du militantisme « présent » au militantisme « actif ».

En effet, c’est là que j’ai commencé à animer des réunions et à devenir porte-parole du syndicat dans les lieux de travail. Cela représentait un plus grand investissement et une prise de responsabilité.

Quels sont vos principes pour mener une négociation ?

  • La culture de compromis est assez peu présente depuis que je suis secrétaire général, c’est-à-dire depuis le début du quinquennat

    L’étape du constat partagé est souvent négligée mais me semble essentielle pour clarifier les objectifs de la négociation.
    Par exemple, dans le programme du président-candidat Emmanuel Macron, il est à nouveau question d’améliorer la question du remplacement dans les établissements du second degré en proposant aux collègues présents d’effectuer les heures d’enseignement des absents. Ainsi, les élèves continueraient à bénéficier de l’intégralité de leurs cours. Dans ce cas précis, nous n’avons toujours pas de constat partagé sur la réalité dont on parle : quel est le volume d’heures à effectuer en remplacement ? Quelles sont les raisons des absences de ces professeurs ? Ils peuvent être en arrêt maladie, en formation, répondre à une convocation institutionnelle etc. Le remplacement temporaire d’un professeur ne va pas dans le sens de la continuité de l’apprentissage des élèves. Si nous étions clairs sur les objectifs, le constat serait bien mieux accepté par la profession.

  • L’autre principe pour mener une négociation, c’est de se donner du temps, notamment pour établir une fiche de méthode. Nous vivons dans un monde où tout est fait trop rapidement et dans l’urgence politique. Cela donne des résultats peu aboutis et donc mal acceptés. 
  • Enfin, il faut que chaque partie arrive en négociation avec l’envie sincère d’aboutir à un compromis. Souvent, ce ne sont pas des négociations mais des concertations : c’est ainsi qu’elles sont appelées par l’employeur. Les conclusions sont tirées d’avance, avec quelques modifications éventuelles à la marge. La culture de compromis est assez peu présente depuis que je suis secrétaire général, c’est-à-dire depuis le début du quinquennat. 

Quelles revendications portez-vous actuellement ?

Compte tenu du défi majeur que constitue le manque d’attractivité de nos métiers et des problèmes de recrutement, les salaires doivent être revalorisés

Dans mon métier, la revendication la plus importante est celle de la reconnaissance. Si nous voulons améliorer l’Education nationale, c’est une urgence. La parole et l’action de l’exécutif doivent reconnaître le sens de nos métiers et de l’Ecole publique.

Compte tenu du défi majeur que constitue le manque d’attractivité de nos métiers et des problèmes de recrutement, les salaires doivent être revalorisés. La reconnaissance passe également par l’écoute de la réalité du quotidien de ces professionnels. C’est pour cela que les propos d’Emmanuel Macron ont été mal vécus par la profession, au moment de la présentation de son programme. Il n’a pas eu un mot de reconnaissance de notre travail, il s’agissait plutôt de dire, en creux, que les professeurs n’en faisaient pas suffisamment.

La réussite de l’école inclusive est également un sujet important pour notre syndicat. Une mauvaise inclusion « coûte que coûte », sans accompagnement et sans aide, peut provoquer une grande souffrance chez les élèves.

Enfin nos élèves sont de plus en plus scolarisés dans des établissements sans mixité sociale. C’est une catastrophe pour les années à venir, dans le sens où les élèves ne vivent plus ensemble. Ils sont ghettoïsés. Non seulement cela pèse sur leur réussite scolaire, mais en plus, cela fragilise gravement notre cohésion sociale. 

Comment percevez-vous l’évolution des IRP, depuis le début de votre parcours syndical ?

La loi sur la transformation de la Fonction publique en 2019 a profondément modifié le cadre et les pratiques du dialogue social et les compétences des instances

La loi sur la Transformation de la fonction publique en 2019 a profondément modifié le cadre et les pratiques du dialogue social et les compétences des instances. Ainsi, nous ne disposons plus d’espace de discussion pour gérer les situations individuelles de nos collègues.

L’autorité territoriale n’est plus tenue de saisir la commission administrative paritaire (CAP) des décisions prises en matière de mobilité des agents (mutation, avancement, détachement, intégration, réintégration après détachement, disponibilité). C’est désormais à l’employeur de s’en charger mais il n’est pas en capacité de le faire.

Cela engendre une très nette dégradation du dialogue social dans les territoires. Les cadres, le directeur et le recteur académique ne sont pas habitués au dialogue social et certains peuvent même en être effrayés.