Dialogue social

Benoît Teste, FSU : « il faut dépasser nos divisions pour renforcer et recomposer le syndicalisme »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Près de 800 personnes, dont 650 délégués, ont assisté au dixième congrès de la FSU à Metz du 31 janvier au 4 février 2022. Son secrétaire général, Benoît Teste, fait le point sur ce rendez-vous, sa vision du syndicalisme et les revendications de son organisation.

Benoît Teste, secrétaire général de la FSU - © D.R.
Benoît Teste, secrétaire général de la FSU - © D.R.

Quelles sont vos impressions à l’issue de ce congrès ?

Dans un contexte de campagne présidentielle où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, cela nous a fait du bien de porter dans le débat des alternatives écologiques, humanistes et de progrès social 

Nous avons posé les débats les plus importants, ce qui fait du bien après cette crise sanitaire. C’était un moment syndical fort pour tout ce que la FSU défend. Dans un contexte de campagne présidentielle qui patine, qui tourne beaucoup autour des questions identitaires et où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, cela nous a fait du bien de porter dans le débat des alternatives écologiques, humanistes et de progrès social. 

Il ne s’agit pas de donner dans l’autosatisfaction : après ce beau congrès, nous avons bien sûr aussi des appréhensions, compte tenu du contexte politique et de l’affaiblissement des syndicats. Cela nous donne, en tout cas, de grandes responsabilités pour être plus efficaces et plus proches des salariés.

Quels ont été les sujets principaux abordés lors de ce congrès ?

Il faut reconnaître le travail des salariés comme utile, contrairement à ceux qui, par exemple, font de la spéculation financière

Nous devons faire des salaires et des pensions de retraite une priorité de revendication. C’est un sujet central sur lequel se joue la reconnaissance des métiers dans la société. Il faut reconnaître le travail des salariés comme utile, contrairement à ceux qui, par exemple, font de la spéculation financière. Or la question de la revalorisation des salaires a reculé : dans la fonction publique, il y a le gel du point d’indice. Il faut que les candidats à l’élection présidentielle se positionnent sur la question de la revalorisation nécessaire des salaires. C’est autour de cet axe fort que nous prévoyons une journée d’action le 17 mars avec l’Unsa, Solidaires et la CGT.

Lors de ce congrès, nous avons beaucoup débattu de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars, car c’est aussi sur la question de l’égalité des salaires sur laquelle nous nous battons. En effet, les femmes sont souvent dans des métiers dévalorisés, mal rémunérés et pourtant en première ligne pendant la pandémie. La reconnaissance sociale est en ce sens très importante.

Sur ces sujets, nous allons interpeller les candidats à l’élection présidentielle et montrer la cohérence de notre projet alternatif.

Quel bilan tirez-vous de votre action syndicale ?

Le syndicalisme a été fortement mis à mal par le gouvernement actuel

Nous faisons un bilan contrasté : le syndicalisme a été fortement mis à mal par le gouvernement actuel. Entre Emmanuel Macron et le peuple, il n’y a plus de corps intermédiaire, ce qui a engendré les Gilets jaunes et de fortes contestations. En tant que syndicat, nous pensons que nous avons un rôle fort à jouer dans la société civile. Malgré les attaques et le mépris, nous avons tenu bon, ce qui est un point positif de notre bilan. Par exemple, grâce à notre mobilisation, nous avons pu mettre à bas la réforme des retraites.

Par ailleurs, nous restons présents dans les professions les plus syndiquées, notamment dans l’éducation, où adhèrent plus de 20 % des personnels. Ce n’est pas suffisant mais ce n’est pas rien. Il faut davantage nous développer et toucher les personnes les moins liées au syndicalisme, comme le personnel précaire, ou encore, pour l’ensemble du syndicalisme, les salariés uberisés. Nous devons leur montrer que nous ne sommes pas dans le corporatisme et que nous ne défendons pas des privilèges acquis.

Comment le montrez-vous plus concrètement ?

Le social et l’urgence environnementale vont de pair

Par exemple, nous menons des actions avec les associations écologistes. Cette coalition nous sert à porter l’idée que le social et l’urgence environnementale vont de pair. Prenons un simple exemple dans l’éducation, les lycées professionnels et les lycées agricoles doivent former en lien avec les préoccupations environnementales, sinon la transformation écologique ne peut s’opérer.

Notre vision syndicale n’est donc ni étriquée ni passéiste, au contraire : elle est porteuse de progrès social et humaniste. Même s’il est difficile de mobiliser, nous devons montrer que nous nous ouvrons à toutes les problématiques, en particulier aux jeunes.

Pourquoi est-il difficile de mobiliser ?

Nous sommes dans une société qui a du mal à voir l’intérêt collectif. Or nous devons montrer que les solutions collectives sur le travail sont plus efficaces que les solutions individuelles, sur lesquelles il y a des formes de repli. Pour structurer des revendications et les porter sur du long terme, le partage au sein d’une organisation est très important. C’est d’ailleurs l’objectif d’un congrès comme le nôtre.

Que faudrait-il faire pour renforcer le syndicalisme, selon vous ?

Il faut essayer de dépasser nos divisions pour renforcer et recomposer le syndicalisme

Nous sommes d’accord qu’il faut essayer de dépasser nos divisions pour renforcer et recomposer le syndicalisme. En ce sens, l’un des moments forts du congrès, c’est lorsque Philippe Martinez de la CGT et Murielle Guilbert et Simon Duteil de Solidaires sont venus s’exprimer à la tribune.

Il y a une bonne dynamique et une symbiose entre les différents collectifs syndicaux, écologistes et féministes et nous sommes très attendus sur ces sujets. Il s’agit de recréer un syndicalisme fort dans une société civile forte. C’est un apport essentiel à la démocratie, dans laquelle il est difficile de créer du collectif.