Droits des salariés

De l’incitation à l’obligation : le partage de la valeur en 4 enseignements (focus Voltaire Avocats)

Par Agnès Redon | Le | Réclamations

Lors d’un webinaire, David Guillouet et Louise Peugny, avocats associés au cabinet Volataire Avocats, ont fait le point sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice et les modalités de partage de la valeur.

Droit des salariés : le fonctionnement du partage de la valeur (focus Voltaire Avocats) - © D.R.
Droit des salariés : le fonctionnement du partage de la valeur (focus Voltaire Avocats) - © D.R.

1/ Le contexte

Dans un rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale publié le 29 mai 2024, la Cour des comptes fustige une extension sans précédent depuis 2018 des dispositifs dérogatoires qui pèse sur les comptes sociaux.

Selon la Cour, ces compléments de salaire tendent, de plus en plus, à répondre à un objectif d’amélioration du pouvoir d’achat, au même titre que le salaire de base, mais à moindre coût pour les entreprises du fait de leur régime social dérogatoire.

Parallèlement, les taux des taxes compensatoires, créées pour atténuer les effets de ces dispositifs sur les finances sociales, ont été réduits.

Ce rapport intervient alors même que la loi sur le partage de la valeur a été promulguée le 29 novembre 2023 et qu’elle prévoit de nombreuses mesures destinées à :

  • Faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ;
  • Simplifier la mise en place de dispositifs de partage de la valeur ;
  • Développer l’actionnariat salarié.

2/ Les mesures phares de la loi

Parmi les mesures phares de la loi, figure l’obligation pour toute entreprise de dix salariés et plus de mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur en entreprise ainsi que l’obligation pour bon nombre d’entreprises d’engager une négociation avant le 30 juin 2024 sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice et les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent.

L’obligation de négocier suppose la réunion de deux conditions cumulatives suivantes :

  • L’entreprise est soumise à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation aux résultats, ce qui signifie qu’elle a atteint un effectif d’au moins 50 salariés pendant 5 années civiles consécutives ;
  • L’entreprise est dotée d’au moins un délégué syndical.

Sont expressément exclues du champ de la négociation obligatoire :

  • Les entreprises ayant conclu un accord de participation ou d’intéressement comportant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ;
  • Les entreprises appliquant un accord de participation comportant une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule légale (accord dit « dérogatoire »). Peu d’entreprises sont concernées.

3/ L’augmentation exceptionnelle, un thème obligatoire

À défaut d’accord de participation ou d’intéressement, l’entreprise doit négocier chaque année en vue de mettre en place un tel dispositif dans le cadre de la négociation obligatoire sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée (article L2242 15 du Code du travail).

Désormais, cette négociation porte également sur la définition d’une augmentation exceptionnelle de son bénéfice défini au 1 de l’article L3324 1 et sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent.

Dans tous les cas, l’entreprise devra négocier sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice qui devient un thème additionnel devant obligatoirement être abordé dans les discussions.

Selon l’article 8 II de la loi n° 2023 1107 du 29 novembre 2023, les entreprises dotées d’un accord de participation appliquant la formule de droit commun ou d’un accord de participation ou d’intéressement ne comportant pas de clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels à la date de promulgation de la loi, soit le 29 novembre 2023, doivent ouvrir une négociation avant le 30 juin 2024.

4/ Les modalités du partage de la valeur

Une fois que l’augmentation exceptionnelle du bénéfice est définie, les parties doivent ensuite négocier sur les modalités de partage de la valeur qui en découlent. À ce titre, la loi prévoit deux possibilités :

  • Soit prévoir directement dans la clause qu’il sera versé un supplément de participation ou d’intéressement ;
  • Soit renvoyer à une nouvelle négociation dont l’objectif pourra être la mise en place d’un supplément de participation ou de participation, un abondement à un plan d’épargne (PEE, PEI, PERCO, PERCOI, PERECO) ou le versement d’une prime de partage de la valeur. Il s’agit là encore d’une simple obligation de négocier et non de conclure un accord.