Allison Deckers (UNSA) : « L’engagement syndical est personnel, mais c’est aussi l’affaire de tous »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Allison Deckers aborde son parcours syndical qui a débuté en 2012. Adhérente depuis peu à l’UNSA, elle livre ses réflexions sur le sens de l’engagement ainsi que sur l’importance de la négociation collective sur la QVCT dans ses revendications actuelles.
Quel est votre parcours syndical ?
- En 2012, soit 6 mois après mon entrée au sein de mon entreprise, j’ai pris la décision de rejoindre mon premier syndicat, influencée par l’estime que je portais au délégué syndical. Ce dernier m’a présentée à la secrétaire générale, ce qui m’a permis de rencontrer une femme humble, inspirante et qui a joué un rôle décisif dans mon évolution au sein de l’organisation.
- En 2014, dès mon premier mandat, j’ai été élue déléguée du personnel et désignée déléguée syndicale. Par la suite, j’ai occupé le poste de secrétaire générale adjointe.
J’ai également eu la chance de participer à plusieurs reprises à des réunions du conseil de branche du secteur de l’immobilier. Mon implication en tant qu’assesseur au Pôle social pendant plusieurs années a également été significative et m’a permis d’élargir mon champ de compétences.
J’ai fait le choix pendant 10 ans de me positionner spécifiquement dans :
- La défense des salariés ;
- La négociation d’accords.
J’ai participé à des commissions, mais j’ai préféré laisser la place à d’autres membres élus afin de ne pas cumuler trop de désignations, et de garder un peu de temps pour mon emploi.
Ces expériences variées ont été des catalyseurs essentiels de mon engagement. En 2023, j’ai finalement pris la décision de rejoindre l’UNSA, franchissant ainsi une nouvelle étape dans mon parcours syndical.
Comment est née votre fibre syndicale ?
J’ai été victime avant d’être témoin des défis auxquels sont confrontés les travailleurs.
Ma fibre syndicale est née tardivement. Je n’ai pas grandi au milieu des tracts. Ma vocation est simplement née de ma conviction profonde de la nécessité de défendre les droits des travailleurs et de mon désir de combattre les inégalités qui existent dans le monde du travail.
Avant d’être témoin des défis auxquels sont confrontés les travailleurs, j’ai été victime des conditions de travail précaires, des salaires insuffisants, des abus de pouvoir et de la discrimination. Cela a naturellement suscité en moi une volonté de faire partie d’un mouvement qui lutte pour la justice sociale et l’amélioration des conditions de vie des salariés.
Le moteur de mon engagement réside dans ma conviction que les travailleurs ont le droit d’être traités équitablement et d’avoir une voix dans les décisions qui les concernent. Je crois fermement que les syndicats jouent un rôle prépondérant pour représenter les intérêts des travailleurs, négocier des conditions de travail justes et sécuritaires, et défendre leurs droits.
En m’engageant, je me sens connectée à une communauté de travailleurs militants qui partagent les mêmes valeurs et aspirations que moi et qui rencontrent les mêmes difficultés : être élue et salariée. Ensemble, je suis persuadée que nous pouvons influencer les politiques, les pratiques et les lois, et avancer pour une société plus juste.
L’engagement syndical n’est pas seulement une affaire personnelle, c’est l’affaire de tous. C’est aussi un moyen de construire un avenir meilleur pour l’ensemble de la société. En me battant pour les droits des travailleurs, j’espère contribuer à lutter contre les inégalités et à promouvoir une société où chacun est traité avec dignité et respect.
Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à l’UNSA ?
L’UNSA respecte l’autonomie de ses membres, ce qui était un critère essentiel pour moi.
Il y a quelques mois, j’ai pris la décision de quitter le syndicat qui m’avait accompagnée pendant la dernière décennie. Cette décision n’a pas été facile mais a été mûrement réfléchie, car je sentais que cette organisation ne correspondait plus à mes aspirations et valeurs. L’émancipation était devenue nécessaire, malgré les liens affectifs et les relations chères que j’avais tissés au sein de cette confédération.
En franchissant le seuil des portes de l’UNSA, j’ai été chaleureusement accueillie, avec bienveillance et ouverture d’esprit. Mon histoire y a été entendue, ce qui était essentiel pour moi.
Ce changement marque une étape significative dans mon évolution syndicale. Avec eux, je souhaite bâtir un avenir basé sur la démocratie, la justice sociale et le réformisme. Ce syndicat peut être considéré comme “jeune”, mais il respecte réellement l’autonomie de ses membres, militants et élus, ce qui était un critère essentiel pour moi.
Quel est le moment marquant de votre parcours ?
Mon parcours dans le monde syndical n’a pas encore été marqué par de moments d’une grande envergure, je m’estime comme encore relativement novice. Cependant, j’ai été impliquée dans de nombreuses situations où j’ai assisté mes collègues et fourni des informations aux salariés d’autres entreprises.
Parmi les différentes petites expériences que j’ai pu vivre, je considère que ma participation comme syndicat majoritaire à la négociation de l’ensemble des accords d’entreprise suite à une fusion a été un moment particulièrement important. Ce processus a été à la fois stressant, engageant et très formateur.
Nous avons pleinement conscience du rôle prépondérant que nous jouons en négociant les conditions de travail pour l’ensemble de nos collègues. Cela nous a permis de réaliser l’impact significatif que nous pouvons avoir sur leur quotidien professionnel.
Quels sont vos sujets actuels de revendication ?
Il est déterminant de promouvoir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
La qualité de vie au travail (QVCT) et la prévention des risques psychosociaux (RPS) sont deux sujets qui revêtent une importance croissante dans le monde professionnel.
En tant que salariée et élue, je suis fermement convaincue que notre environnement de travail doit dans la mesure du possible favoriser la satisfaction professionnelle et personnelle de chacun. C’est pourquoi j’ai décidé de m’investir activement dans des groupes de travail afin de négocier et de préparer des accords en matière de QVCT.
- Ces accords doivent englober différents aspects essentiels pour créer un environnement de travail épanouissant. Tout d’abord, il est déterminant de promouvoir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les salariés doivent avoir la possibilité de consacrer du temps à leurs familles, à leurs loisirs et à leurs intérêts personnels, afin de préserver leur bien-être global.
- Il est également important de mettre en place des programmes de soutien mental et émotionnel. Ces programmes peuvent inclure des services de conseil, des formations sur la gestion du stress et des mécanismes d’aide aux employés pour faire face aux défis psychologiques liés au travail.
- Il est enfin primordial de garantir des espaces de travail sûrs et sains, en veillant à la sécurité physique des salariés et en favorisant un environnement propice à la santé.
Quant à la prévention des RPS, c’est un défi de taille pour les entreprises. Il est indispensable de sensibiliser davantage et de former les employés et les dirigeants aux risques psychosociaux. Cela comprend des problèmes tels que le stress, le harcèlement et l’épuisement professionnel. En mettant en place des politiques et des mesures de prévention adaptées, les entreprises peuvent créer un environnement de travail sain et respectueux.
J’encourage vivement les entreprises à reconnaître leur importance et à prendre des mesures concrètes en fonction des problématiques spécifiques rencontrées. Cela peut impliquer des actions telles que :
- La sensibilisation des employés ;
- La mise en place de protocoles de signalement et de résolution des problèmes.
De quelle manière menez-vous des négociations ?
Au cours des dix dernières années, ma manière de négocier a subi une évolution significative. J’ai appris à adopter une approche plus stratégique et moins frontale, j’ai gagné en maturité.
J’ai toujours veillé à recueillir les opinions des salariés.
Lors des différentes négociations que j’ai menées, j’ai toujours veillé à recueillir les opinions des salariés. Bien que nous soyons élus pour les représenter, il est important de les consulter régulièrement.
Mes principes de négociation sont axés sur la recherche du consensus et l’obtention progressive de nouveaux acquis à chaque négociation. De plus, il est crucial de souligner que la négociation n’est pas une entreprise individuelle, mais plutôt une démarche collective impliquant une équipe d’élus. Le facteur collectif est incontestablement essentiel.
Que diriez-vous à une personne qui s’engage dans le syndicalisme ?
Il est indispensable de mettre de côté les intérêts individuels.
Je lui dirais qu’il va vivre de très belles expériences humaines car le syndicalisme c’est avant tout de « l’humain ». Les évènements et les actions de terrain avec les militants créent des liens forts et uniques.
Je lui rappellerais également que l’aspect humain implique que personne n’est infaillible, y compris dans le monde syndical. Il est important d’avoir une vision réaliste et de comprendre que le syndicalisme peut comporter des imperfections.
J’insisterais en lui rappelant l’importance d’agir toujours dans l’intérêt collectif et non pour son intérêt personnel. Le syndicalisme repose sur la solidarité et la défense des droits de tous les travailleurs sans discrimination aucune. Il est indispensable de mettre de côté les intérêts individuels.
Pour terminer, je l’encouragerais à s’engager de manière désintéressée et à travailler activement en faveur d’un monde plus équitable. Le syndicalisme est un outil pour promouvoir la justice sociale et l’égalité. Il faut s’en saisir, le nourrir et le faire vivre.
Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?
Je suis ravie de voir quelques jeunes s’engager, car ils représentent l’avenir.
Le syndicalisme suscite généralement de l’intérêt lors des grandes manifestations sociales, comme cela a toujours été le cas. Néanmoins, depuis 10 ans, le fait de recruter de nouveaux adhérents demeure difficile, et - plus encore - de mobiliser des personnes en dehors des périodes de conflits. Cependant, je refuse de prôner un syndicalisme basé sur la peur et l’intimidation.
Le syndicalisme est souvent entaché par des stéréotypes qui lui collent à la peau. Les salariés peuvent manifester une certaine réticence et ne pas toujours comprendre pleinement le fonctionnement des organisations syndicales. Il nous incombe de travailler à une meilleure compréhension de notre rôle et de nos motivations, tout en combattant les clichés qui peuvent nuire à l’image du syndicalisme. Nous devons mieux communiquer.
Il est capital de souligner que tous les syndicalistes ne correspondent pas au stéréotype du permanent confortablement installé dans un recoin de la Bourse du Travail. J’insiste sur l’importance d’accompagner les gens à dépasser ces préjugés et à mettre en valeur la diversité des personnes engagées dans le mouvement syndical, avec leurs parcours et leurs motivations variées.
Je suis ravie de voir quelques jeunes s’engager, car ils représentent l’avenir. Ils doivent comprendre qu’en adhérant au syndicat et en travaillant collectivement, ils pourront contribuer à faire progresser les causes pour lesquelles des personnes se sont battues depuis des centaines d’années. Ils reprennent en quelque sorte le flambeau.
Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non syndiqués ?
Lorsque des collectifs non-syndiqués se forment, cela signifie que nous n’avons pas su répondre à leurs besoins, que nous n’avons peut-être pas su les entendre ou tout simplement parce que nous n’avons pas su nous présenter efficacement. Au fond, nous partageons les mêmes objectifs.
Je serais plutôt en faveur d’accompagner ces collectifs et de les soutenir dans leur processus de structuration. Nous pouvons leur offrir notre expérience et, qui sait, trouverons-nous des terrains d’entente et des opportunités de collaboration profitable.
Concepts clés et définitions : #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail , #Syndicat