Hichem Aktouche (SUD commerces et services) : « Toujours aller au bout de ce qui nous semble juste »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Secrétaire du syndicat SUD Commerces et Services en Ile-de-France, Hichem Aktouche trouve dans son engagement syndical une manière de combattre les injustices. Il revient sur son parcours syndical, qui a démarré chez Pizza Hut jusqu’à ce jour, puis au conseil des prud’hommes, et sur les valeurs qui l’animent.
Comment est née votre fibre syndicale ?
Je travaillais chez Pizza Hut lorsque j’étais étudiant. Mon employeur recrutait principalement des étudiants étrangers et j’étais l’un des rares Français. Il avait tendance à les exploiter, à leur demander de faire des heures supplémentaires non rémunérées.
Suite à un conflit avec lui, il a tout fait pour me faire démissionner. Pour tenter de me protéger, j’ai cherché des informations sur Internet et j’ai vu qu’il y avait un syndicat CGT chez Pizza Hut. Après mon appel à l’aide, ces syndicalistes sont venus nous voir, ont fait un rappel au droit à l’employeur.
Ce syndicat, représenté par Abdel Mabrouki, m’a alors proposé de rejoindre leur action. J’ai accepté et le syndicalisme m’a rapidement passionné. Ce que nous faisions avait des répercussions concrètes sur les salariés, surtout lorsque l’entreprise a mis en place un très vaste plan de départ en franchise.
Quels ont été vos différents mandats ?
- En 2006, je suis devenu représentant syndical au CE sous l’étiquette CGT ;
- En 2009, je suis devenu délégué syndical SUD ;
- En 2011, j’ai démarré une formation juridique pour plaider aux prud’hommes, où je suis officiellement désigné défenseur. C’est aussi cette année que j’ai rencontré Ian Brossat, adjoint à la Maire de Paris. Il m’a proposé de venir travailler au cabinet avec lui en tant que chargé de mission. J’étais d’abord à mi-temps avec lui et à mi-temps délégué syndical ;
- En 2013, j’ai été élu au CE, au CHSCT et délégué du personnel ;
- En 2014, j’ai quitté l’entreprise et j’ai décidé de travailler à temps plein aux côtés de Ian Brossat ;
- En 2017, j’ai abandonné mon poste au cabinet et je suis revenu m’investir dans le syndicalisme ;
- Depuis 2018, je suis secrétaire du syndicat SUD commerces et services en Ile-de-France.
Pourquoi avoir choisi le syndicat SUD ?
Les valeurs fortes de SUD, qui sont radicalement de gauche, me correspondent plus que celles de la CGT
Les valeurs fortes de SUD, qui sont radicalement de gauche, me correspondent plus que celles de la CGT. Avec ce syndicat, nous allons toujours au bout de ce qui nous semble juste.
Certains syndicats courbent l’échine devant la direction qui veut nous faire signer un accord, ce qui n’est pas le cas de SUD.
Chez Pizza Hut où les salariés étaient dans la précarité, j’avais la volonté de conquérir de nouveaux droits pour eux. Cela me donne l’impression de faire bouger les choses dans le bon sens et d’obtenir des avancées concrètes.
Quelles ont été les négociations les plus marquantes de votre parcours ?
Ce sont celles des grèves et des occupations. Par exemple, nous avions de nombreux accidents du travail des livreurs chez Pizza Hut mais comme la Sécurité sociale tarde souvent à verser les indemnités journalières, il était bien compliqué pour des salariés à temps partiel de payer leur loyer.
Après de longues négociations et des grèves, lorsque nous avons obtenu la mise en place de la subrogation de salaire en cas d’arrêt de travail, cela a changé la vie de tous les salariés.
Quelle est votre méthode pour mener à bien vos négociations ?
Le moyen de négociation numéro 1 reste le rapport de force
- Le moyen de négociation numéro 1 reste le rapport de force. Si les salariés sont prêts à se mobiliser pour obtenir ce qui leur semble légitime, par la manifestation ou la grève, c’est ce qui pèsera le plus lors d’une négociation ;
- Ensuite, il faut toujours avoir des propositions alternatives en cas de refus. Si la direction refuse 3 propositions successives, cela signifie qu’elle ne lâchera rien et qu’il n’y a aucune marge de négociation ;
- Il me semble important de former les élus. Plus les représentants du personnel maîtrisent les sujets sur lesquels ils doivent se battre, mieux ils mèneront les négociations. C’est le cas des prud’hommes pour les défenseurs syndicaux, qui aident à acquérir des connaissances et mieux négocier.
Rien ne vaut le lien étroit entre le syndicat et sa section, pour approfondir ses connaissances du terrain et les échanges. Ce lien avec le terrain nous rend légitimes lors des négociations. Nous faisons en sorte que les élus de CSE s’impliquent toujours davantage dans le fonctionnement du syndicat et dans toutes les prises de décision.
De quelle manière observez-vous la transformation des IRP depuis les ordonnances de 2017 ?
La disparition des CHSCT est une catastrophe
La transformation des CE en CSE a fait disparaître plusieurs dispositions qui nous tenaient à cœur. Par exemple, l’assistance syndicale lors des réunions de délégués du personnel. La seule évolution positive est la possibilité plus clairement attribuée à l’élu qui la demande de lancer une enquête au titre de l’article L2312-59 du Code du Travail.
Ensuite, la disparition des CHSCT est une catastrophe. Encore aujourd’hui, même de nombreux RH considèrent que le CHSCT a la même importance que la CSSCT, mais c’est faux. Il est regrettable globalement de constater que nous avons une réduction du nombre d’élus qui doivent en même temps maîtriser davantage de sujets, dont la santé et la sécurité au travail.
Quels sont les sujets actuels les plus discutés au niveau de votre syndicat ?
Chez SUD, contrairement à d’autres syndicats, nous refusons de signer un accord qui ne va pas au-dessus du minimum légal
Il s’agit surtout de la multiplication des PSE, dont les conséquences sont dramatiques. Dans ce contexte, notre travail est d’accompagner des personnes dans la précarité, la difficulté, et non de conquérir des droits.
Chez SUD, contrairement à d’autres syndicats, nous refusons de signer un accord qui ne va pas au-dessus du minimum légal. Sinon quel est l’intérêt d’obtenir un accord ?
Lorsque le rapport des experts a montré que l’entreprise Jardiland n’était pas du tout en difficulté économique mais qu’elle prévoyait un PSE sur deux magasins, c’est injustifié. Jardiland a finalement renoncé à ce PSE mais nous a mis en garde qu’il aura lieu l’année prochaine.