Dialogue social

C. Barrat (La Poste CFTC) : « Le syndicalisme, un travail à temps plein qui demande des concessions »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Elu président CFTC La Poste en 2021, Christophe Barrat fonde son engagement syndical sur une vision humaniste et réformiste du droit des salariés.
Il revient sur son parcours syndical et observe une dégradation du dialogue social dans l’entreprise.

Christophe Barrat, président CFTC La Poste - © D.R.
Christophe Barrat, président CFTC La Poste - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Depuis 2007, j’étais rattaché à la Plateforme industrielle du courrier (PIC) en Lorraine en tant que pilote machines.

  • En 2013, je me suis engagé à la CFTC ;
  • En 2015, j’ai été élu secrétaire national adjoint de la branche Services-Courrier-Colis de la Poste (BSCC) ;
  • En 2017, j’ai été élu secrétaire national sur l’ensemble de l’activité des 85 permanents de la CFTC ;
  • En 2021, j’ai été élu président national de la CFTC La Poste. Je suis également trésorier de la fédération CFTC Média Plus, qui compte environ 8 000 adhérents.

Comment est née votre fibre syndicale ?

Je me suis engagé très rapidement, car cette aide apportée aux personnes en difficulté m’a beaucoup plu

C’est un de mes collègues adhérent à la CFTC qui m’a donné envie de m’engager. En 2013, il m’a demandé de lui donner un coup de main pour monter une équipe CFTC sur la PIC Lorraine. Je me suis engagé très rapidement, car cette aide apportée aux personnes en difficulté, les défendre, porter des dossiers, tout cela m’a beaucoup plu.

Pourquoi avez-vous choisi la CFTC ?

Je me retrouve tout à fait dans les valeurs de la CFTC qui sont les suivantes :

  • Humaniste, dans le respect de la personne et de sa dignité, en donnant la priorité à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ;
  • Le réformisme.

Quels sont les moments marquants de votre parcours ?

Il n’était pas évident pour moi de trouver ma place à la table des négociations, en face des cadres stratégiques

En 2015, je suis venu à Paris pour les négociations concernant la coupure méridienne des facteurs. Jusque-là, les facteurs commençaient leur journée de travail vers 6h le matin et la terminaient vers 13h. Il a été décidé d’imposer un nouveau rythme, en décalant leurs heures de travail le matin plus tard et par conséquent, en les faisant travailler l’après-midi aussi. En tant que syndicaliste, il me fallait être attentif à leurs droits concernant cette pause méridienne, par exemple prévoir un temps suffisant pour pouvoir se restaurer et se changer en cas de pluie.

Ce nouveau rythme de travail imposé a bouleversé les salariés, qui avaient l’habitude de prendre le temps libre de l’après-midi pour s’occuper de leur(s) enfant(s), par exemple.

Il n’était pas évident pour moi de trouver ma place à la table des négociations, en face des cadres stratégiques. Mais j’ai pris conseil auprès des militants expérimentés, ce qui m’a beaucoup appris.

Les négociations relatives aux conditions de travail des facteurs et des encadrants à la distribution du courrier en 2017 ont également constitué un moment marquant, tout comme mon élection en tant que président de la CFTC La Poste, un autre moment fort de mon parcours.

Quels principes appliquez-vous pour mener une négociation ?

Pour être crédible dans une négociation et être écouté, il faut avoir des revendications réalistes

Le travail collectif en amont est essentiel. Notre section nationale se compose de 21 membres avec qui les sujets sont travaillés en amont. Par exemple, La Poste nous a proposé un avenant sur le télétravail et nous examinons le dossier et si nécessaire, nous relevons les points de vigilance.

Par ailleurs, pour être crédible dans une négociation et être écouté, il faut avoir des revendications réalistes.

Enfin, je regarde ce qui a été négocié et obtenu dans les autres branches, comme lors des dernières NAO chez Orange.

Quels sont les sujets que vous portez actuellement dans vos revendications ?

Le 21 juillet 2022, La Poste a décidé de la dématérialisation du timbre rouge, qui devrait engendrer 120 millions d’euros d’économie. Nos inquiétudes portent notamment sur :

  • Le maintien des tournées ;
  • La numérisation forcée ;
  • La pérennité des emplois de facteurs.

Notons qu’à ce jour, seul le courrier important est distribué le samedi et les effectifs de facteurs ont largement été diminués : ils étaient 73 000 en 2016, ils sont désormais un peu plus de 60 000.

Nos revendications actuelles sont donc les suivantes :

  • Les salaires et le pouvoir d’achat revalorisés, en particulier dans ce contexte inflationniste ;
  • Des meilleures conditions de travail ;
  • Faire passer l’humain avant la transformation de La Poste ;
  • Prévenir les incivilités, avec lesquelles nous rencontrons certains problèmes ;
  • La formation des postiers à la numérisation ;
  • Assurer la pérennité de l’emploi.

Qu’est-ce que vous conseilleriez à une personne sur le point de s’engager dans le syndicalisme  ?

Il faut être conscient des raisons pour lesquelles on s’engage. Le syndicalisme ne se prend pas à la légère, c’est un travail à temps complet qui demande des concessions, surtout quand on prend des responsabilités.

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Dès lors qu’une entreprise prend une décision, elle est unilatérale et passe en force

L’engagement syndical prend de moins en moins de place et je le regrette. Déjà, la société est individualiste et il est difficile de faire collectif.

Par ailleurs, dès lors qu’une entreprise prend une décision, elle est unilatérale et passe en force. Normalement, tous les projets envisagés au niveau des branches doivent être soumis au comité technique national. Les organisations syndicales peuvent ainsi s’opposer ou approuver un projet, or ce n’est pas le cas. Par exemple, pendant la crise sanitaire, La Poste avait décidé de modifier l’organisation des tournées, sans nous consulter. 

Concepts clés et définitions : #Syndicat, #NAO ou négociation annuelle obligatoire