Dialogue social

Renouvellement des CSE : bilan et propositions (focus FO)

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Les premiers CSE devaient être mis en place en application des ordonnances Travail au plus tard le 31 décembre 2019. 2024 est donc l’heure du renouvellement de ces instances.
Un guide interne à Force ouvrière dresse un bilan sur le renouvellement des CSE.

Renouvellement des CSE : quel bilan et quelles propositions ? (focus FO) - © D.R.
Renouvellement des CSE : quel bilan et quelles propositions ? (focus FO) - © D.R.

Centralisation et perte de proximité de la représentation du personnel

« Les employeurs ont rationalisé et installé un CSE au niveau des sièges, éloignant les représentants du terrain. Quelles conséquences sur la défense des salariés ? », peut-on lire en introduction du guide Force ouvrière.

Concernant l'évolution des instances, Kevin Guillas-Cavan, économiste au sein de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), formule 4 critiques suivantes :

  • « Avoir oublié les grandes entreprises et leur complexité organisationnelle, qui nécessite de prendre en compte plus de 2 niveaux.
    • La spécialisation des instances permettait d’avoir plusieurs niveaux représentés.
    • On aurait pu faire de la transversalité et fusionner, mais, dans ce cas, il aurait fallu prévoir plus de 2 instances. Il aurait peut-être fallu créer un 3ème niveau ;
  • Avoir eu foi dans une sorte de rationalité discursive, c’est-à-dire de croire que, parce qu’il y aurait un échange d’arguments entre représentants du personnel et direction, on arriverait à un accord équilibré prenant en compte les besoins des salariés, etc. C’est oublier le rapport de force. 
  • Avoir rendu les représentants du personnel optionnels. On a créé un dispositif sans préciser qu’il doit y avoir des représentants de proximité.
    • En cas de représentants de proximité, il doit y avoir un socle de règles minimum.
    • Lorsque cette configuration existe, elle se révèle néanmoins assez vide.
  • Avoir beaucoup reposé, par contrainte parfois, sur le pouvoir institutionnel pendant des décennies. Cela impose une densité syndicale plus importante pour couvrir davantage le terrain.
    • L’objectif de re-syndicalisation n'était pas vital en France, contrairement à d’autres pays, parce que les instances de représentation avaient le pouvoir institutionnel leur permettant de quadriller le terrain grâce aux institutions.
    • Désormais cela n’existe plus, c’est très limité. Il y a donc un pouvoir organisationnel à développer. »

Dépouillement de la représentativité des CSE

Karen Gournay, secrétaire confédérale en charge du secteur de la négociation collective et de la représentativité, analyse les conséquences de la centralisation sur la représentativité des CSE.

De son point de vue, la première conséquence de cette centralisation est qu’elle éloigne les acteurs syndicaux du terrain.

  • « Cette centralisation a eu un impact sur la représentativité régionale et départementale. Les procès-verbaux d'élection, dans la très grande majorité des cas, sont comptabilisés dans le département où l’entreprise a son siège.
  • Le siège de l’entreprise n’est pas nécessairement localisé au sein du département ou de la même région que celle où se situe géographiquement l'établissement qui comporte le plus grand nombre d'électeurs, donc de suffrages valablement exprimés.
  • Or, ces résultats aux élections professionnelles vont déterminer la composition des instances. Donc la répartition des sièges dans les instances régionales et départementales (Conseil de prud’hommes, Conseil économique social et environnemental régional, etc.) »

Pour Karen Gournay, la solution à ce problème de représentativité est la négociation de l’accord CSE.

« La solution pour nous est une réponse de terrain. La seule faculté de porter l’intérêt des salariés est que FO soit de plus en plus présente et qu’il y ait une volonté de nos élus de travailler deux fois plus. Avec moins de moyens et plus de travail, nous allons devoir nous retrousser les manches. »

La disparition des CHSCT

Pour Amandine Michelon, doctorante au Centre de sociologie des organisations (CSO), la centralisation des CSE laisse moins de place pour les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail.

D’autant plus que l’on constate aussi dans beaucoup d’entreprises une baisse du nombre d'élus et/ou du nombre d’heures de délégation.

Perte d’un lieu de savoir-faire

  • « La disparition des CHSCT est aussi problématique parce qu’il était considéré comme un véritable outil de proximité, qui donnait une visibilité au travail concret et quotidien des salariés, d’autant qu’il était souvent implanté au niveau des établissements.
  • Avec la disparition des CHSCT, on perd un lieu de savoir-faire sur les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail dans l’entreprise.
  • Dans beaucoup d’entreprises, notamment les plus petites ou celles où il n’y a pas de service Hygiène sécurité environnement (HSE) ou de préventeur, les personnes les plus formées et les plus compétentes sur les questions de santé au travail, ce sont les élus. »

Pour la chercheuse, la disparition des CHSCT acte aussi la disparition des compétences sur la santé au travail dans les entreprises.

« Même dans les entreprises dans lesquelles on dispose de ce service HSE, les approches de la direction, en termes de santé au travail, ne sont pas les mêmes. Elles passent par des vocabulaires plus managériaux, par de la mesure d’indicateurs, plutôt que par le travail qualitatif que peuvent faire les élus lors de leurs visites de sites, grâce à cette proximité qu’ils entretiennent avec le terrain.

Eclatement des structures de représentation

La deuxième problématique est que l’aspect négocié des CSE entraîne un éclatement des structures de représentation du personnel, avec ce modèle de l’instance “sur mesure”.

Or, cette négociation se fait aussi dans une situation asymétrique, puisque la mise en place du CSE par accord n’est pas obligatoire et que l’employeur peut, en cas d'échec de la négociation, mettre en place la nouvelle instance par décision unilatérale avec application du supplétif.

  •  »Cet éclatement des structures de représentation du personnel signifie que, lorsqu’on sort du minimum légal qui est tout de même une situation assez fréquente, on se trouve avec différentes architectures d’instances telles qu’un nombre d'établissements qui peut varier considérablement, la mise en place de représentants de proximité ou non, la mise en place de CSSCT ou non, etc.
  • Avec cet éclatement des structures vient un éclatement des pratiques de représentation du personnel et de la façon dont on va prendre en charge les questions de santé et de sécurité."

Concepts clés et définitions : #Élections du CSE , #CSE ou Comité Social et Économique , #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail