Benjamin Suchar (Worklife) : « Forfait Mobilités Durables : l’usage nuancé des groupes du CAC 40 »
Par Agnès Redon | Le | Réclamations
En 2023, la mise en œuvre du Forfait Mobilités Durables (FMD) par les entreprises reste contrastée. Benjamin Suchar, directeur général et cofondateur de Worklife (solution de gestion des avantages salariés), analyse les implications de ce dispositif.
Quelle est l’origine de votre étude sur le Forfait Mobilités Durables (FMD) ?
Nous avons épluché de manière très attentive toutes les publications officielles, les accords d’entreprise, les décisions unilatérales des groupes du CAC 40 et de leurs partenaires sociaux jusqu’à novembre 2023.
En 2022, selon un rapport de Matthieu Orphelin (ex-député de Maine-et-Loire alors rattaché à Europe Écologie Les Verts), la majorité des groupes du CAC 40 n’avait toujours pas mis en place le FMD.
Un an après, nous voulions savoir si les choses avaient évolué.
Dans votre étude, quel paradoxe relevez-vous à propos de la mise en place du FMD au sein des entreprises du CAC 40 ?
En un an, près de deux fois plus d’entreprises du CAC 40 ont mis en place le Forfait Mobilités Durables : 72,5 % en 2023 contre 39 % en 2022.
Cette bonne nouvelle est cependant nuancée par les résultats de notre étude qui révèle que la plupart des dispositifs implémentés dans ces grandes entreprises sont encore symboliques et/ou bien en deçà du plafond de 700€ annuel prévu par la loi.
Il y a certes une prise de conscience mais les entreprises du CAC 40 sont encore à la traîne face aux enjeux environnementaux.
La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), promulguée le 24 décembre 2019, indique :
- que le plafond du FMD peut être porté à 800€ en cas de cumul avec la prise en charge par l’employeur de l’abonnement de transport en commun, dont le taux exonéré de prise en charge est maintenant porté à 75 % depuis la loi de finances rectificative 2022.
- Or, à ce jour, la moitié des entreprises ne s’est pas alignée au nouveau seuil, puisqu’elles sont encore la moitié à ne financer que 50 % de l’abonnement de transports.
Comment expliquez-vous ces freins ?
Beaucoup négligent encore la dimension environnementale et son impact économique.
Je l’explique tout d’abord par la complexité des dispositifs encadrés par la LOM, tels que les règles complexes de cumul du FMD avec l’abonnement de transport conditionnant le seuil d’exonération de charges. Cela semble entraver une mise en œuvre uniforme.
La diversité des entreprises (structures, secteurs, localisation), l’absence d’outils de gestion et le caractère facultatif de la loi contribuent à des approches inégales, avec des résultats complexes et hétérogènes.
Seule une entreprise du CAC 40 applique intégralement les dispositions plafond de la LOM, tandis que beaucoup négligent encore la dimension environnementale et son impact économique.
L’autre raison de ces freins me semble être d’ordre budgétaire mais aussi due à une méconnaissance de ces dispositifs. Ainsi, les partenaires sociaux ont tendance à voir le pouvoir d’achat des salariés qu’à travers le prisme des hausses de salaires.
Malgré tout, les entreprises sont de plus en plus conscientes de l’importance d’intégrer le FMD dans leurs avantages salariés.
Quel est l’impact de ce FMD pour le pouvoir d’achat des salariés ?
Le FMD sert à financer le covoiturage ou la recharge de voitures électriques, des sujets qui touchent tout le monde.
En 2023, chez Worklife, 70 % de nos clients utilisent le FMD. En ce sens, c’est un véritable avantage pour les salariés.
Cette mise en place timorée de la LOM montre qu’une majorité reste à convaincre de l’importance de soutenir le pouvoir d’achat des salariés et de répondre aux enjeux climatiques.
La mise en œuvre du FMD pourrait devenir une nécessité à mesure que les entreprises seront confrontées à l’évolution des plans de mobilité et aux nouvelles attentes des salariés pour les attirer et les fidéliser.
Quelles sont les actions possibles des représentants du personnel pour aider les salariés à en bénéficier ?
On oppose un peu trop souvent la question des rémunérations et des avantages salariés.
Il faut savoir que les NAO doivent obligatoirement intégrer l’enjeu de la mobilité pour négocier le montant du FMD et les actions en faveur de la mobilité durable (article L2242-17 du Code du travail).
Il est donc nécessaire que les représentants du personnel se saisissent de ce sujet et qu’il soit inscrit à l’ordre du jour du CSE.
Je crois qu’on oppose un peu trop souvent la question des rémunérations et des avantages salariés. Or c’est du gagnant-gagnant : en apportant plus de pouvoir d’achat aux salariés, une entreprise peut apporter plus de rémunération nette en payant moins de charges sociales et patronales.
En ce sens, il faut davantage de formation des élus de CSE sur ces dispositifs.
LOM et mise en place du FMD
la Loi d’orientation des mobilités (LOM) permet aux entreprises la prise en charge facultative de tout ou partie des frais de transports personnels entre le domicile et le lieu de travail (frais de carburant, frais engagés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène) jusqu’à 800 € par an depuis 2023 (au lieu de 600 € par an).
Le forfait est exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales dans la limite de :
• 700 € par personne et par an pour les années 2022 et 2023 ;
• 800 € en cas de cumul du forfait mobilités durables et de la prise en charge par l’employeur de l’abonnement de transport en commun.
Concepts clés et définitions : #NAO ou négociation annuelle obligatoire , #CSE ou Comité Social et Économique